Du sang neuf
La plus grande surprise de la campagne aura été la présence accrue des chefs dans notre province. Stephen Harper (vendredi à Fredericton) et Justin Trudeau (samedi à Saint-Jean) s’y sont arrêtés dans les jours qui ont précédé le scrutin, quelque chose qu’on aurait cru inimaginable il n’y a pas si longtemps.
La seule certitude au début de la campagne en Atlantique était que le Parti conservateur allait perdre du terrain, en particulier au Nouveau-Brunswick. Il ne restait qu’à savoir s’il s’agirait d’un effondrement généralisé ou si les troupes de Stephen Harper réussiraient à sauver les meubles. L’autre inconnue était de deviner quel parti réussirait à mieux canaliser le vote du changement.
Au déclenchement des élections, il y a déjà presque trois mois, les conservateurs détenaient huit circonscriptions sur 10 dans notre province. Aucun scénario ne nous permettait de croire qu’ils maintiendraient tous leurs acquis ou qu’ils ajouteraient les deux sièges manquants (Acadie-Bathurst et Beauséjour) à leur tableau de chasse.
Tant le Nouveau Parti démocratique que le Parti libéral pouvaient espérer réussir une percée. Plusieurs ont cru qu’une vague orange était possible. Finalement, en cette fin de marathon électoral, ce sont les libéraux qui ont eu le vent dans les voiles et qui ont le mieux réussi à canaliser le désir de changement d’une majorité d’électeurs.
L’élection de plusieurs députés libéraux fera plaisir au premier ministre Brian Gallant, dont les relations avec les conservateurs fédéraux sont tout sauf bonnes. Son bilan a été la cible de dures critiques de Bernard Valcourt (Madawaska-Restigouche) et de John Williamson (N.-B.-Sud-Ouest). Le chef conservateur lui-même, Stephen Harper, a profité d’une visite tardive à Fredericton, vendredi, pour critiquer M. Gallant, mettre en garde les Néo-Brunswckois contre M. Trudeau et soutenir que «nous ne pouvons pas nous permettre que notre gouvernement national» soit gouverné comme celui du N.-B...
L’élection de quelques nouveaux visages pourraient donc permettre au premier ministre Gallant d’avoir de meilleures relations avec ses homologues fédéraux.
Parmi les enjeux qui ont retenu notre attention, notons l’économie, ou plus spécifiquement la création (ou l’absence de) d’emplois. L’annonce en milieu de campagne que le Canada a vécu une récession en raison des problèmes de l’industrie pétrolière n’a surpris personne en Acadie, où des milliers de personnes qui gagnaient leur vie à Fort McMurray ou ailleurs dans l’Ouest ont soudainement perdu leur emploi en raison de la chute du prix du pétrole.
Qui dit emploi dans la région dit aussi assurance-emploi. La réforme controversée des conservateurs n’a pas eu les effets dramatiques craints par les opposants, mais elle est suffisamment impopulaire pour que l’enjeu se soit imposé durant la campagne. Tant Thomas Mulcair que Justin Trudeau se sont engagés au Nouveau-Brunswick à éliminer les principaux irritants de la réforme honnie.
Il est décevant qu’en 2015, les chefs fédéraux fassent encore campagne sur l’assurance-emploi plutôt que sur le développement régional, l’innovation ou la santé. Difficile toutefois de les blâmer. Ils ont tenté de faire élire un maximum de députés afin de prendre le pouvoir. Or, il suffit de parler un peu avec les électeurs des circonscriptions où l’économie saisonnière est importante pour découvrir que la promesse de bonifier le programme est encore un thème très porteur dans la région.
De son côté, Stephen Harper a contreattaqué avec un appui sans faille à l’oléoduc d’Énergie Est et en mettant de l’avant l’ambiguité de Justin Trudeau et de Thomas Mulcair dans ce dossier (ils sont contre dans les conditions actuelles, mais pourraient imposer de nouvelles règles et changer d’idée une fois au pouvoir). Cette stratégie a permis aux conservateurs de préserver leurs acquis dans le sud et le sud-ouest du N.-B.
La plus grande surprise de la campagne aura été la présence accrue des chefs dans notre province. Stephen Harper (vendredi à Fredericton) et Justin Trudeau (samedi à Saint-Jean) s’y sont arrêtés dans les jours qui ont précédé le scrutin, quelque chose qu’on aurait cru inimaginable il n’y a pas si longtemps.
Souhaitons que cet intérêt renouvelé pour le Nouveau-Brunswick soit annonciateur de bonnes choses. Dans le contexte d’un résultat national aussi serré, notre vote continuera d’être courtisé. Le gouvernement Gallant et la nouvelle équipe de députés fédéraux doivent travailler main dans la main afin de soutirer un maximum de gains pour notre province, laquelle en a bien besoin.