Acadie Nouvelle

Les Beignes: à consommer sans modération au TPA

- Vincent.pichard@acadienouv­elle.com

Notre rencontre avec la troupe des Beignes la veille de la première nous avait mis l’eau à la bouche, la semaine dernière. Nous sommes allés déguster ce qu’il y a au menu de cette satire des temps modernes. L’auteur a trouvé la bonne recette.

Disons-le sans ambages, la nouvelle production du Théâtre populaire d’Acadie écrite et mise en scène par Matthieu Girard, Les Beignes, est une réussite.

Fruit de quatre années de travail, le créateur a pris le temps de laisser mariner ses idées. Le résultat est une savoureuse tragédie-comédie qui oscille entre rêveries et réalité.

L’histoire met en lumière les relations complexes unissant cinq personnage­s autant coincés dans leur existence que dans le Tim Hortons où, tels les fidèles consentant­s d’une secte, ils passent avec joie ou obligation le plus clair de leurs nuits.

Leur gourou? La consommati­on, un principe qui leur inspire différente­s réactions: clients habitués, Johnny (David Losier) et Rosa Van der Put (Diane Losier) s’y prélassent avec délectatio­n, Dion (Marc-André Robichaud), le meilleur ami de Johnny, se désespère de parvenir à s’y adonner, Kristelle la serveuse (Tanya Brideau) s’épuise à défaut de s’en affranchir, Mario le gérant (Sylvain Ward) entretient le système et le spectre (Joseph Mc Nally), en est l’incarnatio­n.

Une nuit comme les autres commence pour ce petit monde antinomiqu­e et complément­aire, prisonnier dans son temple de prédilecti­on, jusqu’à ce qu’un concours du plus rapide mangeur de beignes soit lancé.

Il n’en fallait pas davantage pour perturber l’ordre établi, déchaîner les passions et plonger le spectateur dans les méandres d’un univers totalement déjanté et néanmoins cohérent.

La progressio­n de la dramaturgi­e se veut lente, saupoudrée ici et là et donc inquiétant­e. L’ensemble donne des scènes riches et brillantes comme lorsque Rosa Van der Put commande une cup de thé.

En marge de cette drôlerie jouissive, il y a du grotesque et de la cruauté. On aime surtout la belle brochette de personnage­s. Chacun est bien brossé, jamais caricatura­l, porteur d’un message aigre-doux.

Les répliques sont soignées et intelligen­tes. On rit en entendant Rosa Van der Put dire à Kristelle: «Tu as la beauté d’une tomate séchée»; on s’interroge en écoutant le spectre énoncer: «La vie et la mort sont deux équipes sur la même patinoire.»

Johnny est le boulimique débonnaire, Dion l’anorexique maladroit, Rosa Van der Put la nostalgiqu­e agressive, Kristelle la naïve révoltée et Mario le tyran déshumanis­é. Seul le spectre apparaît plus effacé, mais n’est-ce pas le propre de tout fantôme? Il hante plus qu’il n’enchante.

À ce petit jeu de massacres, les comédiens campent leur rôle avec brio sans que l’un prenne le dessus sur l’autre.

Mention spéciale à Diane Losier, constante du début à la fin (la grande dame confirme l’étendue de son pouvoir comique), et à Marc-André Robichaud, une fois encore méconnaiss­able (il nous avait déjà éblouis l’an passé dans Alden, mis en scène par Maurice Arsenault et également produit par le TPA). Tantôt touchante et survoltée, Tanya Brideau se démarque tout autant.

La pièce est présentée au NouveauBru­nswick jusqu’au 28 février. Après Caraquet, Tracadie et Bathurst, elle sera jouée mercredi à Néguac, jeudi à Shippagan et vendredi à Dalhousie. Renseignem­ents et réservatio­ns au 727-0941 ou sur le site www.tpacadie.ca.

Ces Beignes sont à consommer sans modération. Ils ne vous laisseront pas sur votre appétit!

 ??  ?? La distributi­on de Beignes est remarquabl­e. Chaque comédien tire son épingle du jeu. - Gracieuset­é: Sarah Picard
La distributi­on de Beignes est remarquabl­e. Chaque comédien tire son épingle du jeu. - Gracieuset­é: Sarah Picard
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