Crise de confiance
Ce n’est jamais bon signe quand l’opposition effectue des comparaisons avec Richard Nixon et le Watergate et que peu de gens s’écrient qu’elles sont exagérées.
Le gouvernement Gallant fait face à sa plus importante crise politique depuis son arrivée au pouvoir en 2014. Ses efforts pour mettre celle-ci derrière lui sont pour le moment insuffisants.
Le règne de Brian Gallant à titre de premier ministre ne ressemble en rien à celui du président Donald Trump, aux États-Unis, mais n’a pas non plus été un long fleuve tranquille.
Sa vaine tentative de faire payer aux aînés les plus aisés une plus grande part des coûts de résidence dans les foyers de soins, sa réponse à la crise du verglas et sa stratégie de briser le front commun des provinces pour signer une entente séparée sur la santé avec le gouvernement fédéral font partie des moments qui ont soulevé la controverse dans les dernières années.
Tout cela n’est rien comparativement au scandale des évaluations foncières, qui est en train d’entacher l’image de ce gouvernement.
Pensez-y comme il faut. Des fonctionnaires de Service NB ont fait le choix conscient de justifier des hausses en inventant des rénovations et en allant même jusqu’à les chiffrer.
Nous apprenons aussi que Service NB a accéléré, avec la bénédiction du Cabinet, l’introduction d’un système aérien d’évaluation de la valeur des propriétés. Il a pour heureuse conséquence de résulter en une hausse des revenus, tant pour les gouvernements que pour les municipalités.
Ces augmentations spectaculaires calculées à partir de ce système aérien ont poussé des fonctionnaires à inventer des rénovations.
Heureusement, tous les employés de Service NB ne sont pas des gens sans scrupules. C’est ainsi que certains d’entre eux ont sonné l’alarme et que le chat est sorti du sac.
Les libéraux ont depuis un gros problème. Des évaluations foncières ont été truquées et ils doivent démontrer qu’ils n’ont rien à avoir avec cela.
Ayant jugé qu’il est risqué de demander aux contribuables de leure faire confiance pour régler eux-mêmes le problème, ils ont embauché un juge à la retraite qui est au-dessus de tout soupçon. Il devra enquêter afin de découvrir qui savait quoi, et à quel moment.
Il s’agit d’un virage notable. À titre comparatif, notons que pour diriger l’examen public sur la crise du verglas, Fredericton a plutôt choisi la chef de la fonction publique provinciale et greffière du bureau du Conseil exécutif (dirigé par Brian Gallant), Judy Wagner.
Or, cette fois-ci, pas question de laisser l’enquête entre les mains de quelqu’un associé de trop près au pouvoir.
Deuxièmement, le gouvernement enlèvera des pattes de Service NB la mission d’effectuer les évaluations foncières au profit d’une nouvelle agence. Encore une fois, Fredericton reconnaît ici le bris de légitimité. Elle juge que société de la Couronne n’a pas été à la hauteur et que ce serait trop dangereux politiquement de lui laisser ces importantes responsabilités.
La grande surprise dans ce remue-ménage reste toutefois le fait que le ministre responsable de Service NB, Ed Doherty, a conservé son poste.
Celui-ci a perdu toute crédibilité, au point où il se voit interdire par son patron de répondre aux questions des journalistes ou à celles de l’opposition à la législature.
M. Doherty n’a probablement pas ordonné que les évaluations foncières soient truquées. Sauf que la grogne à propos des hausses persiste depuis déjà des semaines et qu’il a quand même fallu le bon travail de la CBC pour que le chat sorte du sac.
Le ministre n’a pas su ce qui s’est produit sous son nez ou ne voulait pas le savoir.
Il n’a pas été à la hauteur et rien ne démontre qu’il le sera dans le futur. Dans ces circonstances, le choix de Brian Gallant de le garder à ses côtés au lieu de nommer un autre ministre capable de bien gérer la suite des choses est incompréhensible.
Ce n’est pas une question de punir. Quand un problème est suffisamment grave au point de briser le lien avec les citoyens, il faut mettre en place les bonnes personnes pour le régler. À titre d’exemple, le président du Conseil du trésor et ancien ministre des Finances Roger Melanson aurait eu le sérieux et la crédibilité pour accomplir ce qui doit être fait.
C’est la stratégie qu’avait choisie Frank McKenna en 1997, à la suite des manifestations de Saint-Simon et de Saint-Sauveur. Son ministre de l’Éducation James Lockyer ayant perdu la confiance de la population, il l’avait remplacé par Bernard Richard. Celui-ci avait eu la mission de régler l’épineuse question des fermetures d’écoles.
Le premier ministre Gallant doit gérer une situation délicate. Il n’a peut-être rien à se reprocher, mais il n’arrive pas à le démontrer hors de tout doute.
Ce n’est jamais bon signe quand l’opposition effectue des comparaisons avec Richard Nixon et le Watergate et que bien peu de gens s’écrient qu’elles sont exagérées.
Il a avantage à s’entourer des bonnes personnes afin de s’assurer que le scandale meurt de sa belle mort avant les élections provinciales, l’année prochaine.