«On connaît très mal la réalité des Amérindiens au N.-B.» - Maurice Basque
Avec la sortie récente de son clip Tous les Acadiens et son prochain album Mon Acadie, Natasha St-Pier a dit vouloir plonger dans l’histoire et retrouver ses racines acadiennes.
La controverse entourant le vidéoclip de l’artiste, où se multiplient les clichés sur la culture acadienne et autochtone, aurait-elle au moins permis de remettre au menu les relations historiques entre les Acadiens et les autochtones?
«Encore une fois, on n’ira pas plus loin dans les discussions au sujet des relations entre Acadiens et Amérindiens», croit malheureusement Maurice Basque, historien et conseiller scientifique à l’Institut d’études acadiennes.
Selon lui, le débat entourant la chanson et le clip tient plus ou moins la route puisque le texte de la chanson fait surtout référence aux Cadiens de la Louisiane.
«Natasha St-Pier parle très brièvement de l’Acadie, on parle surtout de la Louisiane», affirme l’historien, qui relève dans la chanson les nombreuses mentions au sujet du violoniste Cajun Rufus Thibodeaux et de la vente aux États-Unis par Napoléon de la Louisiane.
Pour Maurice Basque, cette chanson peut bien mener à perpétuer le mythe des rapports entre Acadiens et Amérindiens, qui laisse souvent croire à des liens profonds d’amitié et d’entraide lors des époques de la colonisation et de la Déportation.
«On connaît très très peu d’exemple, au moment du Grand Dérangement, de l’aide des Amérindiens à l’endroit des Acadiens. Aussi, lorsque les Acadiens se sont installés au Madawaska, ils se sont installés sur les terres des Wolastoqiyiks (Malécites). Même chose chez les Acadiens en Gaspésie et dans la Péninsule acadienne, qui ont pris les terres des Micmacs», illustre Maurice Basque.
«Ça va causer de très grandes frustrations. La mémoire collective des Acadiens n’a pas retenu ces moments conflictuels. On a construit une belle histoire de grande d’amitié, alors qu’en fait, on connaît très mal la réalité des Amérindiens au Nouveau-Brunswick», explique celui-ci, qui déplore le manque actuel de dialogue entre Acadiens et Amérindiens.
Maurice Basque considère le clip de Natasha St-Pier comme étant très folklorique, à l’image qu’aime se faire le peuple français de l’Acadie et d’une certaine fascination des Européens pour les peuples amérindiens.
«Dans les images, la chanteuse porte sur elle des plumes de paon, alors qu’il n’y en a même pas au Nouveau-Brunswick. La chanson est elle-même très folklorique, ce n’est pas surprenant que le vidéoclip soit de la même nature», fait remarquer l’historien.
Natasha St-Pier est loin d’être la première artiste à faire l’objet de critiques quant à sa représentation personnelle de l’Acadie.
«On a souvent fait le procès d’Antonine Maillet dans les débuts de la Sagouine, d’Édith Butler, d’Angèle Arsenault, de Cayouche et de Lisa LeBlanc. On en met beaucoup sur les épaules des artistes aca- diens, je ne crois pas que c’est le rôle de Natasha St-Pier d’être la porte-parole de la modernité acadienne», estime Maurice Basque.
«Il ne faut pas oublier que son disque est destiné avant tout au marché français».