Le Jos-Frédric se cherche une troisième vie à Caraquet
Le chanteur-pêcheur Donat Lacroix est fier de son bateau, le Jos-Frédric, qu’il a construit dans les années 1980. Maintenant qu’il ne s’en sert plus, il est prêt à le céder à une municipalité ou à une institution des environs pour qu’il devienne un monument.
Donat Lacroix a passé son été à bichonner son bateau, le Jos-Frédric. Il l’a repeint, a retravaillé la coque, posé des mâts et des voiles. L’embarcation ressemble à s’y méprendre à la goélette de son grand-père dont il s’est inspiré.
Après des décennies de bons et loyaux services, elle repose maintenant sur des cales dans la cour du voisin du célèbre chanteur-pêcheur. Une situation qui ne lui convient guère. Il aimerait en faire une attraction touristique.
«C’est un symbole de la pêche, du patrimoine et de la culture acadienne», considère Émé Lacroix.
Elle garde en mémoire le labeur de son mari qui a lui-même assemblé les morceaux d’érable et d’épinette noire. C’était au milieu des années 1980.
«Ça m’a pris 9 à 10 mois d’ouvrage étalés sur deux ans et demi», se souvient Donat Lacroix.
Son ambition première était de l’utiliser pour pêcher le hareng. Il a pris la mer avec pendant une douzaine d’années.
Une fois les filets remisés au placard, le JosFrédric a pris ses quartiers d’été, à l’aube du XXIe siècle, dans le port de Caraquet et est devenu une boîte à chansons.
«Nous nous sommes produits à bord, ma femme et moi, pendant 12 saisons à raison de cinq spectacles par semaine. On laissait parfois la scène à des artistes invités. Il n’y avait pas beaucoup d’espace. En tout, on a reçu plus de 6000 spectateurs», se félicite le chansonnier.
Ses compositions et les airs traditionnels ont longtemps résonné au Carrefour de la mer. La lassitude a eu raison de l’aventure musicale.
Le Jos-Frédric version boîte à chansons a fermé ses portes en 2010. Depuis, son créateur ne sait pas quoi en faire. Il ne veut pas se résoudre à l’abandonner.
«Ce n’est pas un bateau comme les autres, assure Donat Lacroix. Il a eu plusieurs missions.»
Il aimerait le voir connaître une troisième existence. Une sorte de retraite active à l’image du bateau installé à l’entrée du village de Grande-Anse.
«Pourquoi ne pas le mettre à Caraquet ou à Lamèque? Je voudrais qu’il reste dans la région.»
Donat Lacroix est connu pour son optimisme. Il est cependant contraint d’envisager le pire.
«S’il le faut, je m’en débarrasserais, mais ça me ferait mal au coeur. Je me suis tellement investi pour ce bateau.»
Pour celle qui partage sa vie, cette éventualité serait «un manque de reconnaissance».
En attendant qu’une municipalité ou une institution locale se manifeste, le chanteur-pêcheur continue les prestations avec sa douce moitié. À l’aube de ses 80 ans, il n’a pas envie de raccrocher.
«Ce serait ignorer Donat Lacroix qui a chanté la mer et Caraquet et qui a promu la culture acadienne à travers le monde entier, celui qui est officier de l’Ordre du Canada. Ce bateau peut devenir un monument.»