Acadie Nouvelle

La chanteuse inuite Susan Aglukark presse d’agir face aux agressions sexuelles

Certaines nuits, la réputée chanteuse inuite Susan Aglukark se réveille toujours en sueur, 42 ans après avoir été victime d’agressions sexuelles.

- Kirsty Kirkup

Alors qu’elle était âgée de 8 ans, celle qui vivait dans la communauté isolée de Rankin Inlet, au Nunavut, a notamment été contrainte de se faire photograph­ier nue.

Elle dit être aujourd’hui remise à 80% du traumatism­e qu’elle a vécu.

L’artiste âgée de 50 ans estime qu’elle est loin d’être la seule à avoir enduré ce genre de sévices parmi les membres des peuples autochtone­s canadiens.

Dans une entrevue accordée à La Presse canadienne, elle a fait valoir que les agressions sexuelles sont à la source de la vague de suicides ayant emporté plusieurs jeunes autochtone­s dernièreme­nt, notamment dans les Premières Nations d’Attawapisk­at et de Wapekeka, dans le nord de l’Ontario.

Ce «cercle vicieux» qui a cours découle de l’époque des pensionnat­s autochtone­s, croit Mme Aglukark, ajoutant que l’homme qui s’en est pris à elle avait lui-même été victime d’abus dans un de ces controvers­és établissem­ents.

L’agresseur - dont elle refuse de révéler l’identité - a été reconnu coupable en 1990 au terme d’une poursuite intentée par Mme Aglukark et un groupe de victimes.

Ce ne sont toutefois pas toutes les personnes subissant des agressions sexuelles qui dénoncent en justice leurs agresseurs. Des victimes présumées qui se sont entretenue­s avec La Presse canadienne - à l’occasion d’une série de reportages sur le problème des agressions sexuelles - ont dit craindre de dénoncer leurs agresseurs par peur d’isolation et de représaill­es.

Mme Aglukark se rappelle s’être sentie peu en confiance lorsqu’elle a dû raconter aux policiers ce dont elle a été victime. La chanteuse a été à peine soulagée quand son agresseur a été reconnu coupable,

«Il s’agissait probableme­nt du plus grand traumatism­e pour moi, de devoir m’asseoir là avec cette émotion de peur dans ma tête et dans mon coeur et de décrire cet incident à cet homme complèteme­nt étrange que je ne connaissai­s pas», a-t-elle relaté, ajoutant que cette étape qu’elle a dû traverser l’a effrayée davantage que celle de devoir témoigner devant un tribunal.

a-t-elle confié, ajoutant s’être sentie humiliée. «La communauté entière sait que cette chose a été faite à ton égard.»

Son chemin vers la guérison, l’artiste l’a surtout parcouru par la musique et tout particuliè­rement avec son album «Arctic Rose», paru en 1992.

L’opus a été grandement acclamé et chaque soir de représenta­tion s’est transformé en une forme de thérapie pour Mme Aglukark, a-t-elle souligné, alors qu’elle chantait sur scène au sujet de son traumatism­e et qu’elle entendait les histoires d’autres victimes après ses concerts.

C’est d’ailleurs ce qui lui a permis de poursuivre sa voie malgré les moments difficiles, a ajouté l’artiste, évoquant une journée d’octobre 1998 durant laquelle elle a passé trois heures à pleurer à l’extérieur d’un studio d’enregistre­ment.

L’artiste inuite travaille présenteme­nt sur une nouvelle initiative auprès d’enfants autochtone­s, le Projet Artic Rose. Elle planche par ailleurs sur un nouvel album.

La chanteuse espère qu’un jour l’ensemble des Autochtone­s victimes d’agressions sexuelles - y compris ceux qui sont devenus des agresseurs - auront le courage de prendre part à un processus de guérison qui suit son chemin.

«Le plus longtemps nous attendons, le plus de suicides surviendro­nt. Le cycle des agressions ne changera pas si nous n’agissons pas maintenant», a-t-elle conclu.

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La chanteuse Susan Aglukark est une victime d’agression sexuelle. Elle se réveille encore la nuit en sueur en y pensant. - Archives

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