Accueillir la nature du vieillissement
«Quel âge avez-vous?», demandai-je à un groupe de femmes? Trois d’entre elles répondirent dignement: «53, 49, 57». Deux autres révélèrent leur âge avec une expression composée de honte et de gêne: «64, 45». C’est la catastrophe! Je reste perplexe devant ces déclarations enveloppées de déshonneur. Je reste aussi perplexe devant les gens qui refusent de prononcer leur âge ou qui mentent sur leur âge.
On travaille fort chaque année de sa vie pour bien vivre et faire de bons choix. Dans une année, on vit de doux moments, des bouts de souffrance et de nombreux questionnements. On tombe, on se relève et on apprend. Bien entendu il y a des leçons que l’on tarde à intégrer et on se retrouve à fâcheusement répéter certaines erreurs, mais tout cela fait partie de ce grand voyage qu’est la vie.
Bien des péripéties marquent une année: mûrir devrait alors engendrer un sentiment de satisfaction, de persévérance et d’évolution. Si l’on trouve que sa vie est emplie de choix plutôt destructifs, on peut tout de même choisir de s’accepter, assumer sa vie présente et vouloir avancer. Pourquoi céder une place privilégiée à la honte et à la gêne?
RÉSISTER
Le Dr Valois Robichaud, gérontologue qui incite tendrement les gens à garder l’âme humaine en vie jusqu’à la fin, lance une question percutante: «Pourquoi la maladie et la mort ont-elles été associées si fortement à l’adulte âgé, au point que dans l’inconscient collectif, voir un adulte âgé évoque les images, les expressions liées à l’hospitalisation, à la maladie, à la décrépitude, à la laideur, en somme à une identité sociale que l’homme des temps modernes a créée de toutes pièces tout en ayant développé avec celles-ci une réaction de peur, de rejet et de fuite?» ¹
Cette résistance au vieillissement, voire ce rejet, est souvent inculqué à un jeune âge. Je me souviens d’avoir appréhendé mes anniversaires dès l’âge adulte.
Je souhaitais avoir 19 ans pour toujours. Je voulais faire du pouce en patins à roues alignées pour toujours. J’avais déjà peur d’amorcer une séparation avec la vigueur de ma douce jeunesse. Je ne voulais pas trop de responsabilités. De surcroît, la société décriait l’âge avancé et, sans surprise, plusieurs adultes autour de moi repoussaient le vieillissement.
J’associais vieillir à un processus contrariant, la vieillesse à un stade pénible. Les craintes sont nettement différentes à un jeune âge, mais dans les deux cas (les jeunes et les plus âgés), la peur du changement est présente et l’appréciation de l’instant présent est faible.
ASSUMER
Heureusement, j’ai rencontré des adultes au fil des années qui débordaient de finesse d’esprit et qui sont venus me basculer, en toute confiance, dans la splendeur de la nature du vieillissement. Dans cette perspective, j’admire la vision des autochtones en ce qui concerne la déférence pour les aînés, avec leur sagesse et leurs enseignements sacrés.
Je choisis désormais de sourire à mes cheveux grisonnants, à mes rides badines et à tout signe qui me rappelle qu’à l’instar de tout être vivant, je vieillis et j’accumule des expériences et de la sagesse. Qui plus est, avec le sens de responsabilité viennent la capacité de faire des choix importants et un sentiment d’accomplissement de soi. Quelle fortune ai-je! Mon développement ne cessera pas. Loin de là! Je planifie devenir, savoir et faire bien des choses jusqu’au dernier jour.
Affichons fièrement nos numéros! (J’invite respectueusement vos partages et questions.)
¹ Robichaud, V. (2011). Accueillir les besoins psychiques de l’adulte vieillissant. Montréal: Les Éditions du CRAM, p.13.