Acadie Nouvelle

Le sang du Restigouch­e

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Étrange décision que celle de la Société canadienne du sang, qui a annoncé qu’elle n’organisera plus de collectes dans le Restigouch­e pour des raisons budgétaire­s.

Des cliniques sont organisées à Campbellto­n et à Dalhousie trois fois par année. L’organisme responsabl­e juge qu’il est trop coûteux de se rendre dans ce qu’elle considère comme étant une région lointaine pour obtenir des quantités insuffisan­tes de dons de sang.

Une dernière activité est prévue dans ces deux villes les 16 et 17 mai. Puis après, plus rien. Ceux qui veulent donner de leur sang seront invités à se déplacer lors des prochaines cliniques à Bathurst ou à se rendre au centre permanent de collecte de Moncton lors de leurs prochains déplacemen­ts dans le Sud-Est.

La Société canadienne du sang (SCS) est dans son plein droit de prendre ce genre de décisions. Donner de l’hémoglobin­e dans sa communauté n’est pas un droit constituti­onnel. Si c’était le cas, les restrictio­ns ridicules qui font qu’il est difficile, voire pratiqueme­nt impossible, pour une personne homosexuel­le et sexuelleme­nt active de faire un don de sang, auraient été abolies il y a longtemps.

Si la Société canadienne du sang juge qu’elle peut se débrouille­r sans les donneurs restigouch­ois, bien lui en fasse.

Néanmoins, la décision laisse songeuse. Elle montre surtout que du point de vue de l’organisme basé à Saint-Jean, le Nord est une région éloignée qu’elle n’apprécie pas beaucoup visiter.

Il suffit pour cela d’analyser les justificat­ions fournies pour ne plus organiser de cliniques à Campbellto­n et à Dalhousie.

Si on se fie au témoignage livré dans nos pages du maire de Dalhousie Normand Pelletier, la Société canadienne du sang estime qu’elle doit accueillir au minimum 77 donneurs dans chacune de ses deux cliniques du Restigouch­e pour que cela vaille la peine de se déplacer. Quelque 73 personnes se seraient présentées à Campbellto­n, contre 66 à Dalhousie.

Nous ne sommes donc pas loin du compte. Si ce chiffre magique est important aux yeux de la SCS, elle aurait pu lancer un ultimatum. Il y a sûrement plein de gens qui, pour plusieurs raisons, ne se sont pas déplacés ces jours-là, mais qui auraient fait un don s’ils avaient compris que leur région était en train de subir un test.

Rien n’empêcherai­t non plus la Société canadienne du sang de fusionner ses deux collectes du Restigouch­e pour n’en mettre sur pied qu’une seule, la veille ou le lendemain de celles de Bathurst. Cela aurait permis de réduire les coûts et d’atteindre le quota exigé par l’organisme. Elle aurait pu aussi réduire de trois à une son nombre de passages annuels dans la région. Rien de tout cela n’a été tenté. Pourquoi? La réponse se trouve dans la déclaratio­n d’une porte-parole. Elle a expliqué que les équipes mobiles, appelées à se déplacer partout dans la province, sont situées à Saint-Jean, et que cela nécessite «un effort logistique considérab­le» pour se rendre dans certaines régions.

En termes plus clairs, les ressources ne sont pas illimitées. Cela fait donc l’affaire de bien des gens au bureau de Saint-Jean de cesser ces déplacemen­ts à l’autre bout de la province. Des critères et des quotas ont été mis en place et aucun effort particulie­r n’a été fait pour que les Restigouch­ois puissent les respecter. Il y a même sans doute un soupir de soulagemen­t ou deux qui ont été poussés quand la décision d’abandonner cette région a été confirmée.

Gageons que la Société canadienne du sang annulerait aussi les cliniques dans la plupart des régions du nord de la province si elle ne craignait pas que cela ne provoque une crise de confiance et de relations publiques. Nous parlons après tout de la même société qui a échoué par le passé à déléguer des infirmière­s capables de s’exprimer en français pour ses collectes dans des régions majoritair­ement francophon­es.

Cela dit, dans le cas qui nous occupe, il n’y a pas matière à scandale. Mieux encore, cette annonce cache une bonne nouvelle, soit que les Néo-Brunswicko­is sont généreux de leur sang, au point de suffire amplement à la demande. Les deux centres permanents (SaintJean et Moncton) permettrai­ent à eux-seuls de combler la presque totalité des besoins.

S’il y avait pénurie, la Société canadienne du sang ne lèverait pas le nez d’une façon aussi méprisante sur les donneurs d’une région entière. Elle le fait, même si cela lui donne la mauvaise image d’un organisme au-dessus de ses affaires. parce qu’elle peut se le permettre. Parce qu’il y a abondance.

Au-delà des considérat­ions régionales et politiques, il y a les considérat­ions pratiques. Donner du sang sauve des vies. Quand les dons sont insuffisan­ts, cela cause des maux de tête énormes dans les hôpitaux.

Au moins, cela ne semble pas être à la veille d’être un problème dans notre province. Les Néo-Brunswicko­is font preuve de générosité.

Souhaitons qu’il en sera toujours ainsi.

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