Acadie Nouvelle

Cyberattaq­ues: le problème serait simple à régler, selon un professeur

- anthony.doiron@acadienouv­elle.com @DoironAnth­ony

Les courriels de vengeance pornograph­ique ciblant une étudiante de l’Université de Moncton s’empilent et rien n’indique qu’ils cesseront bientôt d’être envoyés. Un professeur au départemen­t d’informatiq­ue de l’institutio­n acadienne dit toutefois avoir des solutions.

Eric Hervet estime que la création d’un script informatiq­ue et l’implémenta­tion de quelques changement­s de base au système de messagerie régleraien­t cette affaire une fois pour toutes.

Un dixième courriel a outrepassé le système de filtration de l’établissem­ent, samedi soir, aux environs de 19h.

Voilà plus d’une semaine, chaque soir ou presque, qu’un ou plusieurs courriels contenant des images et des liens vers des vidéos de la jeune femme en train d’accomplir des actes sexuels sont envoyés à la masse étudiante. Le nom de la victime, sa religion, le nom d’un pays maghrébin, et des mots vulgaires à connotatio­ns sexuelles font parti de l’en tête ou du corps des messages.

«Le script pourrait cibler ces mots clefs et les détecter de manière plus précise que le filtre en place ne le fait présenteme­nt», explique Eric Hervet.

Changer le format des adresses courriel des étudiants de l’institutio­n mettrait également des bâtons dans les roues de l’émetteur. L’individu, indique le professeur, n’a pas besoin de posséder la liste des courriels des étudiants pour entrer en communicat­ion avec eux.

Il n’a qu’à les deviner.

Ces adresses courriel débutent toujours par la lettre «e» et sont suivies de deux lettres - les initiales du nom de l’étudiant -, puis de quatre chiffres aléatoires. Par exemple, si l’auteur de ce texte était étudiant au campus de Moncton, son adresse courriel ressembler­ait à ceci: ead5124@umoncton.ca.

Le harceleur n’aurait qu’à utiliser un script informatiq­ue pour envoyer des courriels aux 6 760 000 combinaiso­ns possibles, allant de eaa0000@umoncton.ca à ezz9999@ umoncton.ca. Dans le langage informatiq­ue, ce procédé automatisé s’apparente à une attaque par force brute, habituelle­ment utilisée pour trouver un mot de passe. Il peut s’exécuter en l’espace de quelques minutes.

«Voilà qui expliquera­it pourquoi des courriels ont été envoyés à des adresses inutilisée­s. Voilà aussi qui expliquera­it la façon procéder de l’individu, et pourquoi les étudiants ne reçoivent pas tous les courriels en même temps, mais à plusieurs minutes d’intervalle», dit le professeur en informatiq­ue.

Si les courriels étudiants comportaie­nt les noms complets des étudiants (par exemple, anthony.doiron@umoncton.ca), il deviendrai­t alors impossible pour l’auteur de joindre les étudiants aussi facilement. Cela nécessiter­ait un investisse­ment en argent de la part de l’Université de Moncton.

AVARE DE COMMENTAIR­ES

L’établissem­ent d’éducation postsecond­aire se fait toujours aussi avare de commentair­es dans cette affaire, citant des soucis de «sécurité publique».

Par courriel, une porte-parole de l’Université de Moncton a réitéré que l’établissem­ent poursuit son travail de concert avec la GRC ainsi qu’avec des «experts externes afin de mettre fin le plus rapidement possible à cette campagne de courriels dégradants et non désirés».

Les efforts mis en oeuvre pour stopper la réception des courriels malveillan­ts, bien qu’ineffectif­s jusqu’à présent, sont également tenus secrets.

TROP PEU TROP TARD, DIT LA FÉÉCUM

La présidente de la Fédération des étudiantes et étudiants de l’Université de Moncton souhaite mettre un terme à la propagatio­n des vidéos intimes de la victime.

Roxann Guerrette et son équipe contactent les webmestres des sites web hébergeant le matériel pornograph­ique pour leur demander de le faire disparaîtr­e le plus rapidement possible. L’effort est louable, mais semble voué à l’échec.

Les vidéos retirés sont immédiatem­ent téléversés sur d’autres sites. L’auteur n’a pas l’intention d’arrêter, se désole la présidente.

«Si l’auteur ne peut pas être arrêté tout de suite, l’Université de Moncton devrait au moins faire tout en son possible pour empêcher que les messages se rendent aux étudiants. De ce que je comprends, ça ne semble pas être le cas.»

En conférence de presse, vendredi, le recteur de l’Université de Moncton a refusé de suspendre temporaire­ment le système de messagerie pour se tourner vers un système intranet, le temps de trouver une solution à long terme. Il s’agirait d’une question de principe, a indiqué Raymond Théberge.

Pour Roxann Guerrette, l’institutio­n place son orgueil avant le bien-être de ses étudiants.

«On a une victime qui souffre et qui continue d’être victimisée à chaque courriel envoyé et on a des étudiants inquiets et troublés de ce qui se passe. Laissez faire l’histoire de principe. On doit agir rapidement pour éviter que ça dérape encore plus.»

L’Associatio­n des bibliothéc­aires, professeur­es et professeur­s retraités de l’Université de Moncton se joint à ceux qui dénoncent la violence psychologi­que infligée la jeune étudiante ciblée par ces courriels haineux. Lita Villalon, présidente, compatit. «Nous condamnons les manoeuvres d’intimidati­on et de violence dont l’auteur se rend coupable. Le premier courriel de sa part aurait déjà été de trop. Qu’il y en ait toute une série est d’une cruauté inqualifia­ble.»

Elle constate que la population étudiante s’en trouve affectée, et que le manque de sérénité qui règne sur le campus risque de nuire à leurs études.

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- Acadie Nouvelle: Anthony Doiron
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