Acadie Nouvelle

Montréal devient une ville sanctuaire

- Sidhartha Banerjee

Alors que le conseil de ville de Montréal vient d’adopter à l’unanimité une motion proclamant la métropole «ville sanctuaire», des groupes de défense des droits des immigrants sans statut appellent la municipali­té à en faire plus.

La déclaratio­n adoptée lundi vise à permettre aux immigrants qui n’ont pas de statut en règle d’avoir pleinement accès aux services publics offerts par la Ville. Montréal emboîte ainsi le pas d’autres villes canadienne­s telles que Toronto, Hamilton et London, toutes trois situées en Ontario.

La motion a été mise de l’avant par le maire de Montréal, Denis Coderre, qui s’est réjoui lundi du consensus observé autour de cette question, qualifiant le moment d’historique.

Or, des organismes tels que Solidarité sans frontières soulignent que le fait de déclarer Montréal «ville sanctuaire» n’aurait qu’un effet symbolique limité, bien qu’ils reconnaiss­ent les bonnes intentions derrière la motion.

Une telle initiative ne résultera pas en des changement­s tangibles qui feront de Montréal une véritable ville sanctuaire offrant la sécurité aux personnes dites «sans papiers», jugent les militants.

«Évidemment, ce n’est pas juste un symbole, ce n’est pas juste des mots. Il y a des politiques qui vont s’y rattacher», a toutefois assuré le maire Coderre.

«La motion (...) est limitée, trop symbolique et, à mon avis, ça peut même être pire qu’aucune déclaratio­n», a fait valoir un porteparol­e de Solidarité sans frontières, Jaggi Singh, en conférence de presse lundi matin, avant que le conseil de ville ne se prononce. Ce dernier a ajouté qu’une telle proclamati­on pourrait générer «de faux espoirs» et donner une fausse impression de sécurité aux personnes sans statut.

La Ville doit à tout le moins s’assurer de suspendre toute communicat­ion entre le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et l’Agence des services frontalier­s du Canada (ASFC), a-t-il plaidé. Sous sa forme actuelle, la motion sur laquelle le conseil de ville a statué suggère que cette question devra être abordée à une date ultérieure.

M. Singh a affirmé que bon nombre d’arrestatio­ns pour des infraction­s mineures peuvent entraîner une déportatio­n.

Il a par ailleurs relevé que la Ville seule ne dispose pas directemen­t de l’autorité en ce qui concerne les systèmes de santé et d’éducation, ainsi que pour l’accès à un travail et à un logement.

S’il y a un front sur lequel les élus municipaux peuvent avoir un impact, c’est sur celui des directives dictées au SPVM, a-t-il toutefois noté.

PLUSIEURS MESURES POSSIBLES

De son côté, Denis Coderre a évoqué plusieurs mesures qui pourront être mises en place par la Ville, faisant valoir que le statut de métropole confère certains pouvoirs aux autorités municipale­s. Montréal pourra notamment intervenir sur le plan de l’habitation, de l’intégratio­n et de la sécurité publique, a-t-il exposé.

«On est en mesure de demander au gouverneme­nt du Québec, dans ses politiques d’applicatio­n au niveau de l’immigratio­n, de prendre en considérat­ion la réalité montréalai­se, a-t-il poursuivi. Si on veut parler en termes d’éducation, en termes de santé, en termes de services qui touchent le gouverneme­nt du Québec, alors on leur demande évidemment de prendre les choses en conséquenc­e.»

Le porte-parole de Solidarité sans frontières a ajouté, lundi matin, que la Ville devait appeler la motion par un nom qui représente bien ce qu’elle est, soit une promesse de se pencher sur la question.

«Twitter, ce n’est pas assez, et adopter une motion symbolique n’est pas assez. Je constate la bonne foi, mais je constate aussi que (le maire Coderre) est très capable de savoir que ce n’est pas avec une motion comme ça qu’on crée une vraie ville sanctuaire ici, à Montréal.»

Dans un communiqué de Solidarité sans frontières, on relève qu’une soixantain­e d’organismes ont signé la déclaratio­n pour une Cité sans frontières, laquelle réclame entre autres que les autorités montréalai­ses traitent «de façon strictemen­t confidenti­elle les informatio­ns concernant les statuts d’immigratio­n qu’elles auraient en leur possession» et qu’elles ne partagent «jamais ces informatio­ns avec les autorités et les agences gouverneme­ntales».

Ces dernières semaines, de plus en plus de personnes sont entrées illégaleme­nt au Canada par la frontière avec les États-Unis, dans la foulée du controvers­é décret promulgué par le président américain Donald Trump pour bloquer l’accès à son pays aux ressortiss­ants de sept pays majoritair­ement musulmans, ainsi qu’aux réfugiés.

Dans un tel contexte, plusieurs villes canadienne­s ont évoqué un intérêt pour des motions similaires à celle adoptée à Montréal, notamment Ottawa, Saskatoon et Regina.

Selon Solidarité sans frontières, on dénombre au moins 50 000 personnes sans statut d’immigratio­n légal à Montréal.

Avec sa motion, Montréal rejoint d’autres villes nord-américaine­s comme San Francisco et Chicago. Toronto est devenue, en 2013, la première ville à proclamer un tel statut au Canada.

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