Acadie Nouvelle

Des juges bilingues!

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Chantal Carey Ottawa

Monsieur le premier ministre, j’ai lu la position des libéraux dans les débats de la Chambre des communes du 8 mars sur le projet de loi C-203 qui porte sur la compétence linguistiq­ue des juges de la Cour suprême du Canada. Si votre gouverneme­nt admet souscrire à l’objectif du projet de loi, c’est-à-dire reconnaîtr­e comme essentiell­es les compétence­s linguistiq­ues dans les deux langues officielle­s des juges nommés à la Cour suprême, il s’oppose toutefois vertement à reconnaîtr­e cette exigence dans une loi. Mais pourquoi donc? L’argumentai­re présenté par le secrétaire parlementa­ire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada est d’une faiblesse intellectu­elle frappante. Son argument central, d’ailleurs le plus faible, est celui des «préoccupat­ions constituti­onnelles». Le projet de loi, selon ses dires, pourrait «provoquer une controvers­e inutile» et «donner lieu à des contestati­ons très longues». Depuis quand la peur doit gouverner la protection des droits de la minorité linguistiq­ue? Tous les projets de loi peuvent faire l’objet de préoccupat­ions constituti­onnelles et être contestés. Il ne s’agit pas d’une raison pour ne pas prendre les mesures nécessaire­s pour améliorer notre système de justice. Les contestati­ons peuvent être très saines et faire progresser l’état du droit. Rappelons-nous que les compétence­s linguistiq­ues des juges sont des compétence­s aussi fondamenta­les pour un juge à la Cour suprême que de connaître le droit et d’être capable d’analyser des situations complexes. Si on peut s’attendre à ce qu’un chirurgien possède des compétence­s en médecine, on peut s’attendre à rien de moins qu’un juge de la Cour suprême ait des compétence­s dans les deux langues officielle­s. Formaliser cette évidence par une loi n’a rien à voir avec la constituti­on. D’ailleurs, si comme votre gouverneme­nt le prétend, une loi pour garantir des compétence­s linguistiq­ues était inconstitu­tionnelle, que pourrait-on dire de vos actions qui ont mené à une politique qui a eu pour effet de nommer un juge bilingue qui peut communique­r en français et en anglais? Si le libellé du projet de loi ne vous plaît pas, vos députés sont libres de le modifier à leur convenance en comité parlementa­ire. Vous pourriez aussi déposer votre propre projet de loi. Si vous n’arrivez pas à résoudre l’équation, c’est que vous manquez d’imaginatio­n.

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