Immigration: en quoi consiste l’avantage des Maritimes?
Ce serait un euphémisme de dire que l’ambiance a changé dans le domaine de l’immigration au cours de la dernière année. Beaucoup de pays ont emprunté la voie des frontières fermées (et des murs), des interdictions de voyager, des politiques nationalistes et des tris reposant sur les valeurs. Ce n’est toutefois pas une tendance que l’on voit au Canada. Les Canadiens ont accueilli à bras ouverts les réfugiés syriens et les employeurs sont aux prises avec des pénuries de maind’oeuvre bien réelles, et ce, dans des secteurs d’activités allant de l’industrie manufacturière aux technologies de l’information.
Alors que le pays s’adapte à un contexte en pleine transformation, les Canadiens doivent garder à l’esprit que l’attraction d’employés talentueux provenant des quatre coins du monde est un outil de promotion de l’innovation et de la croissance.
Il ne faut pas non plus oublier le fait que les Canadiens et nos communautés s’enrichissent et apprennent au fil des interactions avec des gens de cultures et d’origines différentes. Cela exigera de chacun d’entre nous que nous sortions de notre zone de confort, mais les avantages le justifient pleinement.
Richard Florida, de l’Université de Toronto, a mentionné dans un article écrit pour CityLab et publié le 31 janvier que l’avantage dont jouit l’Amérique en matière d’innovation (en haute technologie et en science) repose sur sa capacité d’attirer des immigrants talentueux et éduqués provenant de partout au monde. Cette capacité est maintenant en péril.
Dans un article paru le 1er février dans le Huffington Post, Sarah Rieger a levé le voile sur le fait que les travailleurs américains du secteur des technologies se tournent de plus en plus vers le Canada et que des employés de Google oeuvrant dans la Silicon Valley, en Californie, pourraient bien faire immigrer leur emploi au Canada avec eux.
Même avant les récents événements, le Nouveau-Brunswick jouissait d’avantages uniques susceptibles de plaire aux nouveaux arrivants: des universités de grande qualité qui agissent comme des aimants en attirant des étudiants étrangers et en leur permettant de mettre le pied dans notre province. De plus, le secteur des technologies est de plus en plus présent dans les trois grandes villes du Nouveau-Brunswick et, en novembre 2016, Startup Canada a nommé Fredericton Communauté Startup de l’année.
L’éducation postsecondaire, la technologie de l’information et les énergies vertes sont autant de secteurs qui ont besoin d’une main-d’oeuvre éduquée et talentueuse pour prospérer. La capacité de notre province d’attirer des immigrants est importante à ce chapitre. La présence de villes offrant un milieu de vie agréable, c’est-àdire un large éventail de possibilités de logement et de transport, des quartiers adaptés aux piétons, des festivals et des activités récréatives, sont des avantages quand on veut attirer des employés talentueux d’ailleurs au pays ou d’outre-mer. Nos villes de taille humaine proposent des temps de déplacement raisonnables et un marché immobilier abordable tout en étant à proximité de zones rurales et de la nature.
Aux États-Unis, des endroits comme le Vermont et le Colorado ont exercé un fort pouvoir d’attraction sur les jeunes professionnels souhaitant être près de la nature et d’endroits propices aux activités de plein air. Des villes de taille moyenne comme Austin, au Texas, et Portland, en Oregon, ont profité de la présence d’employés talentueux issus de l’immigration. Les mégapoles ne sont pas pour tout le monde.
Nous devons reconnaître les avantages uniques et le potentiel des villes de moindre taille que l’on trouve dans notre province. Il règne dans les villes et les communautés de moindre envergure un esprit communautaire fort et on peut y accéder facilement à des gens de divers horizons, notamment des chefs de file du milieu des affaires ou du monde politique. Dans un tel environnement, le réseautage peut être simplifié, ce qui est un avantage considérable pour les entrepreneurs.
De plus, des événements qui ont eu lieu récemment témoignent de l’environnement accueillant qu’offre la province. On peut notamment penser à la campagne tenue pour recueillir des fonds pour la mosquée de Fredericton, qui a été une démonstration de solidarité entre non-musulmans et musulmans dans la foulée de l’attaque perpétrée contre la mosquée de Québec. De plus, l’accueil chaleureux que nous avons réservé aux réfugiés syriens est un autre témoignage du caractère accueillant de l’endroit où nous vivons.
Évidemment, nous devons connaître les obstacles et la discrimination avec lesquels les gens qui font partie d’un groupe ethnique ou culturel minoritaire doivent composer (y compris les obstacles cachés). Par exemple, dans les villes et communautés de moindre envergure, il peut y avoir des réseaux sociaux et familiaux établis et il est possible que les nouveaux arrivants se sentent mis à l’écart.
Au Nouveau-Brunswick, nous nous efforçons aussi d’éviter de reproduire des erreurs qui ont été commises ailleurs. Par exemple, Toronto est un modèle de diversité culturelle et une ville mondiale en émergence. De plus, une relative harmonie sociale règne à Toronto. Toutefois, la ville est accablée par de profondes inégalités existant entre les divers groupes ethniques.
Dans The Three Cities Within Toronto, son étude qui a fait date, David Hulchanski, professeur à l’Université de Toronto, met en lumière les profondes inégalités économiques et territoriales qui sévissent à Toronto.
Dans les banlieues proches que sont North York, Etobicoke et Scarborough, il existe des secteurs où on trouve de fortes concentrations d’immigrants et de membres de différentes minorités visibles et beaucoup d’entre eux vivent dans des tours érigées dans des secteurs hostiles aux piétons (c.-à-d., voies de communication avec quartiers étendus), ce qui est un facteur d’isolement.
De plus, beaucoup de ces secteurs sont mal desservis par les transports en commun, ce qui est une difficulté bien réelle pour les résidents à faible revenu et les nombreux nouveaux immigrants qui peuvent ne pas posséder de véhicule. Il faut aussi mentionner que beaucoup de ces secteurs sont des «déserts alimentaires» où on ne trouve aucune épicerie proposant des aliments frais.
La moindre taille des villes du NouveauBrunswick pourrait-elle être un avantage puisqu’elles sont moins étendues, facilitant ainsi l’inclusion et l’accessibilité? La célèbre «hospitalité des Maritimes» pourrait-elle être un avantage? Il ne faut pas non plus négliger l’évidente importance des possibilités d’emploi et de l’accès aux services essentiels, mais en présence de tous ces facteurs, est-ce que notre culture unique et notre taille humaine pourraient être des avantages décisifs?
Tout cela étant dit et en gardant à l’esprit les arguments économiques découlant de l’urbanisme des petites villes et de l’immigration, la considération qui doit primer est d’ordre moral: il faut faire preuve d’ouverture et d’hospitalité et accueillir des gens de divers horizons, et ce, en toute décence. À une époque où ces valeurs sont remises en question, il est important d’incarner les valeurs du multiculturalisme et de faire en sorte que «l’hospitalité des Maritimes» inclue les personnes qui sont différentes de nous, qui pratiquent une religion différente de la nôtre ou qui parlent une autre langue que la nôtre. C’est là une considération cruciale pour 2017.