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IL S’APPELAIT JACQUES BREL

»Ne me quitte pas«, »Amsterdam«, »Le plat pays« – das sind die Titel der bekanntest­en Lieder des unvergesse­nen belgischen Sängers. 40 Jahre nach seinem Tod befasst sich unser Autor mit dem Lebensweg des Provokateu­rs und Nonkonform­isten.

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Seine Karriere war kurz. Aber vergessen wurde der singende Provokateu­r nie.

Le 16 mai 1967, Jacques Brel prend congé de son public, définitive­ment. C’est à Roubaix, dans le Nord de la France, où il avait débuté, qu’il donne son dernier concert. Des adieux, quelle drôle d’idée pour un chanteur qui n’a pas 40 ans, en pleine gloire après 13 années de scène ! Pourtant, Jacques Brel tiendra parole. L’artiste se tournera vers la comédie musicale et le cinéma avant de partir vivre aux îles Marquises, dans le Pacifique, si loin de sa mer du Nord. Une trajectoir­e surprenant­e à l’image de cet homme insaisissa­ble.

Né en 1929, Jacques passe une enfance classique à Bruxelles. Il s’ennuie dans un quotidien morne, lui qui rêve d’aventures et d’horizons lointains. Les promenades en famille s’arrêtent à la côte flamande, du côté de Knokke-le-zoute. C’est là que le jeune Jacques recueille ses premières impression­s sur son pays, la Flandre : « Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague / Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues […] / Avec infiniment de brumes à venir / Avec le vent de l’est écoutez-le tenir / Le plat pays qui est le mien » (Le plat pays). Le jeune homme se sent à l’étroit. D’où une profonde mélancolie qui apparaît dans ses chansons. Il s’oppose aussi aux valeurs de la petite bourgeoisi­e dont il vient : au confort, à la morale, à l’hypocrisie, à la paresse intellectu­elle. Toute sa vie, Jacques Brel sera un anticonfor­miste. À l’adolescenc­e, il se cherche encore. Il rejoint un mouvement de jeunesse chrétienne, la Franche Cordée, et compose ses premières chansons. Pour gagner sa vie, il travaille à la cartonneri­e de son père. Un travail monotone avec des horaires de bureau : tout ce qu’il déteste. Pour échapper à un avenir tout tracé, il devance l’appel du service militaire à 19 ans. Sa chanson Au suivant ! retranscri­t l’ambiance des casernes… et des bordels où les jeunes hommes viennent perdre leur pucelage. C’est décidé, Brel se lance dans la chanson. Il épouse son amie Miche Michielsen, puis fait la tournée des petits cabarets de Bruxelles. En 1953, il enregistre un disque qui tombe entre les mains de Jacques Canetti, grand découvreur de talents. Brel est invité à tenter sa chance à Paris.

Quand l’« abbé » devient grand

Le jeune artiste mène une vie de bohème. Il habite dans une petite chambre d’hôtel et écume les cabarets parisiens. Les Trois baudets, L’échelle de Jacob, Patachou… Certaines nuits, il en enchaîne même cinq ou six. Pour gagner sa vie, il fait la plonge chez Geneviève. Il rencontre Charles Aznavour, Juliette Gréco et son mari Gérard Jouannest, qui deviendra son pianiste et compositeu­r. Mais les chansons de Brel ne sont pas dans l’air du temps. Il parle de charité, de fraternité, d’amour. Des chansons de boy scout ! Georges Brassens le surnomme « l’abbé Brel ».

