Cyberattaques: le problème serait simple à régler, selon un professeur
Les courriels de vengeance pornographique ciblant une étudiante de l’Université de Moncton s’empilent et rien n’indique qu’ils cesseront bientôt d’être envoyés. Un professeur au département d’informatique de l’institution acadienne dit toutefois avoir des solutions.
Eric Hervet estime que la création d’un script informatique et l’implémentation de quelques changements de base au système de messagerie régleraient cette affaire une fois pour toutes.
Un dixième courriel a outrepassé le système de filtration de l’établissement, samedi soir, aux environs de 19h.
Voilà plus d’une semaine, chaque soir ou presque, qu’un ou plusieurs courriels contenant des images et des liens vers des vidéos de la jeune femme en train d’accomplir des actes sexuels sont envoyés à la masse étudiante. Le nom de la victime, sa religion, le nom d’un pays maghrébin, et des mots vulgaires à connotations sexuelles font parti de l’en tête ou du corps des messages.
«Le script pourrait cibler ces mots clefs et les détecter de manière plus précise que le filtre en place ne le fait présentement», explique Eric Hervet.
Changer le format des adresses courriel des étudiants de l’institution mettrait également des bâtons dans les roues de l’émetteur. L’individu, indique le professeur, n’a pas besoin de posséder la liste des courriels des étudiants pour entrer en communication avec eux.
Il n’a qu’à les deviner.
Ces adresses courriel débutent toujours par la lettre «e» et sont suivies de deux lettres - les initiales du nom de l’étudiant -, puis de quatre chiffres aléatoires. Par exemple, si l’auteur de ce texte était étudiant au campus de Moncton, son adresse courriel ressemblerait à ceci: ead5124@umoncton.ca.
Le harceleur n’aurait qu’à utiliser un script informatique pour envoyer des courriels aux 6 760 000 combinaisons possibles, allant de eaa0000@umoncton.ca à ezz9999@ umoncton.ca. Dans le langage informatique, ce procédé automatisé s’apparente à une attaque par force brute, habituellement utilisée pour trouver un mot de passe. Il peut s’exécuter en l’espace de quelques minutes.
«Voilà qui expliquerait pourquoi des courriels ont été envoyés à des adresses inutilisées. Voilà aussi qui expliquerait la façon procéder de l’individu, et pourquoi les étudiants ne reçoivent pas tous les courriels en même temps, mais à plusieurs minutes d’intervalle», dit le professeur en informatique.
Si les courriels étudiants comportaient les noms complets des étudiants (par exemple, anthony.doiron@umoncton.ca), il deviendrait alors impossible pour l’auteur de joindre les étudiants aussi facilement. Cela nécessiterait un investissement en argent de la part de l’Université de Moncton.
AVARE DE COMMENTAIRES
L’établissement d’éducation postsecondaire se fait toujours aussi avare de commentaires dans cette affaire, citant des soucis de «sécurité publique».
Par courriel, une porte-parole de l’Université de Moncton a réitéré que l’établissement poursuit son travail de concert avec la GRC ainsi qu’avec des «experts externes afin de mettre fin le plus rapidement possible à cette campagne de courriels dégradants et non désirés».
Les efforts mis en oeuvre pour stopper la réception des courriels malveillants, bien qu’ineffectifs jusqu’à présent, sont également tenus secrets.
TROP PEU TROP TARD, DIT LA FÉÉCUM
La présidente de la Fédération des étudiantes et étudiants de l’Université de Moncton souhaite mettre un terme à la propagation des vidéos intimes de la victime.
Roxann Guerrette et son équipe contactent les webmestres des sites web hébergeant le matériel pornographique pour leur demander de le faire disparaître le plus rapidement possible. L’effort est louable, mais semble voué à l’échec.
Les vidéos retirés sont immédiatement téléversés sur d’autres sites. L’auteur n’a pas l’intention d’arrêter, se désole la présidente.
«Si l’auteur ne peut pas être arrêté tout de suite, l’Université de Moncton devrait au moins faire tout en son possible pour empêcher que les messages se rendent aux étudiants. De ce que je comprends, ça ne semble pas être le cas.»
En conférence de presse, vendredi, le recteur de l’Université de Moncton a refusé de suspendre temporairement le système de messagerie pour se tourner vers un système intranet, le temps de trouver une solution à long terme. Il s’agirait d’une question de principe, a indiqué Raymond Théberge.
Pour Roxann Guerrette, l’institution place son orgueil avant le bien-être de ses étudiants.
«On a une victime qui souffre et qui continue d’être victimisée à chaque courriel envoyé et on a des étudiants inquiets et troublés de ce qui se passe. Laissez faire l’histoire de principe. On doit agir rapidement pour éviter que ça dérape encore plus.»
L’Association des bibliothécaires, professeures et professeurs retraités de l’Université de Moncton se joint à ceux qui dénoncent la violence psychologique infligée la jeune étudiante ciblée par ces courriels haineux. Lita Villalon, présidente, compatit. «Nous condamnons les manoeuvres d’intimidation et de violence dont l’auteur se rend coupable. Le premier courriel de sa part aurait déjà été de trop. Qu’il y en ait toute une série est d’une cruauté inqualifiable.»
Elle constate que la population étudiante s’en trouve affectée, et que le manque de sérénité qui règne sur le campus risque de nuire à leurs études.