Le pape encourage les Cubains à prendre soin les uns des autres
Devant une foule imposante réunie sur la place de la Révolution, dimanche, à La Havane, le pape François a encouragé les Cubains à prendre soin les uns des autres et à ne pas juger leur prochain.
Croyants et non-croyants étaient côte à côte sur la place avant l'aube pour attendre l'arrivée du Saint-Père, qui a entamé la veille son voyage de trois jours sur l'île communiste.
Les Cubains ont accueilli chaleureusement le pape lorsque la papamobile s'est frayé un chemin dans la foule. Ils brandissaient des drapeaux de Cuba, de l'Argentine et du Vatican pendant qu'un choeur interprétait des chansons traditionnelles du pays et des airs religieux.
François s'est arrêté plusieurs fois pour embrasser des enfants et pour bénir des Cubains en chaise roulante.
La plupart des Cubains sont de confession catholique, mais seulement 10 % d'entre eux sont pratiquants. Les Cubains étaient toutefois moins nombreux qu'à la venue de Jean-Paul II, en 1998, qui avait été le premier pape à visiter le pays.
Dans son homélie, François a incité les Cubains à s'aider entre eux «par sens de service, et non par idéologie» et de cesser de se juger.
Difficile d'interpréter la signification précise de ce message, mais plusieurs Cubains se plaignent du système rigide du gouvernement qui scrute plusieurs aspects de la vie de ses citoyens.
«Être chrétien nécessite la promotion de la dignité de nos frères et soeurs, de se battre pour cela, de vivre pour cela. C'est pour cette raison que les chrétiens mettent constamment de côté leurs désirs, leurs souhaits, leur volonté de pouvoir pour se concentrer sur les plus vulnérables», a-t-il déclaré.
La messe de dimanche matin donne le coup d'envoi d'une série d'événements auquel prendra part le souverain pontife pendant son séjour. Il aura notamment une réu- nion formelle avec le président Raul Castro, et il rencontrera probablement son frère et l'ancien président, Fidel.
La journée se terminera avec sa célébration des Vêpres à la cathédrale de la Vierge Marie de l'Immaculée Conception.
Le pape est considéré comme un héros à Cuba pour son rôle dans le rapprochement diplomatique entre les gouvernements américain et cubain, annoncé en décembre. François avait écrit personnellement à Barack Obama et à Raul Castro et il avait permis aux négociateurs des deux pays de se réunir au Vatican, un lieu neutre.
Depuis l'annonce historique du mois de décembre, Washington et La Havane ont rouvert leurs ambassades respectives dans leurs deux pays, les présidents Obama et Castro ont discuté deux fois au téléphone – en plus de s'être rencontrés en personne en avril – et les représentants américains et cubains sont en pourparlers pour rétablir concrètement les relations diplomatiques.
Avant son arrivée, le pape a encouragé les deux pays à accélérer le processus de rapprochement et à «exploiter toutes ses possibilités».
Le Vatican s'oppose depuis longtemps à l'embargo commercial américain à Cuba, considérant qu'il affecte d'abord et avant tout le peuple cubain. Il espère que ce dégel des re- lations puisse éventuellement mener à la levée de ces sanctions.
Or, seulement le Congrès américain a le pouvoir de lever cet embargo. Le pape François visitera d'ailleurs les élus américains la semaine prochaine lors de son voyage aux États-Unis, mais on ignore s'il abordera ce sujet précis.
Samedi, aux côtés de Raul Castro, François a déclaré que les développements des derniers mois lui donnent espoir pour la suite. «J'encourage les dirigeants politiques à persévérer sur ce chemin (...) pour donner un exemple de réconciliation au monde entier», a-t-il affirmé.
M. Castro, qui juge cet «embargo cruel, immoral et illégal», a appelé les États-Unis à y mettre fin une fois de plus.
Dimanche, le message du pape devrait être moins politique et plus personnel.
L'île communiste n'a jamais proscrit la religion en soi, mais il s'en est fallu de peu. Lorsque Fidel Castro a pris le pouvoir, en 1959, il avait fermé les écoles religieuses, expulsé les prêtres et en avait emprisonné certains, dont l'actuel archevêque de La Havane, le cardinal Jaime Ortega.
M. Castro avait assoupli les règles dans les années 1990, en retirant l'athéisme de la Constitution du pays et en rétablissant Noël comme jour férié.