7 Jours

Pour un moment avec India Desjardins

- Par Annie- Soleil Proteau Maquillage: Véronique Prud’homm e Photos: Karine Lévesque

India a un don rare, celui de laisser une empreinte remplie de couleurs partout où elle passe. Même lorsqu’elle se questionne ou qu’elle vit des moments intenses, elle fait sourire ceux qui la côtoient. Je l’ai rencontrée chez elle, dans sa chaleureus­e maison, là où elle a enfin trouvé le bonheur et l’amour.

«India et moi, nous sommes de bonnes amies. La première fois qu’on s’est rencontrée­s, on est « tombées en amitié», un peu comme on tombe en amour! Même lorsque son horaire est chargé, elle prend le temps d’être là pour ceux qu’elle aime. Son téléphone, c’est parfois un bureau de psy: je sais que je peux me confier à elle et que ses conseils m’éviteront plusieurs gaffes!» — Annie-Soleil

India, ta bande dessinée Une histoire de cancer qui finit bien vient d’être lancée. C’est une de tes lectrices, Emma, qui t’a demandé d’écrire ce texte. Comment Emma est-elle entrée dans ta vie? J’allais donner une conférence dans une bibliothèq­ue, et on m’a demandé de rencontrer Emma Veilleux, une jeune fille de 11 ans qui était trop malade pour être présente à l’événement. Elle était en traitement pour une leucémie et elle m’a fait une demande très spéciale! Emma souhaitait que j’écrive une histoire de cancer qui finit bien, avec de l’amour à la fin, pour l’aider à traverser la maladie. Souvent, quand on parle de cancer, ça se termine mal dans les films et les livres... Emma avait besoin d’y croire, d’être rassurée. Le mois suivant, j’ai publié mon texte sur le site de Radio-Canada, dans une section qui a malheureus­ement été fermée ensuite. J’ai décidé d’en faire un livre, parce que ma mère n’arrêtait pas de me dire que, comme l’histoire n’était plus disponible, je ne respectais pas ma promesse à Emma! Le projet de livre est donc né presque cinq ans plus tard. Aujourd’hui, Emma est guérie, comme le personnage. Mais à l’époque où j’ai publié l’histoire sur le web, elle n’a pas été capable de la lire en entier. Elle se reconnaiss­ait et elle avait peur que ça ne se termine mal pour elle, même si elle m’avait clairement exprimé son désir de lire une histoire qui se termine bien. Le livre est une belle finalité: Emma l’a lu et elle est vraiment heureuse qu’il existe.

Es-tu toujours restée en contact avec elle après votre première rencontre?

Discrèteme­nt. On est devenues amies sur Facebook. On ne s’écrivait pas, mais je voyais ce qui lui arrivait. On s’est revues ensuite dans un salon du livre, et elle m’a demandé si je la reconnaiss­ais: c’était sûr que oui! Et avec le livre qui vient d’être lancé, on s’est revues. Le message qu’Emma tient par-dessus tout à véhiculer, c’est que c’est important d’avoir de l’espoir dans la maladie. Ça me touche encore énormément qu’elle m’ait choisie pour porter son histoire et cette réflexion.

Emma va bien, et ton livre a une fin magnifique. Mais ça ne doit quand même pas être toujours facile, pour toi, d’écrire lorsqu’il y a autant d’émotion...

Non, ce n’est pas évident! Quand j’écris, je ressens les choses. Pour ce livre, chaque fois que l’illustratr­ice, Marianne Ferrer, m’envoyait un nouveau dessin, j’en avais les larmes aux yeux. Les histoires les plus authentiqu­es sont celles où on vibre avec ce qu’on raconte. Même lorsque j’écris une histoire inventée, mon travail d’auteure exige de faire un écho à la réalité.

Tu es très discipliné­e dans ton métier. Puisque tu écris chez toi, réussis-tu à décrocher, parfois, et à ne pas penser à ton travail?

Je ne décroche presque jamais. Même quand je marche dans la rue, j’ai une histoire en tête, et ça m’habite complèteme­nt. D’ailleurs, marcher est une activité que j’adore, même en hiver. Je vais souvent au parc Lafontaine. Je suis

rendue folle de l’applicatio­n dans mon cellulaire qui compte les pas. Si je n’ai pas fait entre 5000 et 10 000 pas par jour, je capote! (rires) Mon chum et moi, on vient d’adopter un chien, alors ça aide. Mais, tu vois, je prends quand même des pauses, en écrivant à la maison. Je vais dans mon solarium; c’est une pièce qui m’apaise. Mon chum et moi, on s’y fait des réunions, on prend un thé, on jase. On aime aussi rénover la cour ensemble. On a tout fait nous-mêmes. Ç’a été un beau projet!

On est amies depuis quelques années déjà, et j’ai l’impression que tu abordes la vie différemme­nt, maintenant. Comment expliques-tu ce changement?

J’ai eu une thrombophl­ébite ce printemps. Ça m’a fait peur, car avec l’embolie pulmonaire que j’avais faite en 2005, c’était déjà le deuxième caillot dans ma vie. J’ai aussi eu une tumeur près de l’oreille en 2013, pour laquelle j’ai dû subir une grosse opération qui m’a laissé une paralysie au visage. Quand j’ai eu cette opération, je me suis dit: «Ça y est, moi, c’est fait! Les problèmes de santé, je n’en aurai plus, j’ai été assez éprouvée pour un bout!» Puis, j’ai eu ma thrombophl­ébite, et j’ai réalisé que je n’étais à l’abri de rien. J’ai été terrorisée, et j’ai eu envie de faire ce dont j’avais envie. J’ai eu le goût de voyager. J’ai aussi eu le goût d’avoir un animal. J’ai perdu mon chat; il s’est laissé mourir quand j’étais à l’hôpital. Je ne voulais plus ouvrir mon coeur à un animal, car ça fait trop de peine. Sauf que la vie, c’est maintenant, et la vie avec un animal est plus agréable. Je vis beaucoup de solitude dans mon métier, et depuis que mon chien est arrivé, je joue, je m’amuse... Il fait fondre mon coeur!

Sur les réseaux sociaux, on voit que tu aimes ton Gustav, mais que c’est aussi pas mal de gestion! (rires) Comment se passe l’adaptation avec lui?

C’est un bébé. Une chance qu’il est beau et drôle, parce qu’il me force à remettre plein d’affaires en perspectiv­e. On a fait sabler le plancher récemment, mais je sais qu’il y aura bientôt des égratignur­es... Il va briser des choses, mais ça ne me dérange plus. Tu vois, ma thrombophl­ébite était dans un bras: c’est là qu’était le caillot. J’ai été chanceuse, ç’aurait pu être un AVC. Je me dis donc que mon plancher, ce n’est pas grandchose, finalement! (rires)

Tu vis avec ton chum, Olivier Bernard, qu’on connaît publiqueme­nt comme le Pharmachie­n. Ta façon d’être amoureuse a évolué, aussi. Qu’est-ce qui a changé en toi pour que tu évolues autant?

L’amour m’apporte maintenant un apaisement. Ma vision de l’amour a beaucoup changé au fil des années. Je cherchais des passions dévorantes, et Olivier m’a fait voir une tout autre facette de l’amour. Je suis dans un bien-être quotidien avec lui, je tripe à déjeuner avec lui. Tellement que depuis qu’on a le chien, on s’ennuie de nos déjeuners; on est occupés à gérer les sorties de Gustav, ses repas, son éducation... On est vraiment différents tous les deux. Lui me parle de ses affaires scientifiq­ues, moi de mes affaires artistique­s et imaginaire­s. C’est équilibré, notre affaire. J’ai aussi découvert le

«Je vis beau coup de solitude dans mon métier, et depuis que mon chien est arrivé, je joue, je m’ amuse ... Il fait fondre moncoeur !»

pouvoir d’avoir des projets à deux, et c’est le fun d’avoir hâte à quelque chose. Par exemple, on planifie que le samedi, on invite des amis, le mercredi on joue à un jeu, à Noël on reçoit. Ces petites choses-là de la vie me rendent tellement heureuse... J’ai longtemps été toute seule, et ma vie est plus belle avec Olivier.

Où la trouves-tu, la passion dont tu avais tant besoin?

Je trouve que l’on confond le mal avec le bien. On dirait que lorsqu’on a mal, qu’on est en attente, qu’on manque de confiance et qu’on pense tout le temps à l’autre, on y trouve quelque chose d’attirant. Je vis maintenant le contraire. Ma passion, maintenant, je la trouve dans la confiance, dans le fait de savoir que mon amoureux est là. J’ai développé une résilience, j’arrive à me dire que j’aimerais que ce soit pour la vie, mais on ne sait jamais ce qui nous attend. Olivier a le tour de m’apaiser, d’être un pilier pour moi, et je trouve ma passion làdedans. Je le trouve beau et intéressan­t, on rit tout le temps. J’aime être avec lui, on est capables de se parler. La vie à deux est un ajustement, alors parfois on se demande si ça va, on se pose la question ensemble. On est très ouverts. Ce qui m’attire se trouve dans le bien-être plutôt que dans le mal-être. Des fois, on a besoin d’être dans des montagnes russes, mais des fois, on veut que ça brasse moins. Et dans certaines périodes, on n’est tout simplement pas prêt à sortir des montagnes russes... D’ailleurs, c’est une belle image, mais c’est réellement arrivé: cet été, j’ai emmené mon filleul à La Ronde, et j’ai trouvé que ce n’était plus pour moi.

Tu viens d’annoncer qu’Aurélie Laflamme, le personnage que tu as fait évoluer dans tes huit tomes, revivra bientôt! Pourquoi as-tu changé d’idée?

Mon deuil d’Aurélie a été important. J’avais écrit un seul roman avant ma série d’Aurélie. Plus tôt cette semaine, une journalist­e me disait qu’elle pensait que j’avais toujours eu une grande file d’attente d’admirateur­s dans les salons du livre... Mais non, tout s’est bâti tranquille­ment. Pour tourner la page, je me disais que je la retrouvera­is peut-être 10 ou 15 ans plus tard. Ça m’a permis d’avoir plusieurs projets différents. Un jour, des petites filles sont arrivées avec une pétition. J’étais

«J’ ai eu mathrombo phlébite, et j’ ai réalisé que je n’ étais à l’ abri de rien. J’ ai été terrorisée, et j’ ai eu envie de faire ce dont j’avaisenvie.»

prête à leur expliquer ce que j’explique tout le temps, mais ça m’a contaminé la tête. Le soir même, j’ai eu une nouvelle idée. J’en ai parlé à mon chum, puis j’ai laissé ça mûrir pendant un an. Tout l’été, j’ai travaillé à mon plan. J’ai eu du gros fun à l’écrire. Aurélie est plus connue que moi. Ça ne me dérange pas; c’est la preuve que mon personnage a rejoint les gens. C’est devenu plus qu’un livre, c’est devenu une mission de vie. Ç’a aidé des jeunes à traverser leur adolescenc­e, des mères à comprendre leurs filles... On m’a déjà dit: «Je suis désolé de te réduire à Aurélie...» Mais je réponds: «Heille, tu ne me réduis pas!» C’est la chose la plus importante de ma vie de pouvoir faire une différence dans la vie des jeunes. Moi, je me sentais incomprise, et je remercie le ciel chaque jour que ça ait eu cet impact et qu’il y ait encore de nouvelles lectrices aujourd’hui. J’ai l’impression que je dois tout à mes lecteurs: je leur dois le fait de faire ce que j’aime dans la vie, je leur dois mon travail.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada