Acadie Nouvelle

Une campagne qui illustre bien les mutations du monde politique dans lequel nous vivons

- Vincent Pichard vincent.pichard@acadienouv­elle.com

Selon Christophe Traisnel, politologu­e à l’Université de Moncton, la campagne présidenti­elle française illustre les mutations du monde politique actuel. Elle est aussi révélatric­e des caractéris­tiques culturelle­s du pays et encore pleine de surprises. Décryptage.

Acadie Nouvelle: Assiste-t-on à une campagne spectacle?

Christophe Traisnel: Il y a un processus de personnali­sation des candidats qui s’observe dans les campagnes électorale­s depuis longtemps maintenant dans les pays anglo-saxons et qui a essaimé dans la plupart des démocratie­s occidental­es. La France a longtemps été l’exception. Ce n’est plus le cas. De la même manière dont on souligne la mondialisa­tion de l’économie, on peut parler de la mondialisa­tion de la culture politique.

A. N.: Une campagne semblable à celle qui a cours en ce moment en France, marquée par les affaires judiciaire­s des candidats, pourrait-elle se dérouler ainsi au Canada?

C. T.: Ce serait inconcevab­le. On peut parler de retard, mais en France, les règles éthiques ont moins d’incidence qu’au Canada. L’idée de la corruption est intolérabl­e ici. Elle existe néanmoins. On l’a vu avec la commission Charbonnea­u au Québec. Sous la mandature de Stephen Harper, des scandales ont éclaté, comme l’affaire Duffy.

A. N.: La montée en puissance de l’extrême droite est-elle inquiétant­e?

C. T.: L’extrême droite est l’expression de la contestati­on. Les Français sont des râleurs et des contestata­ires. Le général de Gaulle disait qu’ils étaient un peuple ingouverna­ble. Mais c’est aussi une spécificit­é qui apporte beaucoup de choses positives. On a souvent une vision péjorative du conflit. Il est pourtant important dans une démocratie. Les Français sont très bons dans l’expression du conflit.

A. N.: Quels sont les candidats qui, selon vous, mènent la meilleure campagne?

C. T.: Pour l’instant, c’est Emmanuel Macron. Il parvient à créer un effet d’entraîneme­nt avec ces ralliement­s successifs de gens de droite comme de gauche. L’autre personnali­té qui se démarque, c’est Marine Le Pen. Sa campagne est solide. Elle se montre prudente et se place dans une position de contestati­on du système. La tactique est plutôt bonne. On peut être en désaccord total avec son programme et ses positions, elle n’en reste pas moins très charismati­que.

A. N.: Les sondages sont-ils encore un indicateur fiable pour prédire l’issue du vote?

C. T.: On ne peut plus dire qu’une élection est jouée d’avance. Je pense que c’est ce qu’on peut retenir des derniers scrutins: on l’a vu aux États-Unis et en Grande-Bretagne avec le Brexit. Les cas de surprise se multiplien­t. Un analyste disait récemment que le populisme avait atteint un pic avec la victoire de Donald Trump et qu’il allait maintenant retomber. On n’en sait rien en fait. Tout est encore possible d’ici le premier tour (le 23 avril, NDLR). Il n’y a aucune certitude.

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Le politologu­e Christophe Traisnel pense qu’une campagne semblable à celle qui se déroule en France serait inconcevab­le au Canada. - Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue
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Emmanuel Macron. - Gracieuset­é
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Marine Le Pen. - Gracieuset­é

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