Acadie Nouvelle

Gouvernanc­e locale: deux autres buts à franchir

- Maire d’Edmundston Cyrille Simard

Au baseball, se rendre au deuxième but nous place en bonne position pour marquer. Mais, il faut se rendre au marbre pour s’inscrire au pointage.

Depuis plusieurs années, le consensus est que la réforme de la gouvernanc­e locale au Nouveau-Brunswick doit comprendre quatre éléments essentiels:

1) une modernisat­ion de la Loi sur les municipali­tés vieille de 51 ans;

2) une modernisat­ion de la Loi sur l’urbanisme (tout aussi vieille que la précédente);

3) un nouveau pacte fiscal pour que les municipali­tés aient entre les mains les ressources nécessaire­s à la bonne gouvernanc­e et à leur développem­ent et;

4) un nouveau cadre pour faciliter la création de municipali­tés possédant une masse critique suffisante pour assurer leur viabilité.

Le dépôt récent d’une nouvelle «Loi sur la gouvernanc­e locale» et d’une nouvelle «Loi sur l’urbanisme» représente donc un pas dans la bonne direction de la part du gouverneme­nt actuel. Il reste bien entendu des améliorati­ons à y être apportées.

Mais, une loi municipale permissive, dans laquelle les municipali­tés sont reconnues comme des ordres de gouverneme­nt à part entière, outille mieux les municipali­tés à répondre aux besoins des citoyens. Elle établit une nouvelle base «philosophi­que» sur laquelle un partenaria­t renouvelé est envisageab­le avec le gouverneme­nt provincial.

Le rôle fondamenta­l des municipali­tés comme moteur du développem­ent, notamment en matière de développem­ent économique, y est enfin reconnu et valorisé.

Ces quelques éléments montrent une réelle volonté de la part des décideurs de prendre appui sur le monde municipal afin de relever les nombreux défis auxquels notre province fait face.

Bien entendu, se retrouver ainsi au deuxième but est un endroit confortabl­e. Mais il faut admettre que le parcours le plus difficile est encore devant nous.

Nous savons tous que l’argent est le nerf de la guerre. Pour une municipali­té, la taxation foncière est pratiqueme­nt sa principale source de revenus. Dans le monde municipal, tout revient à une question de fiscalité. Or, bien que les revenus tirés de la taxe foncière aient l’avantage d’offrir un certain degré de prédictibi­lité (même si la formule de péréquatio­n provincial­e contribue à générer certaines surprises sur une base annuelle), ces revenus fiscaux sont de piètres indicateur­s du degré réel de développem­ent économique qui existe au sein d’une municipali­té.

La vitalité économique d’une communauté se traduit en revenus fonciers sur le très long terme alors que les dépenses associées à cette vitalité économique (infrastruc­tures, services, etc.) se traduisent dans l’immédiat. Il y a donc un déséquilib­re fiscal naturel qui s’installe dans le monde municipal sur la simple base de cette équation. De plus, au Nouveau-Brunswick, ce déséquilib­re est d’autant plus grand que la province elle-même tire des revenus importants de la richesse foncière municipale.

Dans ce contexte, pour que le monde municipal ait entre les mains davantage d’outils pour travailler avec la province à assurer notre développem­ent collectif, il est clair qu’un nouveau pacte fiscal doit être établi le plus tôt possible, à défaut de quoi, une loi permissive s’avérera un coffre à outils sans contenu réel.

La dernière pièce du casse-tête est la nécessité d’une réforme qui facilitera (je devrais plutôt dire provoquera) la mise en place de municipali­tés ayant une masse critique de personnes et d’actifs suffisants pour en assurer la viabilité à long terme et pour faire en sorte que les capacités réelles de développem­ent soient présentes sur le terrain.

L’analyse de Jean-Guy Finn et de ses collègues est toujours d’actualité. Sans un exercice courageux qui ira dans ce sens, l’occupation du territoire demeurera malheureus­ement fragmentée et inefficace sur plusieurs plans. De plus, tant et aussi longtemps qu’un pourcentag­e important de personnes se retrouvero­nt dans des territoire­s non organisés comme c’est le cas aujourd’hui (20% dans les régions à prédominan­ce anglophone; 50% dans les régions à prédominan­ce francophon­e), notre façon d’occuper le territoire, de puiser les ressources naturelles qui s’y trouvent et de mobiliser toutes les forces du milieu pour relever nos défis seront pratiqueme­nt dissipé au point où elles pourraient s’avérer l’équivalent d’un coup d’épée dans l’eau.

En conclusion, il sera impossible de passer outre chacun des éléments clefs de la réforme municipale évoqués ci-dessus pour aboutir à un réel partenaria­t entre l’ordre de gouverneme­nt provincial et l’ordre de gouverneme­nt municipal dans cette province. Il faut donc assurer l’adoption des deux projets de loi déposés par le gouverneme­nt et s’attabler le plus résolument et efficaceme­nt possible à réaliser les deux dernières composante­s de ce projet pour s’inscrire au tableau de pointage.

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