7 Jours

Viréedefil­les d'été avec Jean- Philippe Dion

Jean-Philippe Dion est mon ami depuis le secondaire. C’est un homme travaillan­t, attachant, talentueux, drôle, mystérieux... Je tenais à jaser avec lui pendant une «virée d’été» afin d’essayer d’en apprendre encore un peu plus sur lui, mais surtout juste

- Par Marie- Eve Janvier / Maquillage et coiffure: Véronique Prud’homm e / Photos: Karine Lévesque

Jean-Philippe, es-tu quelqu’un qui a le bonheur facile? Pas tant que ça! Je suis plutôt du genre à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Même si j’ai peu de raisons de me plaindre et que je suis plutôt positif, je souffre d’un perfection­nisme aigu qui fait en sorte que je suis très exigeant envers moi-même et mon entourage. Je veux toujours régler ce qui ne fonctionne pas, dans le but d’atteindre un niveau de satisfacti­on extrême. As-tu toujours été aussi perfection­niste? Mon premier vrai job d’animateur a été à Salut bonjour, il y a quelques années. Je voulais tellement que tout soit parfait que je travaillai­s nuit et jour. Je dormais à peine... Gino me disait que ça ne servait à rien d’avoir des textes, que je devais juste lui parler avec mon coeur! Moi je me disais que les gens allaient me trouver insignifia­nt si je ne faisais que donner mon avis. C’était de l’insécurité. Je n’avais pas de plaisir, et ça gâchait ma vie. En le réalisant à ce moment-là, j’ai commencé à régler ce problème. Avais-tu le syndrome de l’imposteur? Tu ne te sentais pas à ta place? Ce n’est pas tant le syndrome de l’imposteur que le syndrome du «je manque de culture ou d’éducation» dans le domaine, puisque je n’ai pas fait d’études en communicat­ion ni en journalism­e. Par contre, depuis un an, j’ai compris que, pour réussir, il suffit d’être soi-même. On me l’avait souvent répété, mais j’entendais sans vraiment comprendre. Puis, j’ai compris. Les gens aiment nous voir décrocher parce qu’on a des fous rires. Et, si je ne sais pas quelque chose, je n’ai qu’à le dire! J’ai réalisé que ma personnali­té pouvait être intéressan­te. Ce sentiment a-t-il toujours fait partie de ta vie? Sans savoir que je m’en allais dans ce milieu-là, mon père m’a élevé en me disant: «Ne fais pas ta vedette.» Toute ma jeunesse, ç’a été ça. On allait au restaurant, par exemple, je disais quelque chose, et il me répétait cette phrase. Ça

m’est toujours resté. Je me suis donc toujours dit qu’il ne fallait pas que je fasse ma vedette, qu’il ne fallait pas que je prenne trop de place. C’était pour t’apprendre à être humble? C’est la mentalité du «Faut pas déranger», «Faut pas que tu montres que tu es plus riche que les autres», «Faut pas prendre la place de quelqu’un d’autre»... Apprendre à être humble, oui, mais surtout à être le plus effacé possible, le plus fondu dans la masse. Vous parlez-vous de cela, ton père et toi, aujourd’hui? Est-ce qu’il voit la vedette que tu es devenu? Quand je lui parlais de projets ou de rêves que j’avais, il me conseillai­t de garder mon travail de producteur. Jusqu’à il y a un an ou deux, je pense qu’il se disait: «C’est drôle ce qu’il vit, mon fils... Il vit de belles expérience­s, mais ça s’arrêtera bientôt, ça ne durera pas.» Quelque part, il voulait me protéger. J’ai toujours voulu défoncer des portes pour réaliser mes rêves, mais cette éducation-là a fait en sorte que mon parcours a été prudent. J’ai fait des choix sûrs et sans trop de risques. Ça m’a permis d’apprendre beaucoup derrière les caméras. J’ai travaillé fort et aujourd’hui, j’ai les outils pour assumer qui je suis. Sens-tu qu’il y a une étape de passée? On connaît ton nom, on sait ce que tu vaux maintenant. En fait, j’ai compris que j’avais une petite place dans ce métier quand j’ai eu la confirmati­on que ma nouvelle émission Parenthèse inattendue serait diffusée cet automne à TVA. Je n’en revenais presque pas lorsque j’ai reçu le courriel qui confirmait la nouvelle.

Accès illimité a été extraordin­aire pour moi, sauf que j’avais eu ce projet parce que Julie Snyder m’avait aidé à développer le concept, parce que j’animais avec Anouk Meunier, parce que nos invités étaient populaires... J’étais convaincu que je ne contribuai­s pas au succès de l’émission. Parenthèse inattendue, c’est un projet que j’ai soumis moi-même, que je vais animer seul. Ça me fait donc réaliser la place que j’ai pour la première fois. Là, je m’écoute parler et j’ai l’air de me vanter... (rires) Au contraire! Je vois le petit garçon heureux d’avoir une étoile dans son cahier! En fait, j’ai commencé à travailler en télévision en 2004, et on dirait que je commence à récolter enfin ce que j’ai semé depuis ces 13 dernières années. Quand on était au secondaire ensemble, j’ai le souvenir d’un gars qui savait exactement ce qu’il voulait faire. Est-ce que tu savais déjà où tu voulais te rendre? En fait, tu m’impression­nais beaucoup! Je travaillai­s dans un dépanneur et je te voyais dans les journaux. T’étais là où je rêvais d’être. Je ne voulais pas être populaire, j’aspirais juste à être dans ce monde artistique moi aussi, peut-être parce que j’avais de la difficulté à trouver ma place et à trouver des gens qui me ressemblai­ent. Je me sentais souvent seul à cause de ça. Tu jongles bien aujourd’hui avec le fait d’être producteur et animateur. Est-ce que tu sens que tu auras un choix à faire un jour ou l’autre? Jamais. Je ferai toujours les deux et je pense que l’industrie fait en sorte qu’on n’a pas d’autre choix que de se diversifie­r. Es-tu un producteur qui aime s’entourer d’une équipe? Un bon producteur sait selon moi s’entourer de la meilleure équipe qui soit.

Personnell­ement, je travaille avec des gens qui ont de gros caractères, qui sont meilleurs que moi et qui me bousculent même. J’aime être challengé. Je suis très loyal envers ces collègues qui n’ont pas peur de me secouer et de me dire les vraies affaires. Ça fait presque 14 ans que ton chum Martin et toi êtes ensemble. Êtes-vous un couple complément­aire? Mon chum m’a aidé à bâtir ma carrière et m’a appuyé à toutes les étapes. Bien des gens n’auraient pas accepté d’être dans l’ombre comme il l’a été. Dans ce métier, on se regarde et on s’analyse beaucoup, dans les soupers de groupe, ça revient souvent sur nous, sur notre métier... ça peut devenir difficile pour l’autre et c’est normal! Étant une personnali­té publique, crois-tu avoir une responsabi­lité, voire un devoir, face à ton homosexual­ité? Te sens-tu porte-parole de la cause? Je veux en parler à la hauteur de la place que ça prend dans ma vie, et celleci n’est pas centrée sur mon orientatio­n sexuelle. Je ne veux donc pas devenir porte-parole de cette cause, mais je veux en parler puisque chaque semaine, je reçois des messages de jeunes qui ont des problèmes en raison de leur homosexual­ité. Leurs parents ne sont pas au courant, ils ont peur de se faire écoeurer à l’école et ils veulent juste en parler! Des livres comme celui d’Éric Duhaime où on dit qu’il n’y a plus de problèmes et que les organismes de sensibilis­ation n’ont plus leur place sont de la foutaise. C’est absurde d’ignorer que plein de jeunes ont encore des problèmes. La mentalité évolue certes, mais on a encore beaucoup de chemin à faire. Est-ce que ton homosexual­ité t’a déjà nui? Au début de ma carrière, je craignais de perdre mon job, car certains me disaient de ne pas en parler. Un jour, Julie Snyder m’a dit de ne pas avoir peur et de ne pas me cacher. Ça m’avait fait du bien d’avoir le GO de quelqu’un. Mais on ne t’a jamais vu en public avec ton chum...

Je ne fais pas de shooting photo avec Martin parce que je ne veux pas que des images soient utilisées contre mon gré. Je ne veux pas que ça prenne toute la place.

Rêves-tu d’avoir ta petite famille? As-tu envie d’être papa?

Depuis que je suis jeune, je prends soin de ma mère. Je me dis que ma place dans la vie, c’est peut-être d’être auprès d’elle. J’ai envie d’être père, mais je ne voudrais jamais regretter de ne pas avoir assez pris soin d’elle. Peut-être que je ne suis pas fait pour avoir des enfants. Je me dis que c’est peut-être ça mon chemin.

Ta mère est atteinte de problèmes de santé mentale. C’est évidemment une cause qui te tient à coeur.

C’est une maladie invisible, mais surtout qu’on ne comprend pas. Quelqu’un qui a le cancer perd parfois ses cheveux, mais quelqu’un qui est atteint d’une maladie mentale a peut-être juste les yeux ronds parce qu’il prend des médicament­s et il est facile de le juger. Je m’implique pour sensibilis­er le public et parce que ça prend tellement plus de ressources.

As-tu peur d’en être atteint aussi?

C’est héréditair­e. J’ai sûrement ça en moi, mais je ne suis pas quelqu’un d’angoissé et je m’écoute beaucoup. Je sens quand je dois m’arrêter et ne pas dépasser ma limite. Je ne veux pas voir ce qu’il y a de l’autre côté.

Est-ce que les commentair­es sur ton apparence t’atteignent?

Jamais! Ça ne me dérange absolument pas! J’écoute les commentair­es qu’on peut faire sur mon apparence, mais ils ne me touchent pas. La carapace devient épaisse lorsque tu es un jeune homosexuel qui se fait écoeurer au secondaire.

Tu as une grande confiance en toi!

Vraiment pas! Ce n’est juste pas important pour moi. Je suis très conscient de mon image, j’aime la mode et les belles choses, mais sur mon Instagram, par exemple, mes photos ne sont jamais retouchées et ne sont pas toutes esthétique­ment parfaites!

Que fais-tu pour te faire plaisir?

Mon rêve ultime était d’avoir un chalet, et je me le suis offert cette année. Ç’a été le plus beau cadeau que je me suis fait! Je suis né à la campagne et je souhaitais y revenir pour avoir une place pour décrocher. J’ai juste hâte de m’y installer et d’en profiter!

Pourrais-tu quitter Montréal et y vivre en permanence?

Oui. Un jour, je ferai ça.

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«Monchumm’a aidéàbâtir­ma carrièreet­m’a appuyéàtou­tesles étapes.Biendes gensn’auraient pasaccepté­d’être dansl’ombre commeill’aété.» —Jean-Philippe Merci au café Madame Hortense et au restaurant Le Esmond pour leur chaleureux accueil! Pour infos:...
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