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HISTOIRE DE L’ART

In dieser Rubrik stellen wir Ihnen jeden Monat ein Kunstwerk vor. Diesen Monat eine Skulptur von Emmanuel Frémiet.

- de CHAKRI BELAÏD

Gorille enlevant une femme – eine Skulptur von Emmanuel Frémiet

Lors du Salon de 1859, une expo d’art parisienne, des visiteurs se pressent autour d’un rideau. Qu’y a-t-il derrière ? Le Gorille enlevant une négresse, une sculpture d’emmanuel Frémiet. Elle met en scène un grand singe traînant une jeune femme inconscien­te… Le jury du Salon refuse cette oeuvre scandaleus­e. Mais grâce à un soutien influent, la sculpture sera exposée. Dans une niche, cependant, et cachée par une tenture. Ce qui attise la curiosité du public et des critiques. Parmi eux, Charles Baudelaire, puis le pho tographe Nadar. Un brin sarcastiqu­e, ce dernier écrit dans son Journal pour rire : « Voici, mesdames et messieurs, le fameux gorille de M. Frémiet. Il emporte dans les bois une petite dame pour la manger. Frémiet n’ayant pu dire à quelle sauce, le jury a choisi ce prétexte pour refuser cette oeuvre intéressan­te. »

Pourquoi cette sculpture fait-elle polémique ? Car entre un enlèvement et un viol, il n’y a qu’un pas. Un pas irréaliste. Le viol est un acte dont un vrai gorille n’aurait pas la moindre idée. Encore moins une femelle… Car il s’agit ici d’une guenon. Mais cela ne fait rien à l’affaire puisqu’il est question de symbole. À l’époque, le gorille est perçu comme une version bestiale de l’homme. Il incarne la férocité et la lubricité. Finalement, la statue ne survivra pas au scandale, elle sera détruite peu après.

Presque 30 ans plus tard, Emmanuel Frémiet récidive. Il expose, d’abord au Salon de la Société des Artistes Français de 1887, puis l’année suivante à l’exposition de Munich, une nouvelle version du Gorille enlevant une femme. Cette fois, la fragile demoiselle en détresse, tout à fait nue, n’est plus inconscien­te et se débat. Frémiet remporte un franc succès, recevant même une médaille d’honneur au Salon de Paris. Le jury a-t-il adhéré à la force et à l’érotisme de la compositio­n ? Ou récompensé la tentative de la captive de se rebeller ? Mystère…

Frémiet espère alors que sa sculpture en plâtre, achetée par l’état, sera coulée en bronze et installée au Muséum d’histoire Naturelle de Paris. Aucun de ses voeux n’est exaucé. La reconnaiss­ance viendra d’un collection­neur américain qui, en 1898, en fit faire une copie en bronze pour l’importer dans l’illinois. La sculpture devient populaire aux Étatsunis où se propage aussi le stéréotype du grand singe féroce et lubrique. En 1917, durant la guerre, une affiche de campagne d’enrôlement dans l’armée américaine utilisera l’image du méchant gorille, coiffé pour l’occasion… d’un casque à pointe allemand. Sur l’affiche, on pouvait lire : « Destroy this mad brute. » Devenu un mythe, le méchant gorille inspira aussi les scénariste­s du célèbre King Kong, film réalisé en 1933.

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