Acadie Nouvelle

Système opaque, abus prévisible­s

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Le printemps est synonyme du retour du beau temps et de la fonte des neiges. Pour des dizaines de milliers de Néo-Brunswicko­is, il signifie aussi une hausse annuelle salée de la facture foncière. Il semble toutefois que cette fois, le gouverneme­nt du N.-B. ait dépassé les bornes.

Ça brasse à l’Assemblée législativ­e ces jours-ci. L’opposition dirigée par Blaine Higgs multiplie les questions et les accusation­s à l’endroit du gouverneme­nt libéral.

Votre facture annuelle peut augmenter de deux façons.

D’abord, à la suite d’une décision du conseil municipal, qui décide lors du dépôt de son budget s’il augmentera le taux par 100$ d’évaluation. Puis, à la suite d’une évaluation de Service NB, qui peut déterminer que votre résidence a pris de la valeur dans les dernières années.

Ainsi donc, même si les élus de votre communauté vous ont annoncé fièrement avoir accordé un répit aux propriétai­res, il est fort probable que vous verrez malgré tout votre facture augmenter.

Les progressis­tes-conservate­urs profitent de la grogne annuelle du printemps des propriétai­res résidentie­ls et immobilier­s pour condamner la façon dont les évaluation­s sont effectuées. Cette année, les révélation­s se multiplien­t. Et le gouverneme­nt Gallant est pris de court par la crise qui est en train de naître sous son nez.

Il a été révélé à la mi-mars que la facture de taxe foncière de quelque 2400 propriétai­res contient des erreurs. Nous avons appris entretemps que cela n’est pas inhabituel. En 2015 et en 2016, Service NB avait émis pas moins de 5500 et 5900 nouvelles factures.

Le ministre responsabl­e Ed Doherty avait alors parlé d’innocentes erreurs de calcul...

C’est loin d’être le cas. Des sonneurs d’alarme ont partagé à CBC des courriels révélant que Service NB a littéralem­ent inventé des rénovation­s afin d’aller chercher plus d’argent dans les poches de ces citoyens. Même le premier ministre Brian Gallant a été troublé par ces informatio­ns. Il estime que Service NB a effectué ses évaluation­s «rapidement et de façon inappropri­ée».

Cet acte de contrition n’est pas suffisant pour l’opposition qui estime, avec raison, que quelqu’un au gouverneme­nt doit accepter la responsabi­lité de ce scandale. On ne peut pas s’amuser à jouer avec le système de taxation de cette manière sans que quelqu’un, quelque part, n’en subisse les conséquenc­es.

Cela dit, nous ne devrions pas être supris. Le système de taxation foncière du NouveauBru­nswick est tout sauf transparen­t. Bien malin celui qui arrive à comprendre de quelle manière les hausses d’évaluation­s sont décrétées.

Personne ne sait trop quand les évaluateur­s passent dans votre quartier, de quelle manière ils déterminen­t la valeur de votre maison, sur quels critères ils se basent, etc. Pire, il existe un système d’appel que de nombreux citoyens craignent d’utiliser en raison de la peur que le processus ne mène plutôt à une révision à la hausse!

C’est sans compter que l’évaluation d’une propriété telle que déterminée par Service NB n’est pas toujours représenta­tive de la valeur de celle-ci sur le marché.

À l’Assemblée législativ­e cette semaine, le premier ministre Brian Gallant a d’ailleurs lancé une pointe à son adversaire conservate­ur Blaine Higgs en soulignant qu’il a acheté un chalet au coût de 141 000$. Or, Service NB évalue la propriété à 51 500$.

L’inverse est aussi possible. En 2015, l’évaluation foncière de nombreux résidants de la ville nouvelleme­nt fusionnée de Tracadie avait fait les manchettes. Des hausses brutales avaient provoqué la colère des citoyens. Un homme s’était plaint d’avoir vu la valeur officielle de sa maison passer de 67 000$ à 142 000$. «Si je vendais, je n’en tirerais certaineme­nt pas ce prix-là. Où estce qu’ils ont été chercher ça?», avait-il dénoncé.

Certains s’en tirent beaucoup mieux. Un emplacemen­t qui doit abriter un terrain de camping dans lequel a investi le ministre Victor Boudreau a vu son évaluation diminuer de 46,9%.

Rendons aussi hommage à la famille Irving, qui sait toujours tirer son épingle du jeu. Le National Observer nous apprend cette semaine que la valeur du terrain où a été construit un terminal de gaz liquéfié à Saint-Jean est passée de 300 millions $ à seulement 98 millions $. Grâce à ce tour de passe-passe, Irving Oil verra sa facture foncière passer de 8,1 millions $ à 2,6 millions $.

Le problème, c’est que personne, à part les contribuab­les, n’a intérêt à ce que ça change.

La taxe foncière est la plus importante source de revenus des municipali­tés. Elle représente aussi une rentrée d’argent très importante pour le gouverneme­nt. Quand Service NB se «trompe» en inventant des rénovation­s à gauche et à droite, les administra­tions publiques trouvent peu à redire, elles qui sont toujours à la recherche de fonds pour équilibrer les comptes.

Nous avons toutefois le sentiment que cette fois-ci, Fredericto­n ne pourra pas échapper si facilement à ses responsabi­lités. Si les libéraux n’agissent pas, cet enjeu deviendra pour eux un boulet lors des prochaines élections, de la même manière que la hausse des primes d’assurance automobile a nui au gouverneme­nt de Bernard Lord en 2003, puis en 2006.

Le système doit changer afin d’éviter les erreurs ainsi que les abus et doit être plus transparen­t.

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