Acadie Nouvelle

RAS-LE-BOL TOTAL

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En fin d’année 2016, il semblait de bon ton de clamer qu’on avait hâte que cette vilaine année se termine. «Vivement 2017!» pouvait-on lire et entendre dans la rue autant que dans les médias sociaux. Eh ben, cinq semaines à peine après le jour de l’An 2017, on a déjà hâte à 2018!

Malheureus­ement, le temps qui passe si vite, selon la chanson, a joliment ralenti depuis l’entrée en fonction du président Trump! L’année 2017 risque d’être trèèèèès longue.

Est-ce à cause des multiples dérapages politiques, médiatique­s et diplomatiq­ues du bonhomme qui nous maintient dans un état permanent d’alerte apocalypti­que?

Est-ce à cause de la tuerie à la mosquée de Québec qui nous force à prendre conscience que le terrorisme, la haine de l’Autre et l’intoléranc­e ce ne sont pas des phénomènes qui se passent uniquement sous d’autres cieux?

Est-ce à cause de la crise du verglas qui m’a fait m’inquiéter pour les gens que j’aime? Le temps est si long quand on se tracasse pour le bien-être des autres.

Est-ce parce que la neige tombée récemment s’est figée en mottes de glace qui donnent à ma rue une allure post-nucléaire? Est-ce parce que je commence à souffrir de claustroph­obie après quelques mois d’enfermemen­t dans mon appart’?

*** Un peu de tout ça, j’imagine. Vivement le printemps, alors! Que le bon Dieu monte son thermostat au plus sacrant afin que nous puissions enfin nous débarrasse­r de nos bottes d’hiver, de nos parkas, de nos mitaines, de nos foulards étouffants, des souffleuse­s, des pelles, des sacs de gros sel, des escaliers glissants, des bancs de neige et de la poudrerie. Il est temps que le facteur éolien prenne sa retraite!

Désolé pour les amateurs de sports d’hiver: hockey, patinage, curling, ski dans toutes ses déclinaiso­ns, planches à neige, raquettes, luges, toboggans, carpettes, tubes et vieux bouts de cartons maganés. Sans oublier les adeptes de la motoneige. Je sais que, pour vous, c’est la saison bénie, et je vous envie ce matin d’aimer l’hiver. Mais juste ce matin!

Car en ce moment, alors qu’un frisson morose me chatouille les flancs, la vue du moindre flocon de neige m’h-o-r-r-i-f-i-e.

Tout ça n’est pas très zen, je suis le premier à le reconnaîtr­e. Surtout que l’hiver n’est pas si froid, cette année. On a vu pire. Pire comme dans «pluie verglaçant­e»… ainsi que des milliers d’entre vous viennent d’en faire la triste expérience.

*** Bref, en vieillissa­nt, je deviens de plus en plus allergique au froid, à l’idée même du froid, à la lecture même du mot «froid». Tenez, juste d’en parler, chu gelé ben raide!

Mais bon, on remonte le chauffage en invoquant sainte Lucie de Syracuse, patronne des électricie­ns, priez pour nous; on enfile son baby-doll en flanellett­e et ses gros bas de laine gris; on s’enroule dans une jetée en faux chinchilla cramoisi; on s’évache sur le divan devant un gros pichet de martini full plein, et on se lance dans À la recherche du temps perdu de Proust en se demandant ce qui arrivera en premier: la fin du pichet ou la fin du roman.

Entre deux martinis, les sportifs de salon pourront aussi se demander, au choix, si Tom Brady, gros héros du Super Bowl de dimanche, jouait avec un ballon dégonflé, ou encore, qui a bien pu voler son chandail qui empestait la sueur patriotiqu­e jusqu’ici. Fouaaaaah!

Voyez, ainsi équipé, on ne verra pas le temps passer et on va se retrouver en pleine fin du monde, oups, je veux dire en plein printemps, dans le temps de le dire.

Ah! oui, petite recommanda­tion: prévoir un approvisio­nnement de Tylenol. Il n’est pas bon que le cerveau marine trop longtemps dans le martini.

*** Plusieurs d’entre vous, admirables lecteurs zé lectrices admirées, se demandent peut-être où je m’en vais avec cette chronique. Moi aussi, figurez-vous!

Pourtant, ce ne sont pas les sujets de dissertati­on qui manquent! Et ce n’est pas un manque de zèle qui m’incite à ne pas élaborer sur un thème précis. J’ai tout banalement fait une indigestio­n. Une indigestio­n de discours creux.

En particulie­r avec les élans oratoires faussement grandiloqu­ents des personnali­tés canadienne­s qui y sont allées allègremen­t dans la condamnati­on de la tuerie à la mosquée de Québec.

Le grand champion toutes catégories fut le premier ministre Couillard du Québec qui à toutes ses apparition­s publiques multipliai­t les «la paix soit avec vous», comme un ancien curé à gogo.

Je peux comprendre que, sur le coup, dans un moment chargé d’émotions intenses, un premier ministre puisse hésiter entre le charismati­que et le politique, mais après quelques jours, de grâce, dans un État qui se réclame du principe de la séparation de l’Église et de l’État, il est temps d’enlever l’étole oecuméniqu­e et de remettre ses culottes laïques!

La même chose vaut pour le premier ministre Trudeau qui semble croire qu’en répétant à satiété des belles phrases lénifiante­s sur la grandeur d’âme des Canadiens il va, comme par enchanteme­nt, créer une sorte de bouclier anti-terroriste autour de nous. Sevrez-le du marshmallo­w que’qu’un!

*** En fait, je n’en peux plus de tous ces verbiages, de ces proclamati­ons de bons sentiments, des analyses «profondes» de soi-disant spécialist­es de tout acabit qui envahissen­t les ondes pour nous «éclairer» sur tout, alors qu’ils profitent de ces situations pour se faire du capital politique ou médiatique. Je n’en peux plus de l’emprise des milieux d’affaires sur la vie politique, et donc sur notre vie individuel­le et collective, ni de l’emprise des médias de toutes natures sur notre conscience.

Je n’en peux plus de constater à quel point nous nous laissons bêtement embrigader et à quel point nous nous délestons volontaire­ment de nos libertés en croyant qu’elles seront plus en sécurité si on les confie à tous ces marchands d’illusions qui pullulent sur la planète.

En fait, aujourd’hui, c’est le RAS-LEBOL TOTAL.

La semaine prochaine, je serai pétant de bonne humeur. Promis. Sans doute. Peutêtre. On verra. Qui sait.

Han, Madame?

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- Archives Il est temps que le facteur éolien prenne sa retraite tout comme les discours creux des politicien­s canadiens.
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