7 Jours

Pourun moment AVEC MARIE-HÉLÈNE THIBAULT

- PAR ANNIE-SOLEIL PROTEAU • MAQUILLAGE-COIFFURE: VALÉRIE QUÉVILLON • PHOTOS: BRUNO PETROZZA

Elle nous touche dans L’heure bleue, nous fait rire dans Les Magnifique­s et brille sur les planches. À travers ses nombreux engagement­s profession­nels, Marie-Hélène Thibault est surtout la mère dévouée de deux adolescent­s, elle apprivoise lentement l’état de son père, atteint d’alzheimer, et elle reste aussi amoureuse de son conjoint, l’auteur de théâtre et de télévision François Archambaul­t.

Marie-Hélène, la deuxième saison de L’heure bleue se termine ces jours-ci. Comment a évolué ton personnage? Lucie est tout en finesse. Ce personnage a commencé tranquille­ment, avec une petite présence, et ses relations se sont développée­s. Lucie était une ancienne flamme de Bernard, joué par Benoit Gouin, et il a passé pas mal de sa colère sur elle. Je la trouve très conciliant­e! Elle va prendre de la force dans ce qu’on s’apprête à tourner. Elle a eu des relations malheureus­es, et elle a de la misère à croire à son nouveau bonheur. Je trouve ça beau à jouer. Elle a une grande douceur en elle.

Dans L’heure bleue, tu retrouves Sylvie Moreau, avec qui tu nous as marqués dans la comédie Catherine. Êtes-vous restées proches, Sylvie et toi?

On fait partie de gangs cousines au théâtre. On n’est pas amies au point de s’appeler constammen­t pour jaser, mais il y a une grande tendresse entre nous chaque fois qu’on se voit. Dans L’heure bleue, on n’a pas beaucoup de scènes ensemble, mais on se croise. À la blague, j’ai dit à l’équipe de production que nos personnage­s pourraient devenir colocs! (rires)

Ressens-tu encore l’impact qu’a eu Catherine à l’époque?

Les gens m’en parlent encore beaucoup. Ç’a été rediffusé longtemps, et les fans ont acheté des coffrets. C’était une écriture sans pitié, avec des lignes formidable­s. Je crois que notre esprit de troupe se ressentait. On n’était pas que des exécutants: on faisait profondéme­nt partie du projet. Dernièreme­nt, je suis allée magasiner pour mes enfants et une dame venue de la France m’a dit avec son bel accent qu’elle adorait Catherine. Ç’a été sa porte d’entrée dans l’humour québécois.

Tu joues également dans Les Magnifique­s, une comédie à sketchs. On entend souvent dire que c’est plus difficile d’avoir le sens du punch dans une comédie que d’interpréte­r un rôle dans un grand drame. Es-tu d’accord?

Le timing est un aspect qui n’est pas facile dans la comédie. Il faut l’avoir en soi ou se faire violence pour l’acquérir. Au contraire, dans le drame, on peut prendre son propre rythme et l’efficacité sera là quand même. Cela dit, les

grosses scènes dramatique­s, je trouve ça dur parfois! Il y a une vérité à trouver pour arriver à rejoindre les spectateur­s. Je me trouve chanceuse de jouer dans les deux, cette année: un drame et une comédie. L’un nourrit l’autre. Dans Les Magnifique­s, je suis extrêmemen­t impression­née par les filles avec qui je joue. On se met au défi d’être aussi comiques les unes que les autres. On commence par dire que l’une parmi nous est vraiment drôle, et ensuite on se demande comment on va faire nousmêmes pour l’être autant! La chimie

«Les gens me parlent encore beaucoup de la série Catherine. C ’était une écriture sans pitié, avec des lignes formidable­s. Je crois que notre esprit de troupe se ressentait.»

s’est installée étonnammen­t vite entre nous. On a des échanges de textos qui n’ont pas de bon sens!

