L’avis d’un expert
Ibrahim Ouattara enseigne l’éthique de l’information à l’Université de Moncton. Il rappelle que la partialité nécessaire à tout travail journalistique ne doit pas être confondue avec la neutralité, impossible à atteindre, car la mission du journaliste consiste à sélectionner l’information. «Le fait qu’un journaliste rapporte des propos négatifs, ou peu flatteurs à l’égard d’une personne ne veut pas dire qu’il n’est pas impartial. Les faits peuvent montrer que cette analyse est parfaitement juste. Dans le cas de l’empire Irving, il est vrai qu’il y a une concentration des médias. On ne peut pas le dire d’une autre manière, ce serait utiliser des faits alternatifs. Le journaliste s’est contenté de faire une mise en contexte en utilisant beaucoup d’éléments. Il devient donc difficile de l’accuser de partialité étant donné qu’il met l’information en contexte.» Le professeur de philosophie estime qu’on ne doit pas brimer le droit à l’expression de M. Poitras, peu importe qu’il s’exprime à titre de journaliste ou de citoyen. «Je trouve que la requête du représentant de JDI va un peu trop loin. Je ne pense pas que le fait qu’il exprime des opinions négatives à l’encontre de la compagnie soit un motif suffisant pour l’empêcher d’exercer sa profession. Au contraire, on doit donner aux citoyens le droit d’exprimer des opinions, c’est une liberté constitutionnelle qu’on ne peut retirer à un journaliste sous prétexte qu’il est journaliste.» À l’heure des médias sociaux, les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle sont plus floues, ce qui place les journalistes dans une position complexe, souligne M. Ouattara. «En raison de la liberté que donnent les médias sociaux, il devient difficile de faire la part des choses. Pour un journaliste, cela demande beaucoup de vigilance, de perspicacité et de prudence dans l’utilisation des médias sociaux.» - SD