Acadie Nouvelle

DEPUIS QUAND FAUT-IL AIMER SA LANGUE?

Bon, c’est fait, c’est officiel, rien ne pourra plus jamais y changer quoi que ce soit: le printemps 2017 est commencé. Comme chaque année, il a fait son entrée solennelle dans le calendrier au bras de la Semaine de la Francophon­ie.

-

Cette année, pour nous faire damner, le printemps s’est aussi amené avec quasiment un mètre de neige, mais puisque la popularité politique officielle de la Francophon­ie ne dure qu’une semaine, on oublie la neige pour bien profiter de la Francophon­ie pendant qu’elle est hot, qu’elle est too much, qu’elle est right on, qu’elle buzze, la si belle francophon­ie!

Parce que la semaine prochaine, la servile cutie cédera encore la place à la langue anglaise, notamment dans des émissions comme La Voix à TVA (ou Ze Voice, Frônce).

Bon, ici, normalemen­t, je devais écrire un paragraphe pour dénoncer le fait que dans ces émissions on n’exige pas, carrément, que les jeunes talents à la glotte d’or chantent en français pendant le concours. Il me semble que pour un peuple aux abois, comme le peuple québécois, ou un peuple en émois, comme le peuple acadien, ça devrait aller de soi qu’on exige du français wall to wall dans un concours présenté sur une chaîne qui prétend diffuser une programmat­ion en français.

Mais, comme vous pouvez le constater tous les dimanches, ce n’est pas ce qui se passe. À qui la faute? Aucune idée. Est-ce la faute des producteur­s? Du diffuseur qui veut faire une piasse? Des artistes-coaches qui s’en balancent en autant qu’ils empochent leur cachet?

Ensuite, les milieux musicaux au Québec se désolent, avec force trémolos dans le gorgoton, de la baisse des ventes d’albums, ou du désintérêt pour leur musique française. On exige même des quotas de diffusion de musique française sur les ondes des radios, pour sauver la langue, la musique, le pays et que sais-je encore! Mais je me demande bien pourquoi on ne fait pas la même chose avec les concours télé!

C’est quand même désespéran­t de voir que les artistes francophon­es qui demandent des quotas de musique française s’en vont à TVA encourager les jeunes francophon­es à chanter en anglais!

Ces «jeunes talents Catelli» contempora­ins sont fascinés par la gloriole du star system à la québécoise, et justement parce qu’ils aspirent à en faire partie, je parie qu’ils seraient prêts à chanter uniquement en français si telles étaient les règles du concours, surtout dans un pays, le Québec, qui se targue d’être le Grand Défenseur du fait français sur le continent américain.

Évidemment, après avoir contribué à l’assimilati­on d’une génération, on pourra ensuite aller faire un tour à Tout le monde en parle pour ergoter sur la nécessité de sauver la langue française en Amérique!

Mais cela dit, au point où l’on en est, who cares?

Pendant qu’on se débat avec notre semaine de la langue française, en se demandant si c’est pas trop long, faudrait surtout pas faire freaker les enfants, nos cousins français en ont eux aussi plein les bras avec leur Ze Voice. Ils n’ont même pas jugé utile de traduire le nom de l’émission en français, c’est vous dire à quel point ils sont déjà prêts à laisser le terrain à plus fort qu’eux. Encore!

Si Marine Le Pen, telle une Jeanne d’Arc des temps modernes, veut bouter l’Europe hors de France, on peut compter sur Ze Voice pour tenter de sauver la langue anglaise! Phoqué, tu dis?

Mais en réalité presque tous les The Voice du monde, Pays-Bas, Autriche, Afrique, Italie, Russie, etc., mettent de l’avant une majorité de tounes en langue anglaise.

Le phénomène est encore plus marqué lors du concours Eurovision de la chanson, le plus grand concours de chanson créé et maintenant retransmis à la grandeur du monde.

Nous vivons un changement de paradigme culturel planétaire, il faut s’y faire. La mondialisa­tion et la médiatisat­ion tous azimuts ont transformé la planète en un grand souk à ciel ouvert. Dans ce contexte, il est normal que l’anglais, déjà lingua franca de l’économie, du commerce et des sciences, devienne aussi la langue véhiculair­e de cette nouvelle réalité musicale culturelle.

Finalement, je me lamente pour rien!

Tant mieux si la célébratio­n d’une semaine de la francophon­ie permet à des frenchies d’avoir du fun et de s’enjoyer.

Il y a tellement de choses excitantes à faire dans une semaine de la francophon­ie! Comme…, je sais pas, moi… disons… euh… bon, ça me vient pas right away, là, mais demandez à vos enfants what’s cookin’ à l’école, c’te semaine. Juste les highlights déjà, ça vous donnera une mozusse de bonne hint.

Évidemment, c’est aussi un moment extrêmemen­t important pour toutes ces bonnes personnes qui nous gouvernent: c’est leur moment par excellence!

Leur moment par excellence, c’est ce moment unique où ces bonnes personnes qui nous gouvernent renouvelle­nt publiqueme­nt leur attachemen­t à la langue française en sortant leurs discours fancy, stuffés avec des adjectifs pis toute.

C’est le grand moment qu’on attend tous au fond, avouons-le. On se tortille sur le bord de notre chaise juste à y penser. On a hâte que ça arrive, parce que plus vite ce sera arrivé, plus vite ce sera fini. Et on pourra passer à d’autres choses plus le fun, sans se sentir coupables de manquer de guts pour défendre notre langue.

Et c’est ben correct comme ça! Depuis quand faut-il aimer sa langue? Depuis quand faut-il y faire attention? Des fois, je me trouve stupide de faire des sermons sur le français. De quoi je me mêle? Live and let live, comme disent les A. A. Pis let it be, comme disent les Beatles! Han, Madame?

 ??  ?? Il me semble que ça devrait aller de soi qu’on exige du français wall to wall dans un concours présenté sur une chaîne qui prétend diffuser une programmat­ion en français. − Archives
Il me semble que ça devrait aller de soi qu’on exige du français wall to wall dans un concours présenté sur une chaîne qui prétend diffuser une programmat­ion en français. − Archives
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada