La politique des hommes
La Journée internationale de la femme, qui a eu lieu mardi, a été une bonne occasion de nous rappeler que le Nouveau-Brunswick, sans être un enfer sexiste, n’est pas exactement le paradis de l’égalité des sexes.
Des statistiques dévoilées depuis le début de la semaine ont rappelé que les femmes sont encore victimes de discrimination dans la province. C’est bien sûr plus subtil qu’il y a un demi-siècle. Elles ont accès au marché du travail, peuvent étudier dans le domaine qui leur convient, etc. La liste des gains réalisés au cours des dernières décennies est trop longue pour être résumée dans un seul éditorial.
L’égalité est cependant bien loin d’être atteinte. L’écart salarial entre les travailleurs de sexe masculin est passé en 10 ans de 14,3% à 11,2%. Une amélioration, certes, mais aussi un rappel que les emplois occupés majoritairement par des hommes sont encore mieux rémunérés que ceux qui sont surtout occupés par les femmes, et ce, malgré l’adoption d’une loi sur l’équité salariale en 2009.
Si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est qu’on ne peut laisser le monde des affaires corriger de lui-même les iniquités. Il a besoin d’être poussé dans le dos par le gouvernement. Sinon, rien ne change.
Le problème, c’est que les gouvernements eux-mêmes, malgré les belles paroles, n’ont pas un bilan exceptionnel en la matière. Au contraire.
Prenons en exemple le premier ministre Brian Gallant. Lors de la campagne électorale de 2014, il s’est engagé à ce que chaque décision prise par son gouvernement comprenne une analyse obligatoire des conséquences sur les femmes.
On le sait, des choix budgétaires, même s’ils s’appliquent théoriquement à tous, punissent certains groupes de personnes.
L’exemple classique est celui d’un gouvernement qui réduit le financement aux garderies, mais qui augmente celui réservé aux travaux routiers. Théoriquement, le nombre d’emplois perdus d’une part et créés de l’autre peut très bien s’égaliser. Mais dans les faits, tout le monde sait très bien que les femmes seraient désavantagées par ce choix budgétaire.
Le budget 2015-2016 du ministre des Finances, Roger Melanson, a d’ailleurs été qualifié de «plus dur pour les femmes que pour n’importe qui d’autre» (dixit le chef du Parti vert, David Coon). Il comprenait de mauvaises nouvelles pour les propriétaires de garderie (à 97% des femmes!), pour les travailleurs en cuisine et à l’entre- tien ménager des hôpitaux et pour les employés du domaine de l’éducation.
Interrogé à savoir si la décision d’exclure les propriétaires de garderie à but lucratif du programme de subvention salariale avait été prise à la suite de l’analyse obligatoire des conséquences promise pendant la campagne, le premier ministre avait répondu que «toutes les décisions» sont prises de cette manière.
Difficile à croire quand on sait qu’en mai 2015, à la suite du tollé provoqué par l’impact des restrictions budgétaires sur les domaines d’activités typiquement féminins, Brian Gallant a confirmé que des fonctionnaires étaient enfin en train d’être formés sur la façon de faire l’analyse selon les genres.
Nous verrons ce que cela donnera à la longue.
Le combat risque toutefois d’être de longue haleine, ne serait-ce qu’en raison de la quasi-absence des femmes dans les cercles de pouvoir. Ce n’est pas un secret pour personne, la politique est un monde d’hommes au Nouveau-Brunswick.
Seulement 16% des députés de l’Assemblée législative sont de sexe féminin. Il s’agit du plus faible pourcentage parmi toutes les provinces (seuls les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut font pire).
Cela se répercute évidemment au conseil des ministres. Celui de Brian Gallant ne comprend que deux femmes: Francine Landry (Éducation postsecondaire, Formation et Travail) et Cathy Rogers (Développement social). Les politiciens les plus influents, ceux qui occupent les ministères les plus prestigieux, sont tous des hommes. Au Cabinet du premier ministre, on note que la garde rapprochée de Brian Gallant est très majoritairement masculine.
Cela ne signifie pas que les enjeux féminins sont oubliés. M. Gallant a envoyé un message fort sur l’importance qu’il accorde à ces questions en s’appropriant le portefeuille de l’Égalité des femmes. Il a doublé le budget accordé au forum de concertation La voix des femmes du N.-B. Il a aussi brisé des barrières qui limitaient de façon arbitraire et injustifiée l’accès à l’avortement. Et c’est sans compter l’analyse des conséquences selon les genres qui, si elle s’avère être autre chose qu’une opération de relations publiques, pourrait mener à de réelles améliorations.
Les gouvernements ont un grand rôle à jouer pour aider les femmes à atteindre l’égalité réelle. Malheureusement, il faudra encore de nombreuses Journées internationales de la femme avant que l’on puisse, en tant que société, crier victoire.