Acadie Nouvelle

Pas de procès, pas de réponse

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Le maintien du lien de confiance entre la population et les forces policières passe par la transparen­ce. Encore plus quand il y a mort d’homme!

Patrick Bulger et Mathieu Boudreau, les deux policiers ayant été impliqués dans la mort par balles de Michel Vienneau à la gare de Bathurst, ont été blanchis. Il n’y aura pas de procès. Une bonne nouvelle pour les deux agents, mais une moins bonne pour ceux qui cherchent encore à apprendre la vérité sur les circonstan­ces troubles du décès de l’homme d’affaires de Tracadie.

Anne Dugas-Horsman n’était pas à la tête d’une commission publique d’enquête. Son rôle n’était pas de faire toute la lumière sur le dérapage qui a mené au décès d’un innocent.

La juge devait plutôt diriger une enquête préliminai­re visant à déterminer s’il y a suffisamme­nt de preuves pour justifier la tenue d’un procès. Elle a conclu que la Couronne a été incapable de prouver que Patrick Bulger et Mathieu Boudreau avaient agi dans l’illégalité, le 12 janvier 2015.

On s’en doute, la nouvelle a été très mal accueillie par la famille et les proches de la victime. La décision a eu beau avoir eu l’effet d’une bombe, elle n’est toutefois pas si surprenant­e.

Grâce à une poursuite au civil intentée par la veuve et principal témoin direct de la scène, Annick Basque, l’Acadie Nouvelle avait pu en apprendre un peu plus sur les événements qui ont poussé Mathieu Boudreau à décharger son arme.

Il semble qu’à la vue des gendarmes armés et habillés en civil, Michel Vienneau a pris peur et a tenté de fuir avec son auto. Il aurait heurté le policier Bulger, lequel se serait retrouvé pris entre le véhicule et un tas de neige. Voyant son collègue coincé et jugeant que la vie de celui-ci était menacée, le policier Boudreau a tiré sur le conducteur, l’atteignant mortelleme­nt.

Cette défense de la Ville de Bathurst nous avait fait conclure en éditorial, en octobre 2015, que la famille de la victime éprouverai­t des difficulté­s à obtenir une condamnati­on ou un dédommagem­ent, si cela devait être prouvé. Les policiers ont le droit d’utiliser la force, même mortelle, pour se défendre ou sauver des vies.

Notons qu’aucune allégation n’a encore été prouvée en cour. On sait seulement que les personnes impliquées dans le drame ont raconté leur version des faits à la magistrate, et que celleci a jugé qu’il n’y avait pas matière à procès.

On peut croire qu’elle a estimé que l’usage d’une arme à feu était dans ce cas raisonnabl­e et justifiée, comme l’affirme la Ville de Bathurst depuis le début.

Si les policiers n’ont rien fait de mal, il n’y aucune raison pour les forcer à subir un procès. C’est ainsi que fonctionne notre système de justice. Il privilégie la loi avant la colère, le sentiment d’injustice ou la vengeance. Et c’est parfait ainsi.

Le problème, cependant, est que cela nous ramène à la case départ. Nous n’en savons toujours pas plus sur les circonstan­ces du décès. Toutes les procédures durant l’enquête préliminai­re ont été frappées d’un interdit de publicatio­n (comme c’est presque toujours le cas) en attendant un procès… qui n’aura finalement pas lieu.

Nous n’avons donc pas pu entendre les deux policiers raconter publiqueme­nt le fil des événements tels qu’ils l’ont vécu.

Nous ignorons toujours pourquoi plusieurs policiers en civil se sont rendus à la gare de Bathurst sur la foi d’un seul appel d’Échec au crime. Nous ne savons pas pourquoi lesdits agents ont attendu que la victime embarque dans son auto avant de l’interpelle­r plutôt que de l’intercepte­r dès sa sortie du train, ni s’ils considérai­ent Michel Vienneau comme étant dangereux.

Bref, un homme a été tué par la police et nous ignorons toujours avec certitude pour quelle raison, ni s’il aurait été possible d’agir autrement pour éviter de mettre en danger la vie du suspect et des policiers.

Un procès aurait pu nous permettre d’obtenir des éclairciss­ements.

Des poursuites au civil ont été déposées et il n’est pas impossible que la Couronne dépose une demande d’appel contre la décision d’Anne Dugas-Horsman de ne pas ordonner la tenue d’un procès.

Sinon, les délibérati­ons d’une enquête préliminai­re sont généraleme­nt rendues publiques après l’écoulement du délai de 30 jours pour interjeter appel.

La Couronne peut aussi demander l’autorisati­on du procureur général pour forcer la tenue d’un procès, par une mise en accusation directe. Il n’y a aucune limite dans le temps pour une telle procédure, qui est rarissime.

L’autre espoir d’éclairer les zones d’ombre dans ce dossier repose dans le rapport de l’enquête indépendan­te menée par la GRC de la Nouvelle-Écosse. Un rapport dont les principale­s conclusion­s sont toujours secrètes.

Nous pressons une nouvelle fois la police de Bathurst et le gouverneme­nt provincial à le rendre public.

Le maintien du lien de confiance entre la population et les forces policières passe par la transparen­ce. Encore plus quand il y a mort d’homme! Toutes les informatio­ns pertinente­s doivent être dévoilées au nom de l’intérêt public. Le plus tôt sera le mieux.

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