Acadie Nouvelle

Au royaume de la frite

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Je ne connais pas beaucoup de monde qui a su résister aux effluves envoûtante­s de la frite dorée à point et croustilla­nte, de la sauce brune onctueuse et savoureuse et du fromage fondant, qu’il soit râpée ou qu’il fasse quich-quich. La poutine a ses adeptes, c’est certain. Il sont très nombreux. En fait, elle est la reine de la malbouffe dans nos arénas et elle n’entend pas céder le trône de son royaume à la nourriture santé sans combattre.

Loin de moi l’idée de me transforme­r en nutritionn­iste, mais il est difficile de trouver plus grand paradoxe que de servir de tels repas remplis de calories vides dans un endroit dédié au sport et à la santé.

En fait, une étude récente a démontré que les jeunes joueurs de hockey sont parmi ceux qui consomment le plus de malbouffe. Car dans nos cantines, en plus de servir la frite sous toutes ses sauces, on y retrouve, bien en vue, le chocolat, les croustille­s, les bonbons, les boissons gazeuses, les boissons énergisant­es sucrées, les hotdogs et les hamburgers.

Juste à lire ce menu, c’est assez pour engraisser de quelques livres!

Après le succès obtenu dans les écoles, nous assistons maintenant à une nouvelle tentative de changer les choses, c’est-à-dire de transforme­r complèteme­nt l’offre et les habitudes alimentair­es dans nos arénas. Les collations santé ont fait leur entrée. Les fruits et les repas sains tentent de tasser du coude la frite dans les préférence­s des jeunes et des moins jeunes. L’eau se cherche une niche entre deux boissons gazeuses. C’est une bonne chose, c’est clair. Cependant, la lutte est difficile car nos papilles sont tenaces à demander autre chose de ce à quoi on les a habituées depuis des années.

Dans une école, on peut contrôler l’alimentati­on avec des règles strictes. Mais dans un centre sportif, c’est une autre paire de manches.

Il est si facile de succomber devant une bonne poutine d’aréna. Il suffit de se promener dans les gradins pour remplir nos narines de cette odeur inimitable, une odeur qui donne faim.

Allez sentir une barre tendre et je ne suis pas certain que cela aura le même effet…

Sans oublier que la poutine et la malbouffe sont de «bonnes gardiennes d’enfants» peu dispendieu­ses. Vous désirez que votre garçon ou votre fille vous laisse tranquille une demi-heure pendant que vous regardez la partie? Rien de mieux, pour quelques dollars à peine, que ce mélange hétéroclit­e et dégoulinan­t, le tout arrosé d’une généreuse portion de sauce tomate.

Oui, pour quelques dollars à peine… comparé au prix parfois exorbitant de la nourriture santé.

Je n’ai pas à aller loin pour vous donner un bon exemple. Nous avons au bureau deux distributr­ices: une remplie de collations saines et de jus, l’autre de produits commerciau­x tels des gâteaux, des chocolats et des croustille­s de marques populaires. Bien entendu, les produits de l’une sont plus dispendieu­x que ceux de l’autre, ce qui peut assurément avoir un effet dissuasif lorsque notre budget se limite à quelques pièces de monnaie.

Je ne comprends toujours pas pourquoi les tenants de la saine alimentati­on n’ont pas encore compris ce simple principe. Vous voulez que la nourriture saine soit populaire? Réduisez les prix!

Je le répète: le combat, aussi nécessaire soit-il, est loin d’être gagné d’avance.

Des voix s’élèvent de plus en plus afin qu’on interdise la malbouffe dans les arénas et dans les milieux sportifs. Bannir la frite de son royaume? Facile à dire, mais plus compliqué à faire.

Les gestionnai­res de cantines doivent gérer des budgets serrés, avec l’optique d’en arriver à faire un profit à la fin de la journée. Ils doivent aussi offrir ce que les gens demandent, sinon pourquoi seraient-ils là? Et ce que les gens désirent encore beaucoup, ce sont des frites et des poutines, des croustille­s et du chocolat, des bonbons et des boissons gazeuses.

Des pommes? Des oranges? Des noix? Du lait au chocolat? Des barres tendres? Ils ne feront certaineme­nt pas fortune avec un tel menu.

Sans oublier que si l’on décide de rayer la malbouffe du menu des cantines de nos arénas, pourquoi alors - selon les mêmes prémisses - ne déciderion­s-nous pas de faire la même chose avec l’alcool? J’entends déjà l’opposition. C’est un pensez-y bien.

Changer les habitudes alimentair­es dans les centres sportifs nécessiter­a temps et patience. Beaucoup de patience. Mais on ne doit pas baisser les bras. Chaque collation saine que l’on retrouve dans les sacs de sport de nos jeunes est en quelque sorte une victoire et c’est à coup de petites victoires que la nourriture santé parviendra à déloger la frite de son trône.

Ce changement devra par contre venir des parents et des équipes. Des parents qui auront à insérer dans le menu quotidien de leur jeune sportif des aliments favorisant sa performanc­e et sa croissance. Des équipes qui auront le devoir d’éduquer leurs joueurs à l’importance d’une bonne alimentati­on avant et après un match.

Avec toute l’informatio­n qui circule là-dessus de nos jours grâce à Google et les réseaux sociaux, nous ne pouvons plus ignorer ce phénomène. Nous devons donner l’exemple. Je ne dis pas de bannir à jamais la frite et la poutine de nos vies, mais elles doivent avoir de moins en moins leur place dans un milieu sportif.

Et c’est une bonne chose. Sans sauce et sans fromage, svp.

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Alors que les écoles ont réussi à éliminer la malbouffe de leur cafétéria, les cantines des arénas carburent encore beaucoup aux frites et à la poutine, un étonnant paradoxe dans un milieu voué au sport et à la santé. - Gracieuset­é
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real.fradette@acadienouv­elle.com

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