Acadie Nouvelle

Première rencontre Trudeau-Trump: un succès pour le Canada

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Dans l’esprit de la Saint-Valentin, lundi à Washington, Donald Trump a offert à Justin Trudeau la rose qu’il convoitait. Mais comme toutes les roses, elle est hérissée d’épines. Il reste à voir si les épines étoufferon­t la fleur.

Entretemps, on peut dire que la première rencontre face à face entre les deux chefs s’est déroulée aussi bien que prévu. Et pas seulement parce que leurs deux poignées de main n’ont pas fini en combat corps à corps.

Trudeau a reçu ce qu’il voulait plus que tout: une affirmatio­n de source sûre que Trump considère le commerce avec le Canada, de façon générale, comme moyen d’améliorer l’économie américaine.

Le lobbyisme intense au niveau fédéral des dernières semaines a eu comme but principal de faire bien comprendre que, quant au commerce, les États-Unis et le Canada peuvent bénéficier d’être sur la même longueur d’onde.

Ce fait pourrait s’avérer important si le sujet de l’ALÉNA revient sur le tapis, car de nombreux Canadiens craignent des confrontat­ions entre les deux administra­tions en raison du point de vue conflictue­l de Trump à cet égard.

Certains Canadiens vont peut-être penser ironiqueme­nt que, à une autre époque, sous un premier ministre du même nom, on représenta­it souvent l’interdépen­dance des deux économies comme un problème existentie­l. Aujourd’hui, il s’agit d’un idéal que le gouverneme­nt fédéral doit préserver et protéger par tous les moyens à sa dispositio­n.

Par caprice du sort, Trudeau est devenu le gardien de l’héritage de Brian Mulroney quant au libre-échange. Mais à quel prix?

À la suite de l’investitur­e de Trump, le premier ministre a fait tout son possible pour ne pas permettre aux profondes différence­s évidentes entre les deux gouverneme­nts concernant les politiques de l’immigratio­n et des réfugiés de nuire à leur relation commercial­e. Cette tâche allait toujours être plus facile à accomplir à distance qu’en proximité physique lors d’une conférence de presse conjointe.

Face aux contradict­ions dans leurs approches, les deux chefs ont respecté une entente implicite de non-agression.

Trudeau s’est campé sur ses positions quant à son opinion que les réfugiés syriens ne sont pas par définition un risque à la sécurité, sans essayer de l’imposer au président. Même quand Trump a promu son interdicti­on de voyager visant sept pays majoritair­ement musulmans, il s’est abstenu de faire le lien entre cette mesure et la sécurité de la frontière entre le Canada et les États-Unis. C’est peut-être une discussion pour un autre jour.

S’il y a des épines dans la rose présentée lundi, elles se trouvent dans la section du communiqué conjoint (autrement un texte passe-partout) qui engage les deux pays à viser l’harmonisat­ion de leurs services frontalier­s.

Un projet de loi, qui sera soumis au vote du Parlement, accorderai­t de nouveaux pouvoirs aux agents des services frontalier­s américains: ils pourraient interroger, fouiller et même retenir les citoyens canadiens, sur le territoire canadien.

Une entente de longue date sur un système de dédouaneme­nt préalable permet déjà aux agents des services frontalier­s américains travaillan­t dans les aéroports canadiens principaux d’imposer toute version de l’interdicti­on de voyager de Trump qui se prononce en faveur du système juridique des États-Unis.

D’ailleurs, le Canada a désigné les États-Unis comme pays sans risque pour les réfugiés, une mesure qui empêche la majorité du monde qui atterrit aux États-Unis de présenter une demande de statut de réfugié dans ce pays.

Bien sûr, personne n’a envisagé une interdicti­on de voyager comme celle de Trump quand ces mesures ont été mises en place.

Mais si le président reste fidèle à ses plans d’interdire sélectivem­ent les immigrants, les réfugiés et les visiteurs aux États-Unis en fonction de leur pays d’origine, Trudeau aura de la difficulté à continuer de s’y voiler la face tout en faisant semblant que le Canada prêche par l’exemple en restant fidèle à ses principes.

De toute façon, pour le moment, de nombreux Canadiens - surtout dans les entreprise­s canadienne­s - trouveront du réconfort dans la notion que ce pays ne figure pas sur la liste noire de l’administra­tion Trump.

Pour sa première rencontre face à face avec son nouvel homologue américain, Trudeau a emmené un petit troupeau de ministres de premier plan et de conseiller­s. C’est rare que le Canada puisse passer tellement de temps au cours d’une seule journée avec autant de membres nouvelleme­nt recrutés d’une administra­tion américaine. La journée n’aurait jamais eu lieu si Trump n’avait pas voulu entrer dans le jeu.

Il vaudrait peut-être mieux savourer le parfum de la rose avant qu’elle ne s’évapore.

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− La Presse canadienne: Sean Kilpatrick
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