Pourtant, Jacques s’accroche. Il écoute les conseils, partage l’affiche avec d’autres

artistes, et part en tournée. C’est le début d’une vie de nomade, d’hôtels en salles de concert. Brel voyage, écrit, noue des relations amoureuses… en marge de sa vie de famille (sa femme accouchera de trois filles). Jacques trouve son style et son public. En 1959, il est en tête d’affiche à Bobino. Ses succès sont sur toutes les lèvres : Ne me quitte pas, écrit après sa séparation avec sa maîtresse Suzanne Gabriello, La Valse à mille temps. En 1961, c’est la consécrati­on : il chante en vedette à l’olympia. Ses chansons Le Plat Pays, Les Vieux, Ces Gens-là, Jef, La Chanson de Jacky, Mathilde deviennent des succès populaires. N’oublions pas Amsterdam, sans doute la plus célèbre. Bizarremen­t, cette chanson n’a jamais été enregistré­e sur disque. On y retrouve pourtant tout l’art du chanteur belge : une écriture prosaïque, riche en images et en mots salés, et une progressio­n en crescendo. Mais c’est sur scène que le talent de Brel explose véritablem­ent. Le chanteur incarne avec passion ses personnage­s d’hommes naïfs et blessés, trompés, malheureux. Le public adopte ce grand échalas qui semble jouer sa vie sur les planches.

Bières et concerts

Tandis qu’à Bruxelles, Miche élève leurs filles, Jacques sillonne les routes de France. Ce marathonie­n de la chanson fait plus de 300 concerts dans l’année ! Brel est heureux dans le mouvement. Il écrit partout. Après le concert, il emmène ses musiciens dans un troquet. Bière après bière, cigarette après cigarette, il refait le monde jusqu’au bout de la nuit. Malgré la routine, il a le trac chaque soir avant d’entrer en scène. Chaque concert est un combat contre sa peur. Il en ressort épuisé, trempé de sueur, amaigri… Dès lors, faut-il s’étonner de le voir s’arrêter si jeune ?

Brel n’est pas en panne d’inspiratio­n, il veut commencer à vivre. « Je me suis baladé beaucoup et trop rapidement. J’ai envie de recommence­r mon itinéraire en prenant tout mon temps », dit-il alors. « Je pars aussi parce que je ne veux pas devenir une vieille vedette.»

Tour du monde

La seconde vie du chanteur est plus discrète. Il se tourne vers d’autres horizons, et compose d’abord une comédie musicale sur Don Quichotte, L’homme de la Mancha. Le public découvre un Brel comédien en plus d’être chanteur, et le spectacle connaît un beau succès en 1968 et 1969. Il tourne dans plusieurs films populaires, notamment L’emmerdeur d’édouard Molinaro, et L’aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch. Il réalise même deux films tournés dans sa Belgique natale : Franz, en 1971, avec la célèbre chanteuse Barbara comme actrice vedette, puis Far West, qui n’aura pas de succès. En Angleterre, on découvre

l’oeuvre du chanteur grâce aux reprises de David Bowie et de Scott Walker. Mais Brel rêve d’ailleurs. Il a passé son brevet de pilote d’avion et a acheté un ketch en bois, l’« Askoy ». Il veut faire le tour du monde à la voile. Il part vers les Canaries, les Caraïbes, puis s’arrête aux Marquises, dans le Pacifique. Le chanteur est souffrant : il paie sa vie d’excès. Les médecins lui diagnostiq­uent un cancer du poumon gauche. Brel doit rentrer en France. Malade, diminué, il profite de ses dernières forces pour enregistre­r son dernier 33 tours, Les Marquises. Un testament musical, sombre et impertinen­t, avec des éclats de joie. Jacques Brel meurt d’une embolie pulmonaire le 9 octobre 1978. Il laisse une oeuvre riche et l’image d’un vrai chanteur populaire. 40 ans après sa mort, ses textes se lisent encore comme des poèmes, et on fredonne ses chansons sous la douche. L’auteur de Ne me quitte pas ne nous a en fait jamais quittés.

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La loge du chanteur reconstitu­ée, au sein de la Fondation Jacques-brel de Bruxelles
 ??  ?? Jacques Brel était titulaire d’un brevet de pilotage et d’un permis voilier.
Jacques Brel était titulaire d’un brevet de pilotage et d’un permis voilier.

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