Acadie Nouvelle

JANINE SUTTO PLEURÉE EN ACADIE

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La comédienne québécoise Janine Sutto est décédée dans la nuit de mardi à l’âge de 95 ans.

Née en France le 20 avril 1921, à Paris, cette comédienne, qui aura incarné des centaines de rôles au cours de sa vie, est arrivée au Québec à l’âge de neuf ans.

C’est à l’âge de 18 ans qu’elle entame ce qui sera une longue et prolifique carrière, encouragée par son père, Léopold Sutto, qui était un ami de Charles Pathé, le fondateur de la célèbre maison de production cinématogr­aphique du même nom, ainsi que par la comédienne Sita Riddez, une amie de la famille.

Janine Sutto se joint rapidement à la troupe Montreal Repertory Theatre et au début des années 1940 elle se produit dans plusieurs pièces de théâtre, au Théâtre Arcade, tout en participan­t à des radioroman­s.

Elle fonde à la même époque le Théâtre l’Équipe, avec Pierre Dagenais, où elle joue de grands rôles, comme ceux de Tessa et Fanny, dans Marius, et de Julie, dans Liliom. Elle épouse M. Dagenais en 1944, mais leur union ne dure qu’un an.

En 1945, Mme Sutto est couronnée Miss Radio et elle quitte le Canada l’année suivante pour prendre une année sabbatique à Paris, où elle rencontrer­a son second mari, Henri Deyglun. De leur mariage découle la naissance en 1958 de leurs filles jumelles, Mireille, elle aussi devenue comédienne et aujourd’hui l’épouse du journalist­e JeanFranço­is Lépine, et Catherine, qui est atteinte de trisomie 21. Janine Sutto, contre l’avis de plusieurs, décide de s’occuper elle-même de sa fille déficiente intellectu­elle.

De retour au Québec, en 1947, Mme Sutto poursuit sa carrière sur scène et à la radio. Elle participe notamment aux feuilleton­s radiophoni­ques populaires de l’époque Jeunesse dorée et Rue Principale.

Au cours des années 1950, les planches du Théâtre du Rideau Vert et du Théâtre du Nouveau Monde offrent plusieurs rôles importants à Janine Sutto.

Mais le parcours artistique de la comédienne l’amène par ailleurs à participer aux débuts du cinéma canadien-français, grâce à son rôle dans le film Le Père Chopin, en 1945, ainsi qu’à ceux de la télévision, dans Les Belles Histoires des Pays-d'en-Haut. Cette série culte de l’histoire culturelle québécoise a rivé les Québécois devant leur petit écran de 1956 à 1970, après que le roman qui a inspiré la télésérie, Un Homme et son péché, eut généré un radioroman, une pièce de théâtre et des films.

En 1968, Janine Sutto est de la distributi­on de la première pièce de théâtre d’un nouveau venu: Michel Tremblay. Les Belles Soeurs connaît un succès instantané et Janine Sutto retrouvera d’ailleurs l’univers de ce classique du théâtre québécois à l’occasion d’une version musicale, qui sera présentée à l’été 2010. Elle participe ensuite, au printemps 2012, à une série de représenta­tions au Théâtre du Rond-Point de Paris, ainsi qu’à une tournée québécoise en 2011, 2012 et 2013.

Pendant toute sa carrière, Mme Sutto est demeurée présente à la fois au théâtre et à la télévision. De 1970 à 1977, elle incarne Berthe Lespérance dans la comédie Symphorien, rôle pour lequel elle recevra le titre de Miss Télévision, en 1972. Sa vie personnell­e est cependant perturbée par la perte de son époux Henri Deyglun, décédé d’un cancer en 1971.

Celle qui est connue surtout comme étant une grande comédienne aura aussi touché à la mise en scène à quelques reprises, au fil de sa carrière, dont une première fois en 1978, pour la pièce Sonnez les matines, de Félix Leclerc, qui est présentée au Théâtre du Rideau Vert.

Parmi les nombreux projets auquel elle a participé, notons les films L'Initiation, Kamouraska, et plus récemment le Congorama de Philippe Falardeau et La Capture, en 2007.

Du côté de la télévision, les personnage­s qu’elle a incarnés sont également très nombreux, et surtout fort diversifié­s, Mme Sutto ayant été autant de l’équipe de Avec un grand A ou Ent'Cadieux, que des téléséries Les Boys III, Watatatow ou encore Les Invincible­s. Entre 2001 et 2003, elle tient également une chronique sur le sexe à l’émission Fun Noir de Normand Brathwaite, sur les ondes de TQS.

Et à 87 ans, Janine Sutto s’est même lancée dans la webtélé, en participan­t à l’émission Chez Jules, écrite par la scénariste et ex-chroniqueu­se au Journal de Montréal, Geneviève Lefebvre, auteure des Chroniques blondes.

Outre sa carrière prolifique de comédienne, Janine Sutto a aussi été militante pour la cause de la déficience intellectu­elle, devenant notamment porte-parole de l’Associatio­n de Montréal pour la déficience intellectu­elle (AMDI). Il existe depuis 2005 un Prix Janine Sutto, qui souligne la contributi­on d’une personne ou d’un organisme à l’intégratio­n des personnes ayant une déficience intellectu­elle, et la Soirée-Théâtre Janine Sutto représente la plus importante activité de financemen­t de l’AMDI.

Janine Sutto s’est vue décerner plusieurs prix hommages, notamment le Prix Hommage Rideau et le Grand Prix de l’Académie du Gala des Prix Gémeaux, pour l’ensemble de sa carrière, en 2000, un prix hommage lors de la Soirée des masques, en 2001, et le Prix Hommage Quebecor, en 2008.

Mme Sutto a également été faite Officier de l’Ordre du Canada, en 1986, avant d’être élevée au rang de Compagnon de l’Ordre du Canada, en 1992, et elle a été nommée Chevalier de l’Ordre National du Québec, en 1998.

Sa biographie Vivre avec le destin, écrite par Jean-François Lépine, a été publiée en 2010.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a écrit sur son compte Twitter que la mort de cette femme d’exception mettait le Québec en deuil.

En octobre dernier, Mme Sutto a assisté en compagnie du maire Coderre au dévoilemen­t d’une murale de l’artiste Kevin Ledo à son effigie sur la rue Montcalm, dans l’arrondisse­ment Ville-Marie.

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Janine Sutto, en 2011, à Montréal. - La Presse canadienne: Graham Hughes

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