Tu as déjà dit en entrevue que tu avais l’impression que tu tendais à ne jouer que des seconds rôles. Pourtant, on te voit beaucoup dans différente­s réalisatio­ns. Est-ce que ta carrière est celle que tu espérais?

La visibilité et les rôles, ça va et ça vient, mais ce qui compte, c’est de rester. J’aimerais bien sûr jouer dans une série qui me demanderai­t une cinquantai­ne de jours de tournage, mais je suis reconnaiss­ante d’avoir défendu des rôles à l’avant-plan, comme au théâtre. Il y a tout un paradoxe dans ce métier: un mois on nous voit trop, et le mois suivant on est dans le dossier «Que sont-ils devenus?»! (rires) Il y a deux ans, j’étais en tournée à Jonquière. Un homme m’a demandé si j’avais fait le choix de ne plus jouer à la télévision, et ça m’a offusquée. Je me disais qu’il ne regardait pas le bon poste! Évidemment, on ne peut pas tout regarder, mais ce n’est jamais arrivé qu’on ne me voie plus du tout. Je suis privilégié­e. Longtemps, à chacun de mes contrats, je me disais que c’était super, que j’étais encore comédienne! C’est une grande chance de pratiquer le métier qu’on aime.

J’ai souvent eu des nomination­s aux Gémeaux, sans toutefois gagner. C’est sûr que j’aurais aimé remporter certains prix, mais jamais je ne dirai qu’il me fallait absolument un trophée, car la vérité, c’est que tout le monde le mérite. Tout le monde travaille aussi fort.

Tu es en couple depuis 26 ans avec l’auteur de pièces de théâtre et de séries télévisées François Archambaul­t. Vous avez travaillé ensemble très souvent. Est-ce que c’est toujours un avantage de partager sa vie et son travail avec la même personne?

On a réussi à bien le faire. Lors des premières expérience­s de travail qu’on a vécues ensemble, on oubliait la petite politesse de base que des étrangers ont... Mais on s’est ressaisis! Si on était tous les deux comédiens, je pense que je trouverais ça difficile. On serait obligés de se poser beaucoup de questions, par exemple pour déterminer lequel des deux aurait le droit d’aller jouer au théâtre le soir... Ce serait aussi complexe de savoir à quel moment envoyer nos enfants au camp de jour, car on ne connaîtrai­t pas nos horaires à l’avance ni l’un ni l’autre. Comme mon conjoint travaille de la maison, j’ai le meilleur des mondes. Je suis avec quelqu’un qui comprend mon métier, et qui est également un ancrage. L’autre jour, ma fille nous a demandé si on avait embrassé beaucoup d’autre monde. J’ai répondu: «Juste au théâtre et à

la télévision, ta mère ne peut pas les compter!» (rires) Même pour cet aspect, il faut un partenaire qui comprend.

Tes enfants ont 12 et 17 ans. Tu dois donc concilier ta famille et ton métier. Comment vous organisez-vous quand tu pars en tournée au théâtre?

Je fais très attention dans mes choix profession­nels. J’ai dit non à des choses intéressan­tes, parce que c’est important que ce soit vivable au quotidien. Je me demande toujours si on va se perdre de vue si j’accepte un projet. Les enfants sont plus grands, ce qui aide, mais je dois être présente. Quand j’arrive à la maison, parfois je prends une grande respiratio­n, car je ne peux pas être fatiguée, même si je trouve ça dur des fois de faire un souper! (rires) Il faut parler pour s’assurer que son conjoint va bien, que tout coule. C’est de la gestion, la tournée! Mais chaque fois qu’on en finit une, toute l’équipe est dans tous ses états tellement on aime ça.

Ton père souffre d’alzheimer; il vit en CHSLD depuis trois ans. Comment

«Je me trouve chanceuse de jouer dans un drame et une comédie cette année: l ’un nourrit l ’autre.»

te sens-tu face à cette situation?

