Un visage à deux faces
Au RDI de Cibici français, l’émission 24/60 présentait, lundi soir, les résultats d’un sondage réalisé par la firme CROP pour checker si que la montée effrayab’ du populisme en Europe et aux States est aussi effrayab’ au Canada.
Après avoir subtilement indiqué que le populisme était, grosso modo, une réaction du peup’e contre les zélites, on a invité des zélites songées à nous analyser tout ça, à nous, le bon peup’e sondé, pour faire ben sûr qu’on comprenne ce qu’il faut comprendre: c’est-à-dire que le populisme, c’est louche.
C’est louche, parce que c’est un mouvement qu’on associe surtout à la droite politique. Brefs: des méchants. Comme Trump aux États-Unis, ou Marine Le Pen en France. Ou même Harper au Canada. Bou-hou-hou!
Sans se casser la tête plus qu’il ne faut, on associe souvent le populisme de droite à la xénophobie, ou à l’intolérance, ou à l’anti-immigration. Des affaires plates, énervantes, qu’on veut rien savoir de.
Et c’est précisément sous cet angle que le sondage en question examine le populisme, et c’est sous cet angle aussi que les savants invités du 24/60 ont analysé le sondage CROP.
J’aurais bien aimé qu’on parle aussi du populisme de gauche. Car ça existe. Il est généralement bien-pensant, multiculturel, altermondialiste, pacifiste. Bref: des bons, des vrais, des purs, des saints! Comme l’ancien président du Venezuela, Hugo Chavez. Ou Jean-Luc Mélenchon, tribun histrionique de la gauche française. Mais sont pas du bon bord. Fait que: oubliez ça.
Peut-être que pour Radio-Canada, le bon bord, c’est le centre. En califourchon sur la clôture!
Pour décortiquer le sondage, la société d’État, toujours aussi portée sur la diversité, avait invité cinq Québécois, plus une Québécoise d’origine marocaine et un chercheur français de Washington, ancien conseiller d’un parti conservateur français qu’il trouvait trop à droite. Il est aujourd’hui associé au candidat présidentiel Emmanuel Macron, un ancien ministre socialiste qui trouvait son parti trop à gauche! Les voilà solidement assis, le cul entre deux chaises!
La francophonie canadienne, elle, brillait par son absence. Faut dire qu’il n’y a pas un seul Canadien de langue française à l’extérieur du Québec qui connaisse quoi que ce soit en matière de populisme, de xénophobie ou d’intolérance.
Oups, enlevez le mot «intolérance», parce que l’intolérance, les francophones du Canada savent exactement ce que c’est: ignorer systématiquement quelqu’un, c’est aussi une forme d’intolérance.
Cela dit, n’allez surtout pas sortir le vieux refrain que Radio-Canada-Mârial boude les Acadiens: ils nomment des places acadiennes tous les jours aux bulletins météo du national! Ils savent très bien où ça se trouve. C’est tout bêtement qu’ils ne savent pas comment s’y rendre.
En plus, vous saurez que c’est un pur Acadien, un Acadien bio!, qui est directeur général de l’information à Radio-Canada! Et c’est même lui qui a signé le communiqué radio-canadien annonçant en grandes pompes ce sondage réalisé dans l’espoir de «contribuer à un débat éclairé sur des enjeux qui sont en train de façonner le visage du Canada», qu’i’ dit.
Vu l’absence de représentation pancanadienne à l’émission, on comprend que le visage du Canada, c’est un visage québécois français d’un bord et canadien anglais de l’autre.
Bref: le Canada est un visage à deux faces! Dans ce contexte, les zélites comprendront que les sondages sur les perceptions des immigrants, du voile, sur la montée des idées de droite, sur le populisme nocif à la santé politique du pays, et autres fétiches de l’information bon chic bon genre, on s’en tape quasiment les castagnettes.
Parce que nous déballer en vrac une montagne de chiffres qui finissent à la longue par nous étourdir plus que nous informer, jetant un subtil frimas de culpabilité sur notre confusion déjà suffisamment alarmante, sans savoir s’ils nous concernent vraiment, ces chiffres, c’est nous prendre un peu pour ces ploucs qu’on associe justement au populisme.
Si l’on tient vraiment dans ce pays à empêcher les ploucs de s’emballer pour les beaux parleurs populistes de droite, il serait temps de leur parler simplement, et concrètement, au lieu de répéter ad nauseam des litanies de voeux pieux et de poncifs grimés au goût du jour.
Digression. Je suis à la trace, depuis quelques mois, les débats électoraux des Mélenchon, Hamon, Macron et Fillon, candidats à la présidentielle en France. Ils sont bien intentionnés, certes, mais leur rhétorique alambiquée, pour ne pas dire tortueuse, semble tout simplement déconnectée de la réalité du «monde ordinaire», alors que Marine Le Pen a le tour de trouver le mot, la phrase, l’idée qui «parle» directement à ceux qui l’écoutent.
Ses idées centrales sont peut-être sujettes à caution, c’est le moins qu’on puisse dire, mais elles sont claires.
J’en déduis que lorsque la confusion s’installe, les populistes à la parole claire ont beau jeu de venir rapailler les âmes en peine.
C’est aussi ce qui s’est produit aux dernières élections américaines, quand, face à une Hillary Clinton empêtrée dans un discours mille fois remâché, Donald Trump est arrivé avec ses clichés désobligeants et ses éclats scandaleux... mais… clairs. Et le sondage? Eh ben, imaginez-vous qu’il nous révèle qu’il y a, au Canada et au Québec, des pour et des contre. (Pour l’Acadie, le sondage ne le dit pas.)
Il y a des opinions politiques qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite. Il y a de vilains xénophobes et de généreux xénophiles. De gentils tolérants et d’intolérables intolérants. Ne tolérons pas l’intolérance!
Bref, toutes sortes de données que vous connaissez déjà, juste à vivre dans votre communauté, à travailler, à parler à vos collègues, voisins, amis.
J’aurais aimé que le sondage nous parle des perceptions des francophones du Canada aussi, et qu’il différencie les grandes villes des campagnes, les régions de l’Ouest, la région atlantique, des groupes d’âge, des années d’éducation, des origines ethniques, des trucs du genre, pour avoir un portrait plus précis de la situation.
Mais bon, les zélites en ont décidé autrement. C’est pour notre bien, naturellement.
Han, Madame?