Acadie Nouvelle

Un homme se dit victime de profilage racial à Campbellto­n

- Jean-François

Une accusation en vertu du Code de la route s’est transformé­e, mercredi au Palais de justice de Campbellto­n, en débat à savoir si un policier a fait preuve de racisme envers un représenta­nt d’une minorité visible lors d’une interventi­on.

Résidant de Campbellto­n, Gordie Hum a écopé, le 9 août 2016, d’une contravent­ion pour avoir omis de porter sa ceinture de sécurité alors qu’il circulait dans les rues de la ville. L’homme âgé de 70 ans a toutefois contesté celle-ci accusant plutôt le policier responsabl­e d’avoir effectuer du profilage racial à son égard.

Hum, un ancien directeur d’école sino-canadien, est convaincu d’avoir été arrêté par un agent de la GRC en partie en raison de la couleur de sa peau. Pendant leur conversati­on au moment de l’incident, le policier lui aurait également demandé s’il était autochtone. Cette question a irrité au plus haut point l’accusé qui, en plus de contester sa contravent­ion, a porté plainte à la GRC ainsi qu’à la Commission des droits de la personne.

«Il n’avait pas le droit de me demander mes origines. Ça n’avait absolument aucun lien avec l’infraction», exprime-t-il.

Mercredi lors de son procès, M. Hum n’en démordait pas: le policier avait fait preuve de racisme à son égard cette journée.

Présent dans la salle d’audience, le gendarme en cause, le constable Stéphane Dugas - un policier d’expérience -, ne semblait visiblemen­t pas très heureux de se voir attribuer les qualificat­ifs de «mauvais policier» et de «raciste» exprimés par l’accusé.

Appelé à la barre des témoins, il a expliqué les circonstan­ces qui l’ont amené à interpelle­r M. Hum, soit qu’il l’a clairement observé au volant de son véhicule sans sa ceinture de sécurité. Il en a profité pour réfuter les allégation­s de profilage racial. «Je n’ai rien fait de mal», a-t-il dit. Selon lui, la question de la provenance de M. Hum est survenue de façon banale lors d’une conversati­on amicale entre les deux hommes. L’immatricul­ation du véhicule (Alberta), le permis de conduire de M. Hum (Manitoba) et sa preuve d’assurance (Nouveau-Brunswick) avaient notamment soulevé sa curiosité.

«Il me disait qu’il travaillai­t dans les écoles au Manitoba avec les autochtone­s et qu’il appréciait leur contact. Je lui ai simplement demandé s’il était lui-même autochtone et s’il provenait de la réserve de Listuguj. C’était de la simple curiosité, pour faire la discussion. Il n’y avait pas d’arrière-pensée là. Parler aux gens fait partie de mon métier», a rappelé le policier.

Mais pour l’accusé, cette référence à sa nationalit­é était de trop.

«Je n’ai pas aimé le ton de sa voix ni le choix de ses mots», a-t-il exprimé à son tour.

À la barre des témoins, M. Hum a d’ailleurs avoué sa culpabilit­é vis-à-vis l’infraction dont il était accusé.

«Je ne vais pas mentir, je ne portais pas ma ceinture», a-t-il clairement lancé, un aveu qui a vite eu fait de solder l’issue du procès.

Pour Gordie Hum, ce procès était surtout une occasion de porter à l’attention du public le manque de formation des policiers de la GRC en ce qui a trait à leurs interventi­ons auprès des minorités visibles.

À sa sortie du tribunal, il a indiqué qu’il était satisfait d’avoir pu exprimer son point de vue bien qu’il ait perdu sa cause.

«C’était davantage une question de principe que pour m’opposer à la contravent­ion. Je voulais attirer l’attention sur le fait que la formation des policiers de la GRC est déficiente, qu’on n’offre qu’une toute petite formation en ligne de deux heures aux policiers sur comment interagir avec les minorités visibles, donc environ huit millions de Canadiens. C’est une farce et j’espère que ça va changer», espère-t-il, notant que ses plaintes envers la GRC et la Commission des droits de la personne sont toujours en traitement.

PAS DE PROFILAGE, DIT LA JUGE

Si elle dit comprendre le geste de M. Hum, la juge Suzanne Bernard a dû rappeler l’accusé à l’ordre à plusieurs reprises. Elle lui a notamment rappelé qu’il était en cour mercredi pour assurer sa défense face à son accusation du code de la route, et non pour faire le procès du policier en question.

La magistrate a statué qu’à la lumière des faits, il semblait clair que le policier n’avait pas intercepté l’accusé au préalable en raison de sa race. Et puisque ce dernier a avoué ne pas porter sa ceinture, elle l’a reconnu coupable de l’infraction et imposé l’amende minimale soit 172,50$. Du coup, elle a fait fi de la recommanda­tion de la Couronne qu’une amende plus importante soit imposée pour avoir inutilemen­t monopolisé le système de justice.

La juge Bernard s’est par ailleurs permis une liberté en exposant son point de vue sur les allégation­s de profilage racial portées contre le policier, et ce, bien que ces accusation­s seront traitées ailleurs que dans sa salle de cour.

«Des témoignage­s que j’ai entendus, je ne vois aucune preuve qui m’amène à penser qu’il y a eu du racisme ou du profilage racial dans cette interventi­on. Mais c’est mon opinion», a précisé la juge.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada