7 Jours

D'ALEX PERRON

Alex Perron fait partie de notre paysage culturel depuis maintenant 20 ans. Véritable homme-orchestre, il s’est confié à nous au sujet de ses nombreux projets profession­nels, de sa vie amoureuse et de sa peur de vieillir. Rencontre avec un homme vrai.

- Par Patrick Delisle- Crevier • photos: guy beaupré

Alex, comment vas-tu? Je vais très bien! J’ai eu un hiver très chargé: j’ai fait beaucoup de radio et j’ai animé les Facebook Live de l’émission Votre beau

programme, une expérience que j’ai adorée. À ma grande surprise, j’ai aussi commencé à enseigner à l’École nationale de l’humour. C’est un nouveau défi que je n’assume pas encore tout à fait, car c’est tout nouveau pour moi. Disons que je découvre une nouvelle facette de ma personnali­té.

Es-tu là où tu voulais être?

Je suis toujours à peu près là où j’ai envie d’être. Je n’aime pas les gens qui disent: «Ah, je suis sur mon X...» Je tente justement d’éviter d’être sur mon X, car ça vient avec un confort... J’ai l’impression que le confort, ça peut fermer des portes. En même temps, je n’ai jamais été le genre de gars qui a un plan de carrière bien précis...

Fais-tu ce que tu avais prévu de faire dans ta carrière?

Oui. Je pense qu’en grande partie, je fais ce que je voulais faire. En 1996, quand je suis sorti de l’École nationale de l’humour, je ne pensais jamais être encore actif en tant qu’humoriste 20 ans plus tard. Je suis content d’être encore là et de faire ce que j’aime. Je carbure beaucoup au plaisir et, avec les années, quand tu atteins une certaine notoriété, tu peux te permettre de choisir encore plus tes projets. C’est moins alimentair­e, mettons.

Dis-tu souvent non?

Mon Dieu, c’est mon travail des trois dernières années que d’apprendre à dire non! Je suis fier, car j’y suis pas mal arrivé cette année. J’ai longtemps craint de dire non par peur de déplaire, que des projets ne repassent pas et que le téléphone ne sonne plus. Je me suis souvent retrouvé à faire des choses que je n’avais pas vraiment envie de faire. J’ai réalisé que je ne devais plus faire les choses par obligation, autant sur le plan personnel que sur le plan profession­nel. À 45 ans, je suis rendu là.

L’humoriste Revenons à tes débuts. Qu’est- ce qui t’a amené à vouloir faire rire les gens?

Deux choses: je suis de l’époque des années 1980. L’improvisat­ion était alors très populaire dans les écoles. Au secondaire, j’ai commencé à faire de l’impro et je me suis rendu compte que je ne faisais pas rire uniquement ma famille et mes amis, mais que des inconnus pouvaient aussi me trouver drôle. Je me sentais bien en faisant de l’improvisat­ion. Ensuite, il y a eu le théâtre. Je voulais être un homme de théâtre, et c’est d’abord ce en quoi j’ai étudié. Plus c’était profond et expériment­al, mieux c’était! L’humour était au placard pour quelque temps, mais c’est vite revenu.

Est- ce là qu’est intervenue l’École nationale de l’humour?

Oui, l’envie de faire rire est revenue, et j’avais aussi envie d’aller chercher une formation en écriture. C’est durant cette année que j’ai rencontré les deux gars (Jean-François Baril et Louis

Morissette), ce qui a changé beaucoup de choses. Ç’a été une année fantastiqu­e pour moi. L’humour a pris le dessus sur le théâtre. Aujourd’hui, je parviens à bien gagner ma vie grâce à l’humour, mais si ça s’arrêtait, je ferais autre chose sans problème.

Que ferais-tu?

Je n’y ai jamais pensé, mais je touche présenteme­nt à l’enseigneme­nt, et ça me plaît beaucoup. Je pourrais aussi faire de la mise en scène. J’aime également les affaires et plein d’autres trucs.

On a l’impression que tu n’as pas absolument besoin d’être devant les projecteur­s...

C’est vrai. Les gens sont souvent surpris de voir à quel point je suis discret et loin de celui qu’on peut voir à la télévision ou sur scène. Je suis même timide et discret en présence de gens que je ne connais pas bien.

As-tu l’impression que cette réserve nuit à ta carrière d’humoriste?

Non, ce que j’ai envie de mettre de l’avant, ça se passe sur scène, à la radio ou à la télévision. Quand je reviens chez moi, je suis une tout autre personne. Dans ma vie personnell­e, je n’ai pas envie de feux d’artifice. J’aime la quotidienn­eté de la vie, j’aime décrocher de mon métier. J’ai besoin de cet équilibre. Je n’ai jamais eu de conjoint dans le milieu parce que ça ne m’intéressai­t pas. J’aime vivre autre chose que mon métier. Je ne pense pas toujours au travail et j’aime prendre un

certain recul. Je ne sauve pas des vies, je n’entre pas dans une maison en feu pour en sortir quelqu’un; je fais simplement des blagues. Ce serait trop facile de m’emballer et de carburer à la popularité.

As-tu déjà senti, à un certain moment, que tu aurais pu tomber dans tout ça?

Non; j’ai même toujours voulu éviter ça. Je suis très terre à terre, je suis un gars de la campagne et j’aime ce qui est simple. Je tiens à rester moi-même. Jouer la carte du vedettaria­t, ce n’est pas pour moi.

Dès le début de ta carrière, tu as annoncé ouvertemen­t que tu étais gai. Le ferais-tu encore aujourd’hui?

Oui, je referais la même chose, d’abord parce que ç’a été ma carte de visite. Comme j’étais avec deux hétérosexu­els, c’est venu rééquilibr­er un peu les affaires. Je pense que je n’aurais jamais pu faire autrement. Je ne me suis jamais demandé si cela pouvait me nuire ou pas. En même temps, je me devais d’être vrai: si j’étais arrivé sur scène en disant que je suis allé au cinéma avec ma blonde, les gens n’y auraient pas cru. Je me souviens d’avoir demandé à ma mère si elle était à l’aise avec ça. Elle m’a dit oui, alors j’ai foncé. Je ne l’ai jamais regretté, même si ça m’a peut-être fermé des portes à un moment donné.

Tu n’es pas le genre d’humoriste qui présente un spectacle après l’autre. Pourquoi?

Je ne sais pas. Depuis quelque temps, les gens ne cessent de me demander quand je vais revenir sur scène. Il est vrai que mon dernier spectacle remonte à quatre ans. J’aime faire de la scène. Ce que je trouve difficile, c’est la vie de tournée, le fait d’être constammen­t sur la route. À cette époque-là, j’avais un conjoint qui faisait du 9 à 5, et ç’a été difficile pour notre couple, mettons... Là, j’ai envie de faire quelques numéros et de me déplacer dans différents festivals, mais je ne veux plus me mettre la langue à terre à trop travailler. Surtout que, pour moi, l’écriture n’est pas quelque chose de facile.

Si je te donnais carte blanche pour un projet en humour, que ferais-tu?

J’aimerais faire de la parodie, un peu comme dans l’émission Like-moi!. Ça m’allume tellement, ce genre de truc! Je me verrais bien faire ça. Je regarde ça et je suis jaloux. J’aimerais vraiment explorer encore plus cet aspect de l’humour, éventuelle­ment.

L’animateur J’ai l’impression qu’on te voit de plus en plus comme animateur et chroniqueu­r. Est- ce un virage volontaire?

J’aime faire de la radio, mais après plusieurs années, je pensais m’accorder une pause. Puis, l’offre de Rouge FM est arrivée l’hiver dernier. J’ai décidé de me lancer. J’aime la dynamique et la spontanéit­é de la radio.

Qu’as-tu appris sur toi en faisant de la radio?

Que je suis un gars d’équipe et non un gars qui tire la couverte de son bord. J’en ai vu des comme ça et je ne suis pas capable de travailler longtemps dans une telle ambiance.

L’homme d’affaires Tu explores depuis peu une nouvelle facette de ta personnali­té en t’impliquant avec l’entreprise NUX sciences...

Jonathan de chez NUX sciences, qui est un ancien entraîneur privé et un ancien chef, m’a un jour raconté qu’il n’était jamais satisfait de ce qu’il trouvait sur le marché en termes de substituts de repas 100 % naturels. Il s’est mis à élaborer des recettes avec des médecins et des infirmière­s, et j’ai été interpellé par son idée. J’ai eu envie de m’impliquer, d’autant plus que ce sont des produits québécois fabriqués ici. J’aime le côté business, et cela me permet de le mettre en pratique. Je suis à la fois porte-parole et investisse­ur dans le projet.

L’homme de 45 ans Que représente le fait de vieillir pour toi?

Ça se passe assez bien pour l’instant, autant moralement que physiqueme­nt. Je me sens à la bonne place. J’aime où je suis rendu dans la vie. Mais naturellem­ent, j’ai des petits bobos, comme un mal de genou qui survient après la course. Ça m’énerve de ne pas avoir de contrôle là-dessus, mais je suis loin de paniquer. J’ai quelques rides, et elles sont assumées. Je ne ressens pas encore le besoin d’avoir recours au Botox, mais probableme­nt que ça viendra.

As-tu peur de vieillir?

J’ai surtout peur de la maladie. Quand mon amie Josée Boudreault a eu son AVC, l’été dernier, j’étais sous le choc. Ça m’est rentré dedans pour elle, mais aussi pour moi. Ça m’a forcé à me questionne­r, parce que nous avons le même âge et à peu près le même rythme de vie. J’ai compris que je n’étais pas à l’abri de ça. Je réalise que je n’ai plus 20 ans. Disons que ça m’a bouleversé et que je pense souvent à elle...

Qu’aimerais-tu faire que tu n’as pas encore fait?

J’aimerais vraiment toucher au cinéma, me voir confier un rôle. C’est quelque chose que je n’ai pas encore

Je touche présenteme­nt à l’enseigneme­nt, et ça me plaît beaucoup.

fait et que j’ai sur ma liste. Je veux vraiment jouer au cinéma un jour!

L’amoureux Alex, es-tu en amour?

Non, il ne se passe pas grand-chose dans ce domaine-là en ce moment. Je suis célibatair­e et je vis assez bien avec ça. Je suis bien quand je suis en couple, mais je suis aussi bien seul. Je ne me sens pas pris au dépourvu par le célibat. J’aime avoir une certaine solitude. Je dois faire attention, car j’ai tendance à me complaire dans le célibat.

Tu es donc un gars assez indépendan­t quand tu es en relation...

Oui, j’aime l’idée d’être à deux, mais j’ai besoin d’avoir des moments de solitude. J’habite seul, et ça me plaît. Chez moi, c’est un peu mon jardin secret, au point où je n’aime pas recevoir: je préfère aller au resto ou chez les gens. Je pourrais devenir un ermite assez facilement.

Quel genre d’amoureux es-tu?

Je ne suis pas celui qui a besoin d’être par-dessus l’autre à tout bout de champ. Mais en même temps, quand je suis en couple, ça devient aussi une priorité. Je m’investis beaucoup et je n’ai pas peur de la routine. Au contraire, pour moi, ça fait partie des plaisirs d’être en couple.

Ça te fait peur, d’être célibatair­e à 45 ans?

Je sais que ce n’est pas évident de rencontrer à mon âge. Beaucoup de gens de mon âge sont déjà investis dans une relation. C’est certain que j’aimerais rencontrer un gars avec qui je pourrais faire un long bout. J’aimerais ça que ça fonctionne à long terme. Avec l’expérience, on sait ce qu’on veut et ce qu’on ne veut plus en amour. Disons que ça rapetisse l’entonnoir. En amour, je suis très timide. Je ne suis pas celui qui fait les premiers pas et, quand vient le temps de draguer, je suis nul. Mais malgré tout ça, je ne suis pas désillusio­nné par l’amour. Je suis un éternel optimiste!

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