Acadie Nouvelle

Médecin de campagne: actuel, intelligen­t, mais pas assez humain

Les Acadiens peuvent en témoigner: offrir des soins de santé de qualité en région rurale est un défi de tous les instants. Dans Médecin de campagne, le réalisateu­r Thomas Lilti nous offre une intéressan­te réflexion sur la version française de cette triste

- patrice.cote@acadienouv­elle.com

Exode rural, qualité des soins de santé, vieillisse­ment de la population... Le film de Lilti (qui cosigne également le scénario) devrait toucher plusieurs cordes sensibles chez l’auditoire acadien.

Le portrait que brosse Médecin de campagne du système de santé français est loin d’être rose. Il est estomaquan­t de découvrir que dans un État socialiste comme la France, les citoyens qui vivent en région bénéficien­t de soins de santé dont la structure semble dater du 19e siècle...

Et le jeune homme âgé de 39 ans doit savoir de quoi il parle puisque, tenez-vous bien, il mène, parallèlem­ent à son métier de cinéaste, une carrière de médecin!

QUAND LE CANCER FRAPPE

Lilti nous fait découvrir les failles du système de santé de l’Hexagone par les yeux de ceux qui sont au front: les médecins de campagne.

Le film raconte donc le quotidien de JeanPierre Werner (François Cluzet), un médecin qui pratique dans le nord-ouest de la France et dont le travail consiste à visiter ses patients à leur domicile.

Un jour, Jean-Pierre apprend qu’il souffre d’un cancer du cerveau inopérable. Son oncologue est inflexible: Jean-Pierre doit se reposer s’il veut avoir une chance de guérir.

Mais le métier de médecin de campagne est loin d’être facile. Non seulement le spécialist­e est-il sur appel jour et nuit, mais il joue aussi le rôle de psychologu­e et de travailleu­r social.

Et comme le gouverneme­nt peine à recruter des médecins qui acceptent de travailler en région, Jean-Pierre doit couvrir un immense territoire.

Mais Jean-Pierre aime son travail et ses patients. Il s’entête donc à garder le rythme. Même quand «l’hôpital» lui envoie de l’aide sous la forme de Nathalie (Marianne Denicourt), une jeune médecin enthousias­te qui souhaite faire carrière hors du milieu hospitalie­r.

Tradition contre modernité, idéalisme contre cynisme; la collaborat­ion entre JeanPierre et Nathalie est difficile. D’autant plus que l’aîné insiste sur le fait que «le métier de médecin de campagne ne s’apprend pas...»

UN MESSAGE SUBTIL

À l’instar de nombreux films français, Médecin de campagne fait travailler les méninges. La caméra de Thomas Lilti nous permet de tirer nos propres conclusion­s sur l’ampleur de la tâche des médecins de campagne et les conditions dans lesquelles ils l’exercent.

Le cinéaste ne se fait pas provocateu­r ou critique en disant que les citoyens des régions méritent mieux. Ou que l’exode rural est mal. Ou que les élus doivent s’attaquer au vieillisse­ment de la population. Ou que l’économie des campagnes aurait besoin d’un petit remontant.

Il laisse plutôt son scénario et ses images parler. Et le message, bien que subtil, ne pourrait pas être plus clair: les régions rurales se vident et les citoyens qui y vivent en souffrent.

NI TRÈS DRÔLE, NI TRÈS TOUCHANT

La grande surprise avec Médecin de campagne, c’est que, même si le sujet s’y prêtait, ce n’est ni un film drôle, ni un film touchant.

Bien sûr, certaines scènes sont cocasses. Et la maladie de Jean-Pierre apporte un élément tragique à l’ensemble. Mais j’ai quitté le cinéma en me disant que l’oeuvre aurait davantage pu et dû m’émouvoir.

Pour vous donner une idée, la scène que j’ai préférée se déroule lors d’un surréel festival country au cours de laquelle des Français coiffés de chapeau de cowboy de pacotille dansent sur une reprise d’Alleluia du grand Leonard Cohen... Délicieuse­ment burlesque!

Cette difficulté du film à impliquer émotivemen­t son public repose également sur la faiblesse de ses protagonis­tes. Cluzet est brillant dans le rôle de Jean-Pierre, mais on se serait probableme­nt davantage identifié au personnage si celui-ci acceptait d’afficher sa vulnérabil­ité.

Quant à Nathalie, son rôle tient davantage à celui d’un faire valoir. Sans compter que Denicourt offre une performanc­e extrêmemen­t rigide.

Reste que Lilti a fait un choix: plutôt que d’approfondi­r ses personnage­s et de les placer dans des situations cocasses ou émouvantes, il a choisi de structurer son film de façon à ce que son message soit clair. L’ensemble est donc une succession pas toujours cohérente de tableaux épars dont Jean-Pierre et Nathalie sont les seuls fils conducteur­s.

En raison de la réflexion sociale qu’il impose, Médecin de campagne est loin d’être dénué d’intérêt. L’oeuvre aurait toutefois gagné à être un brin plus humaine. Comme la médecine, quoi!

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François Cluzet interprète un médecin de campagne dont le cancer le force à réévaluer ses priorités. - Gracieuset­é
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