POLICIERS EN COLÈRE
Heruntergekommene Polizeistationen, fehlende Arbeitsmittel. Das sind schlechte Voraussetzungen für die harte Arbeit der Polizisten.
Der Mangel an finanziellen Mitteln, jede Menge Demonstrationen und die Vorwürfe von Rassismus und Gewalt haben dazu geführt, dass die französischen Ordnungskräfte ans Ende ihrer Kräfte gekommen sind. Untersuchung eines beunruhigenden Phänomens.
«Dans les années 1970, les policiers étaient fiers de rentrer à la maison en uniforme. Aujourd’hui, ils ont peur », lance Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat de police Vigi. Et d’ajouter : « Notre hiérarchie nous déshumanise. »
Il faut dire que ces derniers temps, en France, les policiers sont en première ligne. Des attentats aux manifestations contre la réforme des retraites, en passant par le sommet du G7 ou le mouvement des Gilets jaunes, les fonctionnaires n’ont aucun répit. Heures supplémentaires non payées, matériel défectueux, horaires difficiles… Les agents ont été constamment utilisés, jusqu’à l’épuisement. Cerise sur le gâteau : les accusations de racisme et de brutalité portées par des associations militantes en juin dernier. Le ministère de l’intérieur cédait alors aux pressions et interdisait la pratique de l’étranglement lors des interpellations. Et alors que manifester en période de coronavirus était interdit, Christophe Castaner, ex-ministre de l’intérieur, prenait la décision de créer une exception pour les rassemblements contre les violences policières. Au nom de l’émotion. « L’émotion […] dépasse au fond les règles juridiques », déclarait-il, provoquant la colère des policiers et d’une partie des Français.
Des hommes à bout
Le malaise au sein de la profession est profond, et il ne date pas d’hier. Depuis plusieurs années, les forces de l’ordre tirent régulièrement la sonnette d’alarme. « Cette situation dramatique dégénère depuis des années. Voilà 30 ans que le personnel politique fait preuve d’incompétence », lâche Alexandre Langlois. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : le risque de suicide dans la police est supérieur de 36 % à celui du reste de la population française.
Si les causes du suicide sont multiples, les difficultés du métier peuvent déclencher le passage à l’acte. Ainsi, en 2019, 59 policiers ont mis fin à leurs jours. En 25 ans, 1 200 fonctionnaires se sont donné la mort (encadré page 30). Les gouvernements ont bien créé une ligne téléphonique pour les policiers en détresse, un service de soutien, sans grand succès. La bonne volonté affichée de l’administration se heurte à la réalité. Ainsi, le service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) dispose d’un psychologue pour près de 2 000 fonctionnaires de police. Insuffisant. À cela s’ajoute une culture du silence. Alexandre Langlois dénonce la pression de la hiérarchie. Au lendemain de l’attentat du Bataclan, une cellule d’aide psychologique avait été mise en place. En effet, certains policiers
étaient sur les lieux au moment du drame, aidant à sortir les morts. « Des collègues nous ont alertés sur le discours tenu par leur chef de service. Ce dernier les a mis en garde : ”Réfléchissez bien avant de faire appel au psychologue, vous allez prendre du retard dans vos dossiers, ajouter du travail à vos collègues…” Résultat, personne de l’équipe n’a osé y aller ! »
Manque de moyens
Les locaux parfois insalubres, le manque de matériel, les formations réduites au strict minimum ne font qu’aggraver la situation. Si des efforts ont été réalisés dans certains commissariats, la situation est loin d’être satisfaisante. Même les stylos et le papier viennent à manquer. Le budget étant trop réduit, les fonctionnaires apportent leur propre matériel, ou acceptent – malgré l’interdiction – les blocs-notes publicitaires de commerçants. Et quand il n’y a plus de cartouche d’encre dans l’imprimante ou la photocopieuse, les policiers s’adressent aux supermarchés du quartier, à la mairie… Les ordinateurs, utilisés sept jours sur sept, ne peuvent pas être changés avant sept ans. Certains sont tellement vieux qu’ils supportent difficilement les logiciels. « Au milieu d’un enregistrement de dépôt de plainte, l’ordinateur peut s’éteindre subitement, il vous faut alors tout recommencer», constate Thierry (le prénom a été changé), policier depuis 25 ans à la frontière franco-allemande. Dans les commissariats les plus vétustes, on note d’importantes fuites d’eau, des problèmes d’électricité et parfois même la présence de cafards. Quant aux véhicules, ils peuvent afficher 250 000 kilomètres au compteur, n’ont pas toujours de GPS et ne sont pas assez nombreux pour répondre à tous les appels.
Le plus inquiétant demeure la formation aux armes. Les séances de tir sont limitées à trois par an. Et en 2017, 51 % des policiers n’avaient pas bénéficié de ces trois séances réglementaires. À l’arrivée, de graves conséquences : les tirs accidentels sont en augmentation. En un an, une vingtaine de manifestants – des Gilets jaunes – auraient perdu un oeil à cause des lanceurs de balles de défense (LBD). Ces tirs dramatiques peuvent en partie s’expliquer par un défaut d’entraînement. « Pour être habilités à utiliser des LBD, les policiers doivent avoir pratiqué un tir de cinq balles tous les trois ans », déplore Alexandre Langlois.
Rapport de force
Apprenant en juin dernier l’interdiction de la méthode d’étranglement pour immobiliser les suspects difficiles, les policiers ont appelé à la grève des interpellations. Autrement dit, ne pas procéder aux arrestations afin de ne prendre « aucun risque ». Une manière d’inverser le rapport de force entre les agents et leur hiérarchie. « Les policiers ont un moyen de pression non négligeable sur leur
ministère : les chiffres », confie un préfet, sous couvert d’anonymat. « En effet, ils peuvent très bien enregistrer le plus de plaintes possible, et baisser le nombre d’enquêtes résolues et d’arrestations. Le ministère de l’intérieur devrait alors assumer un très mauvais bilan.»
Pour calmer les syndicats, Christophe Castaner a donc décidé de revenir sur l’abandon de la technique de l’étranglement. Elle reste autorisée jusqu’à ce qu’une nouvelle technique soit trouvée.
«Les procédures se sont alourdies, aujourd’hui je fais le travail d’un policier et surtout d’un secrétaire, regrette Thierry. Le nombre d’affaires sur le bureau est si important qu’on ne peut pas les traiter correctement. On ne fait pas notre travail pour être efficace mais pour ne pas passer au journal télévisé de 20 heures… »
Si le métier continue d’attirer, c’est avant tout pour la sécurité de l’emploi. Mais celle-ci ne fait pas tout. Thierry conclut : « Ce qui était une chose impensable quand j’ai débuté il y a 25 ans est devenue réalité : des policiers, usés, finissent par démissionner. »