LA MAGIE FAIT ENCORE EFFET
Pourquoi refaire presque plan pour plan un classique du cinéma? Surtout quand le classique en question a été, en 1991, la première oeuvre d’animation de l’histoire désignée finaliste à l’Oscar du meilleur film?
Les cyniques comme moi répondront l’argent.
Et il serait difficile de les contredire quand on sait qu’après seulement six jours en salles, la nouvelle mouture de La Belle et la Bête avait engrangé des recettes près de deux fois et demie supérieures à son budget de production...
D’autres voient plutôt dans ce retour à la mode des classiques un phénomène qui peut être expliqué par la science.
Citant les réputés travaux du psychologue Bruno Bettelheim, le magazine Film School Rejects soulignait cette semaine qu’en cette période mondiale trouble, les contes classiques de notre enfance ont un effet apaisant sur le subconscient.
À une époque où la technologie évolue rapidement et où il semble impossible d’échapper aux mauvaises nouvelles, le cinéphile moyen sent le besoin de se raccrocher à ce qu’il connaît et le réconforte.
Et comme objet de réconfort, difficile de trouver mieux que La Belle et la Bête. Cette histoire simple sur le thème de l’humanité et de la beauté fait partie des fondements culturels occidentaux depuis qu’elle a été publiée par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, il y a 260 ans.
Depuis, l’oeuvre a été adaptée à pas moins de 15 reprises au cinéma, notamment dans l’exceptionnel dessin animé de Disney, en 1991.
Dernier réalisateur en date à s’attaquer au classique, Bill Condon joue pleinement la carte du réconfort par le familier en utilisant avec brio les technologies d’aujourd’hui pour dépoussiérer le classique de 1991.
HISTOIRE CLASSIQUE
L’histoire, vous la connaissez. C’est celle d’un prince (Dan Stevens) dont l’égoïsme a été puni par une sorcière, qui l’a transformé en bête hideuse. Il doit donc trouver le moyen d’être aimé comme il est, sans quoi, il ne retrouvera jamais sa forme humaine.
Un jour, Belle (Emma Watson), une jeune paysanne française portée sur la littérature, est faite prisonnière dans le château de la Bête.
Petit à petit, Belle et la Bête se découvriront des affinités. Mais est-ce que leur amitié naissante pourra se transformer en véritable amour? D’autant plus que le vil Gaston (Luke Evans) est prêt à tout pour tirer Belle des griffes de la Bête et ainsi obtenir ses faveurs?
ATTENTION DU DÉTAIL
Cette nouvelle incursion dans l’univers de la Belle et la Bête est tout simplement magnifique.
Je me prosterne devant les efforts de Condon et de son équipe pour recréer presque intégralement les décors et les costumes qui ont fait du dessin animé de 1991 un classique. Il faut une minutie à toute épreuve et une patience d’ange pour atteindre un tel degré de perfection.
Les détails de la scène d’ouverture, un grand bal dans l’opulente France du Siècle des Lumières, sont à couper le souffle.
Il faut aussi souligner le défi technique et logistique qu’a dû poser le tournage des chorégraphies musicales qui se déroulent dans le rudement bien reconstitué village de Belle.
EFFETS ET TON
La Belle et la Bête présente de nombreuses autres qualités, à commencer par le jeu de Watson. Dans un film de ce genre, il est primordial que les comédiens trouvent l’équilibre entre vérité et caricature. Celle qui a été rendue célèbre par son interprétation d’Hermione dans la saga Harry Potter y parvient parfaitement.
J’ai par contre été légèrement déçu de la qualité des effets visuels. Contrairement à un autre film récent de Disney, Le livre de la jungle, les interactions entre comédiens et images de synthèses manquaient à l’occasion de finition.
Et il me semble qu’un film fantastique dans lequel tout est possible aurait été propice à une utilisation beaucoup plus audacieuse de la troisième dimension.
J’aurais aussi aimé que cette nouvelle mouture se montre un peu plus exploratrice au niveau du récit. L’occasion aurait de plus été belle de nuancer la personnalité des personnages.
Probablement que Condon a compris qu’en altérant un aussi grand classique, il ne donnerait pas à son public ce qu’il cherche précisément: une insouciante incursion dans un univers confortablement familier.