«J’ai été très touchée lorsque Marie-Hélène m’a parlé de son père, qui vit maintenant en CHSLD. Ça fait mal de voir dépérir ceux qu’on aime, et la force de MarieHélèn­e dans ces moments difficiles est inspirante.» — Annie-Soleil

Je vais justement le voir tout à l’heure.

Il y a des moments de grande culpabilit­é, mais j’apprivoise la situation. On a la chance qu’il ait une aidante naturelle, son amoureuse. Elle est très présente, elle va le voir tous les deux jours. Elle ne pouvait plus le garder à la maison, ce n’était plus possible. Avant les fêtes, il y a eu une période de trois semaines où je n’ai pas travaillé, alors je lui ai offert de prendre le relais, et c’est moi qui allais visiter mon père tous les deux jours. Je vois les préposés aux bénéficiai­res qui travaillen­t tellement fort au CHSLD, et je trouve ça pénible de constater que leurs conditions de travail sont déplorable­s. Ces gens-là se dévouent tellement...

Tu sembles avoir trouvé une certaine sérénité à travers ce qui arrive. Comment s’est fait ton cheminemen­t?

Il y a quelques années, j’ai joué dans la pièce Tu te souviendra­s de moi, écrite par mon conjoint. L’histoire est celle d’un professeur d’histoire qui commence à perdre la mémoire. Ça m’a forcée à réfléchir à cette réalité. On voit souvent des proches qui s’accrochent au passé, à ce qu’était, auparavant, cette personne malade qu’ils aiment tant. J’ai réalisé qu’il faut faire son chemin, continuer d’avancer avec ça. Pour le bien de la personne atteinte et pour soi-même, il faut rapidement accepter que les choses ne seront plus jamais ce qu’elles étaient. Évidemment, ça ne donne pas le goût de se retrouver là... L’année passée, mon père a eu une grosse grippe, et j’ai cru que ce serait la fin. Élise, une préposée qui s’occupe de lui, m’a dit qu’il n’était pas prêt à partir, et je crois qu’elle avait raison. Il y a une tristesse qui affecte les familles des personnes atteintes d’alzheimer, mais il reste encore de beaux moments parfois. J’ai lu quelques livres extraordin­aires de gens qui accompagne­nt des patients dans la mort, comme celui du médecin et auteur Martin Winckler, et ça m’a éclairée.

Réussis-tu à prendre soin de toi dans ce tourbillon?

J’ai souvent l’impression qu’on est des pieuvres, à essayer de tout faire! Je suis censée être tout ça: une femme, une mère, une amoureuse, une fille, une comédienne, et être en forme en plus! (rires) Je suis allée récemment faire du Tabata, un entraîneme­nt de haute intensité qui fonctionne par intervalle­s. Je me rends sur place à pied et je fais des poids, des montées, tout ce que cet entraîneme­nt comporte. J’aime bien ce qui est offert au Studio Bouge, dans le quartier Rosemont. Bouger, ça aide le corps, mais c’est aussi bon pour tout le reste.

As-tu d’autres rituels en dehors de l’entraîneme­nt?

J’aime aller chez l’esthéticie­nne me faire faire des traitement­s. J’essaie aussi de bien manger, et ça passe notamment par mon abonnement aux paniers Lufa. Chaque semaine, je reçois un panier de nourriture fraîche et locale, qui me permet de faire des repas santé. Je veux aussi essayer la méditation: j’ai installé une applicatio­n sur mon téléphone. D’ailleurs, l’applicatio­n me rappelle que je n’en fais jamais et me dit souvent: «Qu’est-ce qui vous retient, Marie-Hélène?» Ça met de la pression! (rires) C’est souvent l’aspect bien-être qui prend le bord, mais la semaine prochaine, je vais me faire masser. Ça me fait toujours beaucoup de bien.

L’heure bleue, dernière de la saison, le mardi 27 mars, à 21 h, à TVA. Les Magnifique­s, le vendredi, à 21 h 30, à Radio-Canada.

La pièce Le déclin de l’empire américain, en supplément­aires à l’Espace Go en octobre 2018.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada