DÉCISION DÉCRIÉE DE TOUTES PARTS
FIN DES CLINIQUES DE SANG AU RESTIGOUCHE
Les quelque 140 dons de sang recueillis généralement lors des cliniques de Campbellton et de Dalhousie ont une valeur inestimable.
La Société canadienne du sang a avisé les deux villes du Restigouche, la semaine dernière, que les cliniques qui y sont prévues pour le mois de mai seraient les dernières, et ce, après plus de six décennies de services.
Questionnée sur cette annonce-surprise, la Société canadienne du sang a justifié sa décision par le faible nombre de donneurs comparativement aux coûts et à la logistique pour faire fonctionner ces deux cliniques.
Jason Burns souhaite de son côté voir les collectes de sang restigouchoises demeurer en place. Résident de Campbellton, celui-ci connaît mieux que quiconque l’importance des dons et d’un approvisionnement régulier en sang. C’est qu’il y a dix ans, il est passé à deux doigts de perdre son fils, Aidan.
Âgé de 2 ans et quelques mois à l’époque, le jeune enfant a dû subir d’urgence une transfusion de plaquettes en raison de ce qui se révélera plus tard être une leucémie. «On a failli le perdre», relate-t-il. «Ça a commencé par de petites rougeurs. On l’a transporté à l’hôpital et en quelques heures à peine, son état s’est dangereusement aggravé. Il avait besoin d’une transfusion de plaquettes et il n’y en avait pas à l’hôpital ni ailleurs dans la province. Il a dû être transporté par avion en Nouvelle-Écosse. Et deux heures après sa transfusion, il jouait dans un parc. Cette transfusion l’a sauvé», de mentionner le père.
Ces plaquettes auxquelles il fait référence proviennent directement de dons de sang. Et du sang, il en faut beaucoup pour produire ne serait-ce qu’une petite quantité de ces plaquettes.
Ce qui est arrivé à son fils a été un déclencheur pour Jason. Il n’avait jamais donné de sang auparavant. Depuis, il compte à son actif 18 dons de sang au Restigouche. Il en a même donné au Québec et aux États-Unis (Croix-Rouge).
Dans ce contexte, il déplore la décision de la Société canadienne du sang de cesser ses opérations dans le Restigouche, une décision qu’il qualifie de «bureaucratie typique» dont l’objectif est uniquement d’épargner de l’argent.
«Ils ne voient que le coût de leurs opérations, mais pas les bénéfices que cela rapporte auprès des gens. Le sang c’est coûteux à se procurer, c’est vrai. Cependant, combien paieriez-vous pour sauver la vie de votre enfant? Probablement beaucoup. Vous donneriez probablement tout ce que vous avez», indique-t-il.
Selon lui, l’organisme n’a pas le luxe de risque de perdre les donneurs du Restigouche.
«Ont-ils un si gros surplus de sang qu’ils peuvent se permettre de se passer d’autant de donneurs?», s’interroge-t-il.
«Si vous posez la question à la Société du sang du Canada, elle vous dira qu’elle a besoin de sang, qu’elle a besoin de donneurs, que la demande est grandissante. Alors, pourquoi diminuer ta base de donneurs? Car c’est faux de penser qu’ils seront en mesure de remplacer les 140 donneurs d’ici par 140 autres dans le Sud. Que vont-ils faire pour attirer autant de nouveaux donneurs?», se questionne M. Burns, soulignant qu’il est déjà très difficile de convaincre des gens de donner du sang sur une base régulière.
«Donner du sang, ce n’est pas une activité plaisante. On prend une longue aiguille et on te rentre ça dans le bras. Et en plus d’être dé- sagréable, c’est quelque chose que tu fais sans aucune compensation. Les gens ne passent pas par ce processus pour avoir un biscuit. C’est un geste totalement altruiste. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on ne peut pas acheter du sang. C’est illégal. On ne peut pas en fabriquer non plus ni prendre celui d’un animal. La seule option, ce sont les donneurs.»
«Alors, quand tu as près de 140 personnes qui sont prêtes à faire tout ça, tu en prends soin. Ces gens sont précieux, irremplaçables», prévient-il.
Jason Burns se dit prêt à éventuellement se déplacer à Bathurst ou à Moncton pour faire ses dons de sang. Mais il prévient que plusieurs n’emboîteront pas le pas.
«Dans mon cas, je suis motivé par mon expérience personnelle d’avoir vu mon fils revenir littéralement à la vie. Mais tous n’ont pas été sensibilisés de la même manière que moi… et heureusement», avoue-t-il.
Dix ans plus tard, les choses se sont replacées pour Aidan. Son cancer fait parti du passé. Le jeune homme est en parfaite santé et s’apprête même à passer sa ceinture noire en taekwondo.
«Jamais je ne pourrai donner suffisamment de sang pour racheter la seconde chance qu’on a donnée à mon garçon. C’est une dette que je ne pourrai jamais m’acquitter. C’est à mon tour de donner pour sauver la vie d’un autre enfant», témoigne-t-il.