Sirop d’érable: les tensions montent au Québec
Le Québec, le principal producteur de sirop d'érable de la planète, augmentera sa production alors qu'il doit faire face à la concurrence croissante des États-Unis et de ses provinces voisines ainsi qu'à une opposition de certains acériculteurs.
En juin, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ) a autorisé la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) à délivrer de nouveaux contingents représentant cinq millions d'entailles au cours des deux prochaines années. Jusqu'en 2016, la production s'élevait à 43 millions d'entailles. Selon le directeur général de la FPAQ, Simon Trépanier, l'objectif est de satisfaire la demande grandissante de sucre naturel, lequel est un ingrédient de plus en plus utilisé dans les aliments et les boissons.
«Nous accordons ces entrailles supplémentaires afin de satisfaire la demande et de nous assurer que le Québec participe à la croissance du marché dès maintenant», a dit M. Trépanier.
Selon Statistique Canada, plus de 90% de la production nationale de sirop d'érable - 12,2 millions de gallons - a été récupérée au Québec, l'an dernier. Malgré ces données impressionnantes, le quasi-monopole de la province sur ce marché se relâche.
Ainsi, malgré une augmentation de 30% de sa production au cours des 10 dernières années, la part du Québec sur le marché mondial est passée d'environ 82% en 2003 à 71% en 2016, selon des données de Statistique Canada et du ministère de l'Agriculture des États-Unis.
Selon des observateurs, la cause de cette chute est attribuable à l'emprise de la FPAQ sur les producteurs de la province. L'association établit les quotas et les prix, oblige les producteurs à vendre à des acheteurs autorisés seulement et à payer des frais administratifs.
N'ayant pas à faire face à cette réglementation, les concurrents aux producteurs québécois augmentent rapidement leur part du marché.
Le président de l'Association des producteurs acéricoles de l'État de New York, Tony VanGlad, affirme que la production a crû annuellement de 5 à 10% sur son territoire au cours des dernières années.
«Nos plus importants producteurs continuent de croître», a-t-il avancé. Le système québécois fait l'objet de maintes critiques. Le gouvernement québécois a publié un rapport recommandant une série de changements dans le secteur du sirop d'érable. Parmi ceux-ci figurait l'abandon des contingentements.
«Le modèle québécois doit évoluer s'il veut survivre, a écrit l'auteur du rapport. (Il) en est venu à favoriser le développement de l'industrie acéricole partout… sauf au Québec.»
Les recommandations du rapport sont, jusqu'à présent, tombées dans les oreilles d'un sourd. Le gouvernement n'a pas agi et a dit que le ministre de l'Agriculture ne pouvait pas répondre à nos questions.
Selon la FPAQ, le système des contingentements apporte de la stabilité à l'approvisionnement et aux prix, un élément important pour un secteur assujetti notamment aux caprices de Dame Nature.
«Nous ne sommes pas des cheiks vivant dans un immeuble de Longueuil», réplique M. Trépanier à ceux qui comparent le fonctionnement de la FPAQ à un cartel comme l'OPEP. «On n'est pas des Goliath; on représente les producteurs.» Ce n'est pas l'opinion d'Angèle Grenier, une productrice acéricole de Sainte-Clotilde-de-Beauce.
Mme Grenier a dépensé 150 000$ en frais juridiques pour s'opposer aux amendes totalisant 400 000$ pour avoir vendu son sirop à un acheteur du Nouveau-Brunswick sans l'autorisation de la FPAQ. La cause est devant la Cour suprême qui doit décider si elle entendra l'appel.
«Les producteurs subissent des restrictions sur tout, affirme-t-elle. Au Québec, on n'est pas capable d'avoir un peu de liberté.»
L'enjeu est important, estime Nicole Varin, une productrice d'Oka qui doit verser environ 500 000$ en amendes pour avoir vendu des produits de l'érable en dehors du système imposé par la FPAQ.
«Si Mme Grenier gagne sa cause, nous gagnerons la liberté de vendre nos produits à qui on veut», a-t-elle soutenu.