Acadie Nouvelle

Visite au cimetière

En novembre, plusieurs font une visite au cimetière. Certains le font pour rendre hommage aux défunts en ce mois qui leur est consacré. D’autres sont contraints d’y aller pour ramasser les fleurs de plastique qui ont orné une pierre tombale pendant l’été.

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Je n’attends pas novembre pour aller au cimetière. J’y vais aussi souvent que je le peux: presque à chaque semaine. C’est la destinatio­n de ma marche dominicale. Je ne me lasse pas de visiter un cimetière.

L’attachemen­t que nous avons pour un cimetière particulie­r ressemble à l’attachemen­t d’un grand-parent pour un enfant: celui de notre famille est toujours le plus beau. Ce qui nous rend proches d’un berceau ou d’une tombe, ce sont les liens de famille.

Pour moi, le cimetière de Sheila est le plus beau. J’ai pourtant visité d’autres cimetières infiniment mieux aménagés à cause de la mer ou de la forêt qui les environnen­t. Infiniment plus importants à cause de la notoriété des gens qui y sont enterrés.

À Sheila, il n’y a ni mer, ni grands chênes, ni personnage­s illustres. Mais entre la piste et pelouse et le sanctuaire, il y a ce bout de terre où sommeille mon père, mon oncle Jos, le Père Dionne, Madame Louise, Mathieu, et les autres: le «pêcheux» de Val-Comeau à côté de la «faiseuse de couronnes» de St-Pons, la femme de «shop» de Saumarez à côté de l’enseignant­e de Haut-Sheila. Tous les parcours de vie se rencontren­t en ce lieu.

J’aime regarder les pierres tombales. Je lis les informatio­ns qui se résument souvent à un nom et deux années: celle de la naissance, celle de la mort. Ce peu d’informatio­n est une chance: on peut alors laisser notre imaginatio­n s’emballer. Ainsi, face à la petite croix blanche d’un enfant, je ressens la douleur qu’ont dû vivre ses parents. Face à la tombe d’une grand-mère, je sens l’odeur du bon pain fumant qui sort du four. Face à la pierre tombale d’un couple, je me demande comment se porte le survivant.

C’est aussi l’histoire d’un village qui se laisse découvrir dans un cimetière. On peut retracer l’époque des premiers arrivants. On peut aussi imaginer une épidémie qui a décimé une partie de la population lorsqu’on voit de nombreuses pierres pour des défunts de tout âge morts la même année. La vie d’un milieu est condensée au cimetière: les joies et les peines, les épreuves et les calamités.

J’aime aussi les phrases que des familles choisissen­t de faire graver dans la pierre. Il y a les phrases qui consolent: «Regardez la vie que je commence, non celle que je finis» ou «J’ai rejoint ceux que j’aimais et j’attends ceux que j’aime». Il y a aussi ces maximes inspirante­s: «Le mystère de nos vies est entre les mains de Dieu», «La vie est belle», «L’essentiel est invisible pour les yeux; on ne voit bien qu’avec le coeur».

Chaque fois, je me demande ce qui a motivé la famille à choisir cette phrase. Je cherche à unir la phrase avec la personne. Lorsqu’il n’y a pas de phrase, il y a parfois un dessin ou une photo gravée dans la pierre. Je fais des liens entre la personne décédée et l’arbre, la croix, la carte de BINGO, le sigle des Chevaliers de Colomb, le drapeau acadien, etc.

DÉFIS DES CIMETIÈRES

C’est beau un cimetière! En novembre, leur beauté est égale: il n’y a pas plus de pissenlits dans celui-ci ou plus d’ombre dans celui-là. Mais l’été, certains cimetières se distinguen­t à cause de leur entretien impeccable, ou le contraire.

Comme curé, il m’arrive souvent d’être le destinatai­re de reproches et de critiques (souvent fondés) sur l’entretien des cimetières. Entretenir un cimetière est une tâche exigeante et onéreuse. Peu de paroisses peuvent encore compter sur un bedeau ou des bénévoles pour voir à la tonte du gazon. Les frais (souvent minimes) qui sont demandés pour l’achat d’une concession et pour l’entretien ne suffisent pas. Pourtant, tous veulent un cimetière bien entretenu. Je suis de ceux-là.

La paroisse religieuse et ses pratiquant­s ne peuvent plus être les uniques responsabl­es de l’entretien du cimetière. À chacun de voir ce qu’il peut faire dans son milieu. Parce qu’il y a un peu de chacun dans le cimetière de notre paroisse.

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Prié au Calvaire du cimetière. En ce lieu, la prière jaillit spontanéme­nt. Sans effort, les mots hérités de la Tradition arrivent jusqu’aux lèvres qui murmurent: «Je vous salue Marie», «Notre Père», «Gloire au Père».

Refait dans ma tête une excursion en vélo sur les îles Lamèque et Miscou. La mise en valeur des cimetières par le groupe Deux îles, mille trésors est remarquabl­e. On peut découvrir à l’entrée des cimetières historique­s, ou près de certaines pierres tombales, des explicatio­ns intéressan­tes: les grands naufrages à Lamèque, la première mission catholique au N.-B., la présence protestant­e à Miscou, etc. En espérant que cette initiative traverse les ponts.

Présidé les funéraille­s d’un responsabl­e du cimetière de Nicholas-Denys. Pour ce vaillant bénévole, le cimetière était le prolongeme­nt de son jardin. Le messsage de Jésus est vrai des deux côtés de la clôture: si le grain jeté en terre ne meurt pas, il ne peut porter du fruit.

Discuté avec des membres des conseils de gestion sur l’entretien des cimetières de notre unité. La diminution des bénévoles, conjuguée avec la diversité des pratiques funéraires nous place devant de nouveaux défis à relever. Le respect à l’égard des défunts et du lieu où ils reposent est révélateur du respect que nous accordons à la vie.

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– Photo Serge Comeau La cimetière de Sheila.
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