RINO MORIN ROSSIGNOL: LA FÊTE DES AMOUREUX? FAUX!
Pis Madame? Elle vous a offert une chain-saw? Une souffleuse, une tondeuse? Des bâtons de golf? Un GPS? Bref, quelque chose d’utile pour vous occuper pendant qu’elle se tape les tâches ménagères?
Et s’est-elle acheté des dessous affriolants en dentelle écarlate avec du frison tout le tour pour vous remercier de l’aimer autant?
Oui? C’est merveilleux! Après tout, la Saint-Valentin est la fête des amoureux, n’est-ce pas?
FAUX !!
La Saint-Valentin est la fête des célibataires! La fête du monde qui cherche leur douce moitié. Oui, on ne le dira jamais assez: les célibataires sont une moitié-de-personne et ils ont une seule journée par année pour trouver la moitié manquante!
D’ailleurs, la Saint-Valentin devrait être un jour férié pour les célibataires!
Pour leur donner une chance de partir crouzer, de bon matin, sur les routes d’Acadie, valderi valdera, afin de se trouver un chum ou une blonde, de tomber en amour, et de faire des enfants, ce qui augmenterait le taux de natalité dans la province et mettrait fin au déclin démographique qu’on essaie d’endiguer en suppliant migrants et réfugiés d’ailleurs de venir vivre dans nos régions désertées par nos jeunes partis vivre sous des cieux plus cléments.
Là où il y a des jobs. Et d’autres moitiésde-personne.
*** Cela dit, j’espère que vous n’avez pas envoyé de valentin, mes snoreaux, car vous pourriez être accusé de harcèlement sexuel!
En effet, à cause des effluves délétères de l’air du temps, la société actuelle semble de plus en plus frileuse et pointilleuse sur tout ce qui touche l’expression des sentiments galants, pour parler comme autrefois.
Rares sont les semaines où un scandale à saveur graveleuse ne se hisse pas aux marquises des médias. Parfois, ce sont de vrais crimes sexuels, et c’est bien normal qu’ils soient dénoncés et que les coupables soient poursuivis avec toute la rigueur de la Justice.
Toutefois, ce ne sont plus seulement les crimes crapuleux qui font la une. On balance dans le tas toutes sortes de comportements non criminels, comme l’a démontré la saga du député québécois Gerry Sklavounos (voir page 15) accusé par une jeune femme de l’avoir agressée sexuellement.
En effet, même si le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec a décidé de ne pas le poursuivre, parce «qu’aucun acte criminel n’a été commis» (dixit le rapport), certains et certaines n’en continuent pas moins d’exiger sa tête pour tout le crouzing dont il était, apparemment, un «expert».
Il l’a lui-même implicitement reconnu, lors d’une conférence de presse où il a aussi exprimé des regrets pour son attitude et promis de faire le bon garçon à l’avenir. Mais cela n’est pas suffisant pour ses détracteurs, parce qu’il n’a pas prononcé le mot «excuse».
Alors, Monsieur, vous avez fêté la Saint-Valentin? Vous avez offert à Madame des fleurs, du chocolat, un bijou, un voyage dans le sud, un char?
Certes, je ne cherche pas à cautionner les agissements du député en question. Je suis bien conscient qu’il ne faut pas prendre à la légère le harcèlement sexuel, surtout que les femmes ne cessent de répéter qu’elles en sont doublement victimes, puisque lorsqu’elles dénoncent ces comportements, très souvent les corps policiers ou la Justice n’y donnent pas suite.
Ici même au Niou-Brunswick, de 2010 à 2014, selon une enquête du Globe and Mail publiée le 3 février dernier, la police n’a pas jugé utile de faire un suivi pour 32% des plaintes à connotation sexuelle. À SaintJean, ce taux monte à 51%!
Heureusement, les corps policiers se sont engagés à réviser ces dossiers. Est-ce que cela va changer quelque chose à la situation?
Ce qui change déjà, en revanche, c’est le haut degré de condamnation publique de tout comportement jugé trop libidineux. On n’ose plus appeler ça un péché, mais c’est bien de ça dont il s’agit: le péché de la chair.
Naturellement, aujourd’hui, le mot péché est désuet. Mais son essence maligne existe toujours, consciencieusement enrubannée d’articles du code criminel que psalmodient les bien-pensants d’une rectitude politique aussi despotique que les anciens diktats absolutistes de l’Église.
Notre société peut bien soutenir qu’elle s’est désengluée des tentacules arbitraires de l’Église, il est faux de prétendre que la religion a pris le bord. Elle n’a pas pris le bord: elle a tout simplement été remplacée par une religion laïque.
Aux évêques, curés et bonnes soeurs qui ont opté pour la discrétion ont succédé des premiers ministres, leaders communautaires, journalistes, experts et autres porteparole tonitruants de toutes sortes qui veillent au bon comportement des ouailles laïques que nous sommes devenus.
Trudeau père a eu beau dire que l’État n’avait pas d’affaire dans la chambre à coucher des citoyens, cela n’empêche qu’aujourd’hui de plus en plus de bonnes âmes n’hésitent pas à se glisser dans les bobettes de tout le monde pour contrôler la circulation, si je peux m’autoriser ici d’un euphémisme qui ne porte pas atteinte aux bonnes moeurs.
Comprenons-nous bien: je ne cautionne pas le harcèlement à caractère sexuel. J’attire simplement votre attention sur le fait que les confessions publiques infligées aux personnes qui s’en rendent coupables, et les anathèmes tout aussi publics que leur assènent moult bonnes âmes gravitant autour des micros, ressemblent comme deux gouttes d’eau aux anciennes confessions publiques imposées du temps des bûchers.
Plus l’État reconnaît des droits d’un côté, plus la morale, la nouvelle morale laïque appelée éthique, tente de les contrôler de l’autre. On veut des rapports humains parfaitement aseptisés. Bientôt, il ne sera plus permis de dire à une femme que vous la trouvez jolie. Ou à un homme que vous le trouvez séduisant. Encore moins que vous les trouvez sexy!
Je le dis, je le répète: la rectitude politique commence par régulariser et uniformiser le discours. Ensuite, elle conditionne la pensée. Puis, cette pensée uniformisée et immaculée est censée induire un comportement jugé irréprochable. Sans péché, quoi!
C’est plate à mort dans un party, mais c’est i-r-r-é-p-r-o-c-h-a-b-l-e!
Et c’est pas mal équipollent à l’ancien temps avec la religion…
Han, Madame?