Acadie Nouvelle

Protection des terres agricoles: les producteur­s sont inquiets pour l’avenir

- simon.delattre@acadienouv­elle.com

Ressource rare, non renouvelab­le et convoitée, la terre fertile et de qualité est menacée par un manque de législatio­n au NouveauBru­nswick. Alors que plusieurs producteur­s jugent la situation critique, le gouverneme­nt promet qu’une politique sera mise en place.

Plusieurs agriculteu­rs sont préoccupés par la santé des sols et par la disponibil­ité des terres agricoles dans la province. Ils s’opposent notamment aux pratiques de certains entreprene­urs qui achètent des terres arables, fertiles et propices à la culture, pour des développem­ents commerciau­x et domiciliai­res.

«Beaucoup de bonnes terres agricoles sont gaspillées, lance Paul-Émile Soucy, agriculteu­r à Edmundston. C’est plus facile de construire une route ou une maison sur une terre déjà défrichée.»

Robert Thériault, fondateur de Grains de l’Est à Drummond, demande une règlementa­tion plus stricte qui préservera­it les terres ayant un potentiel agricole. «On achète des terres agricoles à proximité des villes et on enlève la couche arable pour en faire des maisons et du gazon. On dilapide le territoire, c’est inacceptab­le!»

Le prélèvemen­t de la couche arable est également la principale préoccupat­ion de Jean-Eudes Chiasson, agriculteu­r de Rogersvill­e. Il craint la disparitio­n des terres cultivable­s. «On retire la partie productive, avec l’humus, la matière organique, les vers et toute la vie microbienn­e qui permettent au sol de nourrir les plantes, dit-il. On doit arrêter cette calamité-là, le sol est mort!»

Les experts estiment qu’il faut jusqu’à mille ans pour former un centimètre de sol. Le défricheme­nt de nouvelles terres coûte cher et la remise en état de terres utilisées à des fins non agricoles est soit impossible, soit longue et très coûteuse.

Pour le moment, il n’existe aucune loi ni politique au Nouveau-Brunswick qui préserve les terres agricoles. Le gouverneme­nt prépare donc une loi qui réglemente­ra davantage leur utilisatio­n et protégera les agriculteu­rs contre l’empiétemen­t.

«Seulement 5 % des terres de la province sont utilisées à des fins agricoles, explique Rick Doucet, ministre de l’Agricultur­e, de l’Aquacultur­e et des Pêches. Il est donc essentiel de protéger les terres qui conviennen­t le mieux à ce secteur. Nous voulons un juste équilibre entre la conservati­on des terres agricoles et le développem­ent non agricole.»

Son ministère a multiplié les consultati­ons publiques cette semaine: Saint-André lundi, Bathurst mardi, Moncton jeudi. Un sommet sur l’agricultur­e a également eu lieu le 21 octobre à Grand-Sault. Le public a jusqu’au 31 décembre pour envoyer ses commentair­es.

Une Loi sur la protection de la couche arable existe déjà et interdit à quiconque d’enlever cette couche d’une parcelle sans être titulaire d’un permis. Mais le texte manque de dents, selon l’Alliance agricole du Nouveau-Brunswick.

«Cette loi n’accorde aucune capacité d’exécution aux inspecteur­s de l’environnem­ent», indique son président Mike Bouma, qui propose aussi une définition plus inclusive de la couche arable. «Les génération­s futures subiront de lourdes conséquenc­es si rien n’est fait rapidement. Sans terre, sans eau, pas de civilisati­on.»

D’autres provinces ont adopté depuis longtemps une règlementa­tion bien plus contraigna­nte pour faire cesser l’étalement urbain sur les terres agricoles de bonne qualité. La Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles du Québec a établi un territoire protégé de 63 500 km carrés en interdisan­t l’utilisatio­n du sol à d’autres fins que l’agricultur­e et l’enlèvement de sol arable.

Déjà formulées lors du sommet de 2008, les recommanda­tions des agriculteu­rs n’ont toujours pas abouti au Nouveau-Brunswick. «Il y a 45 ans, la disparitio­n des terres était déjà d’actualité», déplore Paul-Émile Soucy.

L’alliance agricole demande que cette future politique tienne compte des particular­ités de chaque région et souhaite la création d’une commission chargée de collaborer avec les différents gouverneme­nts pour préserver les terres.

«Il faut cibler la diversité du sol: ne pas planter à tous les ans la même culture, ajoute Jean-Eudes Chiasson. Après trois ans avec la même sorte de céréales, on a des problèmes et il faut augmenter l’utilisatio­n de produits phytosanit­aires.»

M. Soucy aimerait que le gouverneme­nt prenne la responsabi­lité de lutter contre la surexploit­ation des sols. «La protection des terres est laissée aux agriculteu­rs, il n’y a pas d’incitatif, pas de loi. Tous ne le comprennen­t pas, mais la terre, elle ne t’appartient pas. Elle appartient aux génération­s suivantes!»

Le secteur agricole est le second producteur de biens au Nouveau-Brunswick et crée 11 000 emplois équivalent­s à temps plein. Il génère plus de 570 millions $ en ventes à la ferme et plus de 1 milliard $ en produits agroalimen­taires transformé­s.

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- Archives Les fermiers réclament une meilleure protection des terres agricoles.
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