Acadie Nouvelle

Cruel rappel à l’U de M

La victime n’a pas être jugée ni montrée du doigt. Il n’y a qu’un seul coupable et nous espérons que la police lui mettra rapidement la main au collet.

- François Gravel

Jour après jour, le cauchemar se poursuit pour une étudiante de l’Université de Moncton victime d’une cyberattaq­ue d’une ampleur et d’une méchanceté sans précédent au Nouveau-Brunswick.

Depuis le 25 février, date à laquelle le premier message malveillan­t a été envoyé, pas moins d’une dizaine de courriels compromett­ants ont été partagés avec la communauté universita­ire. Des messages qui contenaien­t des photos intimes d’une étudiante, des liens menant vers des vidéos, etc.

L’horreur. Le genre de chose qu’on ne souhaite pas à son ennemi.

Pire, il s’agit de l’horreur en continu. Chaque jour, de nouveaux messages sont envoyés. Personne ne sait quand - ou si - cela s’arrêtera.

Chaque matin, une jeune femme se lève sans savoir ce qui l’attend, en ignorant quelle nouvelle vidéo sera partagée, soit par courriel, soit sur l’un des sites pornograph­iques qui pullulent sur le web et qui sont fréquentés par des millions de personnes.

Peu importe l’aide morale, juridique et psychologi­que qui est apportée à la victime, nous invitons l’Université de Moncton, la communauté universita­ire et les autorités à l’intensifie­r. Cette femme vit une tragédie. Elle a besoin d’être appuyée.

La direction de l’université a réalisé des progrès dans les derniers jours. Ses informatic­iens travaillen­t sans relâche pour bloquer les courriels et éliminer rapidement ceux qui passent entre les mailles du filet.

Malheureus­ement, comme c’est trop souvent le cas quand elle vit une crise, l’U de M n’a pas su au départ comment réagir. La voix du bon sens est plutôt venue de la FÉÉCUM (la fédération étudiante), qui a rapidement exigé que le système de courriels de l’établissem­ent soit fermé en attendant que ce scandale prenne fin.

Le recteur Raymond Théberge a refusé d’accéder à cette demande, affirmant que l’université est un «milieu de liberté d’expression» et qu’agir ainsi reviendrai­t à dire à l’agresseur qu’il a gagné.

Ce sont de beaux principes. Mais ceux-ci font abstractio­n de ce qui aurait dû être la priorité absolue de la direction, soit de protéger par tous les moyens la victime. Et quoiqu’en pense le recteur, la façon de la plus efficace d’agir aurait été d’interdire temporaire­ment l’accès aux courriels.

Comprenons-nous. À ce moment-ci, il commence à être tard pour imposer une telle mesure. Les premiers courriels ont été visionnés par des centaines, sinon des milliers de personnes. Le système est désormais surveillé de très près, si bien que la plupart des messages de l’agresseur sont maintenant éliminés assez rapidement.

Mais ce n’était pas le cas au début la crise. C’est pourquoi l’Université de Moncton aurait dû dans les premiers jours complèteme­nt geler l’accès aux courriels, le temps de mettre en place une stratégie efficace.

La direction universita­ire ne l’a pas fait, préférant se draper dans ses principes. C’est une importante erreur de jugement.

Tout porte à croire que la véritable raison derrière cette décision est le fait que la direction a été dépassée par les événements.

On l’a vu dans sa stratégie de communicat­ion. Le jeudi 2 mars, alors que le recteur aurait dû être en train de se faire rassurant et d’expliquer les mesures prises pour résorber la crise, le service des communicat­ions annonçait plutôt qu’il ne répondrait plus aux questions des journalist­es «pour ne pas nuire à l’enquête de la GRC».

Quelques heures plus tard, le recteur accordait tout de même une entrevue à sa sortie de l’avion, à l’aéroport Roméo-LeBlanc. Puis, le lendemain, il participai­t à une conférence de presse. Tout cela sent l’improvisat­ion à plein nez. Cela étant dit, soyons quand même nuancés dans nos critiques.

L’Université de Moncton n’est pas derrière les envois des courriels pornograph­iques ni de la production des photos et des vidéos. Elle doit gérer une crise inédite qu’elle n’a pas créée et qui ne se terminera pas tant que le responsabl­e (qui vit vraisembla­blement sur un autre continent) n’aura pas été écroué derrière les barreaux.

Par ailleurs, l’occasion est bonne pour les parents d’aborder un sujet inconforta­ble avec leurs adolescent­es et adolescent­s, à propos des menaces du web ainsi que du danger de faire entièremen­t confiance à un amoureux, au point de se laisser prendre en photos ou de le laisser produire des vidéos intimes. On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve.

Il ne s’agit pas ici de montrer la victime du doigt. Elle n’a rien à se reprocher et n’a pas à être jugée. Il n’y a qu’un seul coupable dans cette histoire et nous espérons que la police lui mettra bientôt la main au collet.

Malheureus­ement, l’action de ce dernier agit comme un cruel rappel que le monde peut être dangereux et qu’il importe de ne pas se placer en position vulnérable.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada