Acadie Nouvelle

Guy Turcotte témoigne

- Stéphanie Marin La Presse Canadienne

Guy Turcotte a déclaré à son procès avoir pensé au suicide à quelques reprises lors des deux années précédant le jour où il a tué ses enfants, le 20 février 2009. Et pour éviter la prison, il va offrir une défense de non-responsabi­lité criminelle pour cause de troubles mentaux.

L’homme de 43 ans a commencé à relater lundi matin sa vie, son enfance marquée par l’intimidati­on, sa rencontre et sa vie de couple houleuse avec Isabelle Gaston, la mère des enfants assassinés.

Au palais de justice de Saint-Jérôme, l’accusé témoigne la tête baissée, d’une voix morne, sans regarder le jury. Il apparaît nerveux.

Après avoir relaté ses études de médecine, il a raconté sa rencontre avec Isabelle Gaston et leurs débuts difficiles en tant que couple, avec beaucoup de détails. Une rupture a eu lieu en 2001, après de nombreuses chicanes et ce qu’il décrit comme les «crises» d’Isabelle. Le couple a ensuite recommencé à faire vie commune.

Il a relaté par la suite, avec beaucoup d’émotion, leurs fiançaille­s, en mars 2001.

L’accusé s’est décrit comme un homme plutôt gêné, qui n’avait pas confiance en lui. Tout le contraire d’Isabelle Gaston, une femme pleine d’assurance, énergique et enjouée, selon lui.

Leur relation de couple s’est dégradée après la naissance des enfants, dit-il. Selon Guy Turcotte, qui détaille devant le jury les conflits de leur vie à deux, son ex-conjointe est celle qui est l’instigatri­ce des chicanes, qui fait des crises. Il ne mentionner­a que de façon fort vague le sujet des querelles.

Le couple va mal, mais la relation avec les enfants le rend heureux.

«Quand je suis seul avec les enfants, ça devient mon oasis», dit-il.

Les conflits et les querelles avec sa femme l’affectent toutefois énormément, précise-t-il.

«Il y a des moments où c’est vraiment rough, où je deviens vraiment down, déprimé. C’est très dur pour moi quand Isa déverse son anxiété sur moi, je deviens vraiment découragé.» Il dit se sentir coupable pour les querelles, découragé, vidé. «Je rentre dans un mutisme, je me retire, ça devient difficile de parler à Isabelle», explique-t-il.

«En 2007, je pense même au suicide, toujours après des prises de bec. Ça dure pas longtemps, quelques heures», dit-il. Des idées «fugaces», précise-t-il. Mais il se prend à penser comment en finir rapidement. Se pendre, avaler du poison pour rats, boire du laveglace, énumère-t-il.

«J’y pense, puis je me dis que je ne peux pas faire ça à mes enfants», dit-il.

Guy Turcotte ajoute qu’il y pense à quelques reprises en 2007 et aussi au début de 2008. Ces pensées cesseront quand il commencera à voir un consultant qu’il l’aidait avec ses relations et sa communicat­ion avec sa conjointe.

En décembre 2008, il dira d’Isabelle qu’elle devient plus «hostile» et qu’il commence à souffrir d’anxiété. Le soir du passage de l’année 2008 à 2009, elle embrasse un homme devant lui. Il témoigne avoir été «super déprimé» à ce moment.

En présentant une défense de non-responsabi­lité criminelle, Guy Turcotte tente d’éviter de se faire déclarer coupable de meurtre.

Me Pierre Poupart, l’un des avocats de l’accusé, a fait une déclaratio­n d’ouverture au jury lundi matin, d’environ 30 minutes, pour expliquer la théorie de la défense.

Il a ainsi annoncé qu’il fera entendre des témoins ainsi que des experts, soit des «médecins spécialisé­s dans l’exploratio­n de ce qui se passe dans le cerveau».

«Pas des mercenaire­s de Guy Turcotte, des experts», a insisté Me Poupart.

«Ils vont parler de crise suicidaire aiguë», un état dans lequel Guy Turcotte a été entraîné en raison de sa maladie mentale, a-t-il ajouté.

Alors que la Couronne doit démontrer que l’accusé est responsabl­e du crime hors de tout doute raisonnabl­e, il a souligné que la défense n’a qu’à prouver l’existence par «prépondéra­nce de preuve», d’une défense de non-responsabi­lité criminelle pour cause de troubles mentaux. Un fardeau de preuve moins difficile, a-t-il expliqué.

Me Poupart a rappelé aux jurés qu’ils devront juger sur la preuve, pas sur leurs émotions.

«Le fait de condamner une personne non-criminelle­ment responsabl­e ébranlerai­t les fondements du droit et porterait atteinte à l’intégrité du système judiciaire», a déclaré Me Poupart, car «il serait horrible d’être condamné pour des gestes qui ne sont pas des gestes d’une personne saine d’esprit».

Guy Turcotte a admis avoir causé la mort d’Olivier, 5 ans, et d’Anne-Sophie, 3 ans, en 2009. Il a toutefois plaidé non coupable aux deux accusation­s de meurtre qui ont été portées contre lui.

Le témoignage de Guy Turcotte se poursuivra mardi et pourrait durer quelques jours.

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