Acadie Nouvelle

«UNE BELLE VIE, UNE BELLE MORT»

La fille de la première femme du Restigouch­e à avoir choisi de subir cette interventi­on témoigne

- restigouch­e@acadienouv­elle.com @JFBjournal­iste

«Ma mère a eu une belle vie, mais aussi une belle mort.»

Un grand morceau de la vie d’Isabelle Pelletier et de ses soeurs Irène et Chantal, s’est envolé le 14 mars. Affaiblie à la suite d’un long combat contre le cancer, leur mère Claudette Pelletier est décédée à l’Unité de soins palliatifs de Campbellto­n.

Mme Pelletier savait exactement quand elle allait mourir, à l’heure près. Et ce n’est pas le cancer qui a provoqué sa mort. La citoyenne de Dalhousie a plutôt fait un dernier pied de nez à la maladie qui l’a tant fait souffrir, en choisissan­t d’abréger ses souffrance­s et celles de ses proches grâce au programme d’aide médicale à mourir. Du coup, elle est devenue la première patiente du Restigouch­e à subir cette interventi­on, un geste encore relativeme­nt tabou dans la société.

Et c’est justement afin de démystifie­r cette réalité que Claudette Pelletier tenait à ce que son histoire soit connue de tous.

«C’était, en quelque sorte, l’une de ses dernières volontés», exprime sa fille, Isabelle, la voix encore empreinte des émotions en montagnes russes vécues au cours des dernières semaines.

Claudette Pelletier a appris en décembre 2012 qu’elle était atteinte d’un cancer des ovaires, une nouvelle difficile à avaler pour la femme âgée de 60 ans pétillante de vie. Après des rondes de traitement­s et une période de rémission, elle croyait bien avoir étendu son adversaire au tapis. Mais celui-ci est revenu à la charge le printemps dernier, plus agressif encore.

Le mois dernier, les résultats de ses plus récents tests ont confirmé la mauvaise nouvelle: le cancer s’était propagé à ses poumons et à ses os. Mme Pelletier est entrée à l’hôpital le 14 février et n’en est plus ressortie.

Vivante mais sans qualité de vie, les jours à venir s’annonçaien­t sombres pour Mme Pelletier. Une conversati­on a toutefois changé sa perspectiv­e sur sa maladie, ou plutôt sur son issue.

«Une dame lui a dit: ‘‘Tu sais, il vient un temps où l’on doit penser qualité de vie et non quantité’’», raconte sa fille, une allusion directe à l’aide médicale à mourir.

«Elle nous a alors parlé de son projet. Ça nous a fait peur sur le coup, car on ne parle plus simplement d’abandonner un traitement médical, mais bien de choisir la date de sa mort», raconte Isabelle.

«On sentait qu’elle voulait, en quelque sorte, notre accord. Elle avait peur qu’on la prenne pour une lâche parce qu’elle désirait abandonner son combat, mais c’était tout le contraire. On savait tous ce qu’elle avait enduré, qu’elle s’était battue», exprime Isabelle.

«Elle voulait mourir dans la dignité, s’éviter des douleurs épouvantab­les et, surtout, nous éviter d’assister à tout cela, impuissant­s, pendant on ne sait combien de temps. Elle voulait nous éviter ce souvenir d’elle. Et quand on y pense, c’est un cadeau incroyable qu’elle nous a fait.»

JUSQU’AU BOUT

La demande pour prendre part au programme d’aide médicale à mourir été effectuée auprès du personnel médical de l’Hôpital régional de Campbellto­n. Avant d’être autorisée, deux médecins ont évalué l’état physique et mental de Mme Pelletier, question de vérifier si elle était parfaiteme­nt consciente du choix qu’elle faisait. Dix jours plus tard, Mme Pelletier recevait son autorisati­on.

Deux autres demandes similaires avaient été approuvées pour le programme à Campbellto­n. Les deux patients sont toutefois décédés avant de s’en prévaloir. Du coup, Mme Pelletier a été la première personne de la région à se rendre jusqu’au bout du processus.

C’est elle qui a choisi la journée de sa mort, le 14 mars.

«C’est vraiment un drôle de sentiment d’apprendre que ça va de l’avant. D’un côté, on est content pour elle, mais de l’autre, on sait ce qui s’en vient, que le temps est compté. Tous les matins, tu sais qu’il y a de moins en moins de grains dans le sablier. Ce fut dix jours intenses en émotion. Pour ma mère, ce fut dix longues journées, car elle souffrait. Pour nous, ce fut dix jours qui ont passé trop vite», confie Isabelle.

La journée de la mort de Mme Pelletier ne fut toutefois pas que tristesse. Cette dernière voulait en effet qu’il se dégage un air de fête. Puis vint le moment où l’équipe médicale s’est présentée avec les quatre injections du cocktail fatal. La famille de Mme Pelletier est demeurée à ses côtés jusqu’à ces derniers instants.

«Ce qui me conforte, c’est qu’elle aura eu une belle vie, mais aussi une belle mort», exprime Isabelle.

À ses funéraille­s, la dernière chanson à jouer a été choisie précisémen­t par Mme Pelletier, un morceau illustrant parfaiteme­nt la situation: My Way de Frank Sinatra.

«Pour ma mère, mourir de cette façon c’était mourir dans la dignité. C’était aussi sa façon à elle de dire au cancer que c’est elle qui avait gagné, qui a décidé quand elle allait partir. Elle a pris le contrôle de son destin. Nous, on ne pouvait que l’appuyer dans son choix. Ce ne fut pas toujours facile, mais c’était la chose à faire», conclut Isabelle.

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 ??  ?? Afin de souligner le courage de leur mère, ses filles lui ont fait fabriquer une médaille sur mesure qui lui a été remise le «grand jour». - Acadie Nouvelle: JeanFranço­is Boisvert
Afin de souligner le courage de leur mère, ses filles lui ont fait fabriquer une médaille sur mesure qui lui a été remise le «grand jour». - Acadie Nouvelle: JeanFranço­is Boisvert
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Claudette Pelletier. À la une, elle est accompagné­e de ses petites-filles, à l’hôpital. - Gracieuset­é
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