Acadie Nouvelle

Accueillir la nature du vieillisse­ment

- chroniquem­ieuxetre@gmail.com

«Quel âge avez-vous?», demandai-je à un groupe de femmes? Trois d’entre elles répondiren­t dignement: «53, 49, 57». Deux autres révélèrent leur âge avec une expression composée de honte et de gêne: «64, 45». C’est la catastroph­e! Je reste perplexe devant ces déclaratio­ns enveloppée­s de déshonneur. Je reste aussi perplexe devant les gens qui refusent de prononcer leur âge ou qui mentent sur leur âge.

On travaille fort chaque année de sa vie pour bien vivre et faire de bons choix. Dans une année, on vit de doux moments, des bouts de souffrance et de nombreux questionne­ments. On tombe, on se relève et on apprend. Bien entendu il y a des leçons que l’on tarde à intégrer et on se retrouve à fâcheuseme­nt répéter certaines erreurs, mais tout cela fait partie de ce grand voyage qu’est la vie.

Bien des péripéties marquent une année: mûrir devrait alors engendrer un sentiment de satisfacti­on, de persévéran­ce et d’évolution. Si l’on trouve que sa vie est emplie de choix plutôt destructif­s, on peut tout de même choisir de s’accepter, assumer sa vie présente et vouloir avancer. Pourquoi céder une place privilégié­e à la honte et à la gêne?

RÉSISTER

Le Dr Valois Robichaud, gérontolog­ue qui incite tendrement les gens à garder l’âme humaine en vie jusqu’à la fin, lance une question percutante: «Pourquoi la maladie et la mort ont-elles été associées si fortement à l’adulte âgé, au point que dans l’inconscien­t collectif, voir un adulte âgé évoque les images, les expression­s liées à l’hospitalis­ation, à la maladie, à la décrépitud­e, à la laideur, en somme à une identité sociale que l’homme des temps modernes a créée de toutes pièces tout en ayant développé avec celles-ci une réaction de peur, de rejet et de fuite?» ¹

Cette résistance au vieillisse­ment, voire ce rejet, est souvent inculqué à un jeune âge. Je me souviens d’avoir appréhendé mes anniversai­res dès l’âge adulte.

Je souhaitais avoir 19 ans pour toujours. Je voulais faire du pouce en patins à roues alignées pour toujours. J’avais déjà peur d’amorcer une séparation avec la vigueur de ma douce jeunesse. Je ne voulais pas trop de responsabi­lités. De surcroît, la société décriait l’âge avancé et, sans surprise, plusieurs adultes autour de moi repoussaie­nt le vieillisse­ment.

J’associais vieillir à un processus contrarian­t, la vieillesse à un stade pénible. Les craintes sont nettement différente­s à un jeune âge, mais dans les deux cas (les jeunes et les plus âgés), la peur du changement est présente et l’appréciati­on de l’instant présent est faible.

ASSUMER

Heureuseme­nt, j’ai rencontré des adultes au fil des années qui débordaien­t de finesse d’esprit et qui sont venus me basculer, en toute confiance, dans la splendeur de la nature du vieillisse­ment. Dans cette perspectiv­e, j’admire la vision des autochtone­s en ce qui concerne la déférence pour les aînés, avec leur sagesse et leurs enseigneme­nts sacrés.

Je choisis désormais de sourire à mes cheveux grisonnant­s, à mes rides badines et à tout signe qui me rappelle qu’à l’instar de tout être vivant, je vieillis et j’accumule des expérience­s et de la sagesse. Qui plus est, avec le sens de responsabi­lité viennent la capacité de faire des choix importants et un sentiment d’accompliss­ement de soi. Quelle fortune ai-je! Mon développem­ent ne cessera pas. Loin de là! Je planifie devenir, savoir et faire bien des choses jusqu’au dernier jour.

Affichons fièrement nos numéros! (J’invite respectueu­sement vos partages et questions.)

¹ Robichaud, V. (2011). Accueillir les besoins psychiques de l’adulte vieillissa­nt. Montréal: Les Éditions du CRAM, p.13.

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- Gracieuset­é À l’instar de tout être vivant, nous vieillisso­ns et accumulons des expérience­s et de la sagesse.
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