Acadie Nouvelle

LES HUMORISTES SUR LE FRONT LINGUISTIQ­UE

- en.lavenir.je.crois@gmail.com

Est-ce que c’est possible qu’on se prenne trop au sérieux? Ou fautil plutôt sérieuseme­nt rire de nous-mêmes?

Un des obstacles auxquels j’ai souvent fait face lorsque je travaillai­s avec des jeunes vivant en francophon­ie minoritair­e, c’est qu’ils associaien­t l’humour et le rire aux portions anglophone­s de leurs existence. Si j’ai été marquée par bien des conversati­ons que j’ai eues avec eux, peu de choses m’ont paru aussi tristes que de les entendre dire qu’ils «sont juste drôles en anglais». Ils n’avaient pas appris à rire en français.

Je ne m’attendais pas à revoir cette bête-là sur la scène du Capitol lors du premier spectacle à thématique «bilingue» du festival Hubcap, mais voilà que Julien Dionne, humoriste de Scoudouc ayant eu du succès avec des spectacles en anglais, nous dit que c’était la première fois qu’il faisait son «set» en français.

J’ai alors aperçu durant une seconde le fantôme de cette vieille peur, qu’il a bien sûr réussi à apprivoise­r en blaguant sur cette angoisse linguistiq­ue, afin qu’on puisse tous rire ensemble de ce sentiment qui nous hante.

C’est ça que je préfère de l’humour comme discipline artistique: il constitue une arme très puissante pour s’attaquer aux problèmes de notre société. Des problèmes qui semblent souvent trop inconforta­bles ou douloureux pour être confrontés directemen­t.

Et rien de tel pour réduire la taille de l’ennemi que de s’en moquer collective­ment. Il est donc temps d’investir dans cette arme de destructio­n massive qu’est l’humour.

Les subvention­s artistique­s excluent souvent l’humour qui, dans sa forme première, me semble pourtant être très près d’un monologue théâtral interactif. Puisque c’est plutôt dans des bars que notre humour se développe, il s’adapte à son environnem­ent pour devenir plus vulgaire et souvent trop phallocent­rique. «Faut en vendre pareil, de la bière.»

En investissa­nt dans cette discipline, on permet à ses artistes de la pousser beaucoup plus loin. C’est une forme d’art facilement accessible au public et qui, en étant un art oratoire, surmonte la barrière de l’alphabétis­ation. Rien ne rapproche les gens comme de rire de quelque chose ensemble.

Plaçons les humoristes au premier rang de nos batailles linguistiq­ues. Au minimum, elles seront plus l’fun à vivre.

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