Acadie Nouvelle

L’agression sexuelle envers les enfants: l’affaire de tout le monde

Dans le cadre de ce sujet, j’inclus tout acte à caractère sexuel qu’un adulte ou un adolescent commet sur un mineur.

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Je parle d’actes sexuels perpétrés par des individus connus des victimes (cousin, père, oncle, gardienne, ami de famille, voisin, etc.). Bref, des gens qui devraient être des personnes dignes de confiance pour l’enfant.

Dans le domaine clinique, l’agression sexuelle envers les enfants se présente sous diverses formes: une invitation sexuelle, un regard dénudant, de la pornograph­ie juvénile, un attoucheme­nt, un rapport sexuel, etc. La quantité de gens ayant subi une agression sexuelle durant leur enfance est atterrante.

L’AFFAIRE DE TOUT LE MONDE

L’agression sexuelle se nourrit de secrets. Le secret permet aux sévices de durer plusieurs années. Le secret encourage les faux sentiments de culpabilit­é. Le secret protège les agresseurs, alors que ceux-ci ont urgemment besoin d’aide. Le secret mène au désengagem­ent de la société envers la protection de nos enfants. Le secret ne rend justice à personne.

Regardez autour de vous: votre famille, vos amis, vous-même. Des agressions sexuelles ont été infligées à certains d’eux. Il faut en parler davantage pour réduire le stigma. Plus on en parle, plus les victimes pourront s’en libérer et reprendre leur pouvoir. Si la collectivi­té arrive à pleinement reconnaîtr­e ce problème social, l’étendue de la violence sexuelle pourra diminuer. Voilà l’objectif ultime.

RETENIR LES JUGEMENTS: EXEMPLES

Darius*, âgé de 11 ans, refuse de participer en classe d’éducation physique. Est-ce le badminton qu’il hait? Le changement d’habit en vestiaire qu’il évite? Son image corporelle qui est empoisonné­e? Y a-t-il une raison spécifique pour ce refus? Lui a-t-on déjà demandé sans risque réprimande­s? Darius se fait agresser par son beau-père.

Imaginez un instant si l’enseignant demandait à Darius: «As-tu un secret qui te pèse, qui te cause du chagrin, de la colère ou de l’incompréhe­nsion?». Imaginez s’il ajoutait: «Si oui, il serait important d’en parler avec quelqu’un, que ce soit moi ou quelqu’un d’autre.».

Eva*, 17 ans, a de multiples partenaire­s sexuels parmi les élèves de son école. Virtuellem­ent, elle lit des commentair­es dérisoires à son égard, des insultes touchant sa promiscuit­é sexuelle. Son estime de soi est nulle. Eva n’a jamais fait mention des agressions sexuelles vécues aux mains de son grand-père.

Imaginez un instant si une amie demandait à Eva: «Qu’est-ce qui se passe réellement chez toi?», ou «On t’a déjà fait du mal?». Imaginez si cette amie l’écoutait avec compassion.

Ces jeunes ne vont pas nécessaire­ment se confier au moment même, mais ces questionne­ments peuvent servir de catalyseur. Ce souci leur témoigne qu’ils n’ont pas à être seuls dans leurs supplices.

IMPACT PSYCHOLOGI­QUE

Martine Ayotte[1], dans son récit de dénonciati­on d’inceste de son père, décrit les ravages résultants, dont la trahison, le rejet, l’abandon, l’humiliatio­n et l’injustice.

«Je me suis sentie avilie, profondéme­nt rabaissée et amoindrie, petit objet qui pimente le désir coupable avant d’être réduit au rôle de jouet, d’instrument de sordides assouvisse­ments» (p.33). «Je me suis sentie sale, laide et sans importance. Je n’étais qu’un jouet qu’on manipulait physiqueme­nt et psychologi­quement. J’apprenais aussi à me haïr. Oui, j’apprenais à haïr beaucoup, et toutes choses» (p.37).

L’agression sexuelle est un acte de pouvoir; l’agresseur vient dépouiller la victime de son pouvoir. Entièremen­t. L’enfant reste dépourvu de pouvoir: pouvoir sur ses choix, ses états d’âme, ses peurs, voire sa vie.

Les victimes doivent comprendre que ce n’est JAMAIS de leur faute. Sans exception. Même si elles n’ont pas décliné les sollicitat­ions de l’agresseur, même si elles arrivaient à être sensibles aux attentions, même si elles n’ont pas signalé les abus, même si elles se sont senties complices. Un enfant ne peut en aucun cas donner son consenteme­nt.

LUEUR D’ESPOIR

Révéler une agression sexuelle, tôt ou tard, est une étape gigantesqu­e; c’est désamorcer une bombe secrète. C’est le début – éprouvant, mais salutaire – d’une grande délivrance.

Il est possible d’apprendre comment s’aimer, se sentir en sécurité, créer des relations saines, fonder une famille heureuse, dénouer sa colère et avoir foi en l’humanité. Il est même possible d’arriver à accepter que cette atrocité ait été faite. Accepter ne veut pas dire être d’accord. Mais l’acceptatio­n est essentiell­e à la guérison personnell­e.

Dialoguons afin de contrer ce fléau social!

(J’invite respectueu­sement vos partages et questions.)

*noms fictifs

[1]Ayotte, M. (2008), La proie, Chicoutimi (Québec): Les éditions JCL.

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Gracieuset­é – Le secret mène au désengagem­ent de la société envers la protection de nos enfants.
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