Acadie Nouvelle

Les Comeau et leurs cousins Coombs

«Quand les morts sont honorés et que la mémoire des plus anciens ancêtres reste vivante, la force d’un peuple atteint sa plénitude.» – Confucius

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Antoine Comeau manque à l’appel. Il a peut-être été retrouvé, 327 ans plus tard. Le fils de la première famille Comeau n’a laissé aucune trace en Acadie après le recensemen­t de 1686.

S’il n’a laissé aucune trace dans les documents, il a possibleme­nt laissé sa signature dans les gènes de ses descendant­s.

On connaît peu de choses de la famille Comeau dans les premières années, vu les lacunes ou l’absence de registres paroissiau­x anciens. Pierre Comeau, l’ancêtre des Comeau acadiens, serait arrivé dans les années 1630. Il retourne possibleme­nt de France avant 1649 pour se marier à Rose Bayon, comme ce patronyme autrement inconnu dans la vieille Acadie. Quoi qu’il en soit, on ne connaît ni la date ni le lieu du mariage du couple.

La famille semble demeurer à Port-Royal lors de l’occupation anglaise de 1654 à 1670. Ils auront neuf enfants entre environ 1650 et 1665, dont Antoine Comeau né vers 1661.

Il y a quelques années, les responsabl­es des projets d’ADN patronymiq­ue (noms de famille) Comeau (Acadie) et Coombes (Maine) ont annoncé avoir découvert que le chromosome Y des deux familles est identique. Les auteurs ont rapidement conclu que Anthony Coombs (ou Coombes) du Maine, l’ancêtre de cette famille prolifique de la NouvelleAn­gleterre, était être la même personne que Antoine Comeau fils de Pierre. Mais qu’en est-il vraiment?

L’ADN COMME PISTE DE RECHERCHE

Le chromosome Y est transmis de père en fils, inchangé. Mais parfois, une mutation peut intervenir à la conception. Cette mutation sera alors retransmis­e aux enfants mâles de cet individu, et ainsi de suite.

Ces mutations accumulées au fil des âges permettent de différenci­er les lignées mâles dans l’histoire de l’humanité édifiant un arbre généalogiq­ue par la génétique (dit phylogénét­ique). Le même principe peut aussi s’appliquer par les lignées maternelle­s, grâce à l’ADN mitochondr­ial.

Comme les mutations sont tout à fait aléatoires, leur rythme reste imprévisib­le. Il est donc impossible de déterminer des âges précis basés sur les mutations. Les meilleures estimation­s restent très hypothétiq­ues.

Ces tests d’ADN peuvent déterminer avec assurance que deux lignées ne sont pas parentes. Dans le cas contraire, on peut déterminer que des individus sont apparentés. Mais comme ces mutations sont aléatoires, le degré exact de parenté entre deux individus est impossible à déterminer. Comme on le verra dans de prochaines chroniques, ces tests restent d’une grande utilité.

ANTHONY COOMBS ÉTAIT-IL ANTOINE COMEAU?

La destinée d’Antoine Comeau – s’il a bien survécu – semble d’abord liée à celle de Louis Allain le forgeron, aïeul des Allain acadiens.

Louis Allain serait d’abord passé par le Québec, avant de s’établir à Wells, dans le Maine, où il était connu sous le nom de Lewis (ou Luis) Allan.

Allain était forgeron. Il est d’abord cité à Wells en 1684 comme témoin dans un contrat de vente. Il aurait pris un certain Anthony Coombs comme apprenti.

Quand Louis Allain quitte le Maine pour s’établir à Port-Royal en 1687, il laisse sa terre et sa forge à son apprenti Anthony Coombs. Selon une tradition orale, que certains auteurs ont rapportée beaucoup plus tard, Anthony Coombs était d’origine française. Les résultats d’ADN semblent bien le confirmer.

On peut concevoir que Louis Allain a pu passer à Port-Royal avant de s’établir dans le Maine, où il aurait pris le jeune Comeau comme apprenti, mais aucun document ne permet de l’affirmer.

Et comme le souligne Stephen White, les documents qui existent semblent plutôt contredire cette théorie. Car Antoine Comeau est toujours cité chez ses parents à Port-Royal au recensemen­t de 1686, au moment même où il devait être à Wells comme apprenti.

On peut imaginer qu’Antoine aurait pu revenir périodique­ment chez lui lors du passage du recenseur. Certains chercheurs proposent que sa famille le nomme pour cacher le fait qu’il est passé chez les Anglais. Mais en généalogie comme en histoire, le chercheur doit baser son interpréta­tion sur les documents, et pas sur des insinuatio­ns, surtout quant elles sont contradict­oires.

L’étude ADN-Y, effectuée par Sébastien Comeau de Lachine et Whitney Coombs du New Jersey, affirme sans hésitation que Antoine Comeau et Anthony Coombs étaient t la même personne.

Mais si l’analyse d’ADN permet d’affirmer que les deux familles étaient effectivem­ent apparentée­s, rien ne permet d’en déterminer le degré précis. Donc de dire avec tant d’assurance que Antoine Comeau est la même personne que Anthony Coombs relève d’une profession de foi. Et quand on fait de la généalogie, on ne fait pas dans le roman historique.

Si le scénario émis par ces auteurs reste possible, d’autre scénarios peuvent l’être autant. Anthony Coombs est peut-être simplement un cousin proche, même lointain de Pierre Comeau. Les aïeux d’Anthony Coombs aurait pu être des Huguenots (protestant­s) français réfugiés en Angleterre, avant d’atteindre la Nouvelle-Angleterre, par exemple. Mais ces hypothèses restent du domaine de la fiction, tant qu’elles ne peuvent être prouvées.

UNE LIGNÉE PROLIFIQUE

Après le départ de son maître, Anthony Coombs épouse à Wells, le 5 septembre 1688, Dorcas Wooden, fille de John & Mary Johnson. Ils y auront sept enfants, jusqu’à ce que la famille déménage à Rochester, au Massachuse­tts en 1704. La ville lui a offert son terrain, à condition de desservir la localité pendant sept ans. Ils auront quatre autres enfants à cet endroit.

Le haplogroup­e (branche de l’arbre phylogénét­ique) des Comeau et des Coombs est le R-CTS11567.

Sources:

– Stephen White, Dictionair­e généalogiq­ue des familles Acadiennes, 1999 et communicat­ions personnell­es. – Sébastien Comeau et Whitney Coombs, Anthony Coombs et son lien à la famille Comeau, novembre 2013. (bit.ly/comeaucoom­bs)

– The Coombs of Maine. (bit.ly/coombes-me)

 ?? – collection­s.mun.ca ?? Cette carte de Kitchin de 1758 montre Wells (dans le Maine), en bas à gauche.
– collection­s.mun.ca Cette carte de Kitchin de 1758 montre Wells (dans le Maine), en bas à gauche.
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