Jez et Bernie
Jeremy «Jez» Corbyn et Bernie Sanders ont plusieurs choses en commun, notamment leurs ambitions. Corbyn veut diriger le Parti travailliste britannique aux prochaines élections et devenir premier ministre du RoyaumeUni; Sanders veut remporter l’investiture
À la grande surprise de pratiquement tout le monde, Corbyn vient de franchir la première étape de son ambitieux programme: il y a un peu plus d’une semaine, l’homme politique âgé de 66 ans a été élu à la tête du Parti travailliste. Lorsqu’il s’est joint à la course à la direction, on estimait ses chances à une sur deux cents. Il a finalement remporté la direction du parti avec une majorité écrasante.
La candidature du sénateur Sanders a, elle aussi, été prise à la légère. À 74 ans, sans le sou et sans machine politique bien huilée pour l’appuyer ( tout comme Corbyn, d’ailleurs), Sanders est perçu comme beaucoup trop à gauche pour remporter l’investiture démocrate – sans parler de la présidence. Mais quelque chose d’extraordinaire est aussi en train de se produire du côté de sa campagne.
Hillary Clinton était donnée comme grande favorite dans cette course à la chefferie, mais Sanders commence à la talonner de près, particulièrement dans les deux États où se tiendront les premières primaires, soit le New Hampshire et l’Iowa. Les trois derniers sondages suggèrent en effet que l’avance moyenne de Sanders sur Clinton atteint 7,5 % au New Hampshire et 1% en Iowa.
Bien sûr, Sanders n’est pas aussi à gauche que Corbyn. En fait, aucun politicien américain élu n’est aussi à gauche que le nouveau chef travailliste, qui promet, s’il est élu, de nationaliser les chemins de fer et les sociétés d’énergie, de rétablir le contrôle des loyers, d’augmenter les impôts pour les riches, d’imposer un embargo sur les armes d’Israël et de débarrasser le Royaume- Uni de ses armes nucléaires.
Sanders habite aux États- Unis – un pays où le socialisme démocratique ne vaut guère mieux, pour une majorité d’électeurs, qu’un culte satanique! Il prône une couverture santé universelle financée par l’impôt et des campagnes électorales à financement public, qui comporteraient des règles strictes en matière de financement privé ( ce que soutiennent tous les partis au R.- U.). Tout comme Corbyn, il préconise également la gratuité scolaire au niveau postsecondaire et un impôt plus élevé pour les mieux nantis. Voilà tout ce qu’il propose. Mais sur
le spectre politique américain ( qui, comme on le sait, s’étend dans une direction plus que dans l’autre), il est aussi à gauche que l’est Corbyn dans celui plus large du Royaume-Uni. Est- ce que Sanders pourrait effectivement répéter l’exploit de son homologue britannique et remporter l’investiture démocrate?
La réponse est oui, si les faux pas d’Hillary Clinton finissent par lui coûter une ( importante) partie de sa popularité. Des sondages ont révélé, récemment, qu’elle avait été remplacée à la tête des intentions de vote par ses deux rivaux républicains potentiels, Jeb Bush et Ben Carson – même Donald Trump lui donne du fil à retordre.
Si la popularité de Clinton s’estompe, il est bien possible que Sanders soit élu à la tête du Parti démocrate. Ses chances sont d’emblée meilleures que celles de Corbyn. Quant à savoir s’il peut vérita- blement devenir président, c’est là une tout autre question. Les experts et les sondeurs américains disent non, car il se distingue trop de l’électeur moyen.
Or Sanders ne fait que mettre en évidence le désespoir qui s’est emparé de tant d’Américains de classe moyenne, qui voient les riches s’enrichir et leur propre niveau de vie baisser. « Ne laissez personne vous dire que nous sommes radicaux ou que nous n’appartenons pas à la majorité. Nous sommes la majorité. » Il pourrait bien avoir raison: c’est le même désespoir et le même sentiment de monotonie qui ont nourri la popularité de Donald Trump et qui le placent désormais en tête de file chez les républicains.
Voilà qui ne serait pas banal, vous ne pensez pas? Bernie Sanders contre Donald Trump. Les Américains auraient enfin un véritable choix à faire.