Le gouvernement invité à acheter une terre valant des centaines de millions de dollars
La mise en vente possible d’une immense propriété forestière située dans le nord de la province inquiète au plus haut point élus et industriels.
La compagnie américaine Acadian Timber, qui possède une propriété (privée) de plusieurs acres dans la province, songerait en effet à se départir de celle-ci. Le terrain en question est immense, soit 761 000 acres (308 000 hectares).
Grâce à des ententes avec Acadian Timber, plusieurs compagnies néobrunswickoises – dont Groupe Savoie, AV Group et Twin River – utilisent du bois provenant de cette parcelle de terre. La possibilité de voir ces lots boisés passer à d’autres intérêts inquiète ainsi les industriels puisque cela pourrait compromettre leur accès à cet approvisionnement.
Dans une missive envoyée il y a quelques semaines au premier ministre Gallant et rendue publique mardi par la CSR-Restigouche, le président et chef des opérations de Groupe Savoie, Alain Bossé, invitait le gouvernement à considérer sérieusement l’achat de ce terrain.
Selon ce qu’on peut y lire, une telle acquisition pourrait avoir de nombreux effets positifs, à commencer par sécuriser les emplois existants et garantir un approvisionnement stable pour les compagnies oeuvrant, entre autres, dans le secteur des feuillus.
«La possibilité d’achat d’un terrain de cette envergure est une opportunité unique et ne se présentera pas à nouveau», écrit M. Bossé.
«Cela pourrait répondre au manque à gagner de la possibilité de coupe de feuillus qui diminuera de 15% à la fin du présent plan d’aménagement en 2022 et qui se reflétera par des pertes d’emplois inévitables», poursuit-il.
L’achat de ce terrain, dont le montant pourrait facilement atteindre quelques centaines de millions de dollars, ne serait selon lui aucunement une perte financière pour la province. Mieux encore, il est persuadé que cela générerait des retombées économiques.
«Ça représenterait un message très positif que le gouvernement du Nouveau-Brunswick prend les choses en main pour le bien de ses citoyens et qu’il a une vision à long terme du développement de sa province», ajoute-t-il.
Il n’y a toutefois pas que les industriels qui sont inquiets face à cette situation. Lors de la dernière réunion mensuelle de la Commission de services régionaux, le président de celle-ci, Jean-Paul Savoie, s’est dit préoccupé.
«Si une autre compagnie achète ce terrain, c’est certain qu’elle va se servir avant d’en vendre à d’autres. Ça pourrait donc faire très mal à nos entreprises du Restigouche et d’ailleurs dans la province qui achètent du bois d’Acadian Timber. Donc on parle de beaucoup d’impacts négatifs pour l’industrie forestière du N.-B.», a soutenu le président de la CSR-Restigouche, Jean-Paul Savoie.
Il est aussi favorable à un achat du terrain par la province. Pour lui, un tel geste donnerait beaucoup plus de latitude au gouvernement dans sa gestion des terres publiques tant au niveau de l’approvision- nement en bois qu’à celui des aires naturelles protégées.
Une motion d’appui à l’achat du terrain par le gouvernement a d’ailleurs été entérinée à l’unanimité par les élus de la commission. Chacune des municipalités du territoire a également été sollicitée pour faire de même sur une base individuelle.
Ce ne serait pas la première fois que le gouvernement intervient et procède à l’achat de terres privées. En 1999, il avait acquis 390 000 acres appartenant à la Georgia Pacific, ce qui a notamment permis de maintenir en fonction l’usine de pâte de Nackawic.
Nommé dans la lettre de M. Bossé, le ministre de l’Énergie et des Mines, Donald Arseneault, soutient que le dossier n’a pas encore été discuté formellement au cabinet. «C’est tout récent. Cela dit, ce n’est vraiment pas tous les jours qu’un aussi gros montant de terre se libère dans la province. En raison de cette ampleur, je crois qu’on n’aura d’autres choix que d’en parler», indique-t-il.
Bien qu’il ne veuille pas trop s’avancer sur le sujet, le ministre note que le gouvernement devra étudier ce dossier en profondeur avant de prendre une décision.
«On parle de beaucoup d’argent alors que nous tentons d’atteindre un équilibre budgétaire. Il faudra analyser la situation très sérieusement», note-t-il.