Un signal d’alarme
Le journal La Presse a publié, il y a quelques jours, une série de textes très troublants sur la forme physique des jeunes d’aujourd’hui comparativement à ceux d’il y a 30 ans. Les résultats sont effrayants. C’est pire qu’on aurait pu imaginer. C’est un signal d’alarme que nous ne pouvons plus ignorer.
Selon diverses études récentes, la capacité cardiovasculaire des adolescents québécois est en chute libre depuis les années 1980 avec une baisse notable de 10% en général, et de près de 20% pour les garçons âgés de 17 ans.
En clair, les jeunes d’aujourd’hui sont nettement moins en forme et ils peuvent moins supporter un effort modéré que ceux qui ont vécu le début de l’ère technologique.
Vous allez dire que ces statistiques touchent les jeunes du Québec. Oui, c’est vrai. Mais il suffit de voir ce qui se passe autour de nous pour comprendre rapidement qu’elles sont applicables au Nouveau-Brunswick.
Ça ne prend pas la tête à Papineau pour constater que nos adolescents bougent moins. Il sont donc moins en forme. Ils sortent moins parce qu’ils sont davantage immobiles devant les divers écrans qui meublent maintenant notre vie (jeux vidéo, tablettes, téléphones intelligents, ordinateurs, télévision).
Le vélo, le gant de baseball ou encore la paire de patins et le bâton de hockey qui permettaient à la jeunesse d’il y a 30 ans de s’amuser pendant des heures à l’extérieur sont devenus des objets de musée qui accumulent la poussière, un souvenir déjà lointain de cette belle époque où tout fonctionnait à l’huile de bras et à l’huile de jambes.
Les répercussions d’une telle baisse de la forme physique vont également influencer le sport d’élite, parce que nous dénicherons de moins en moins de jeunes capables de produire un effort soutenu de forte intensité.
Même nos futurs enseignants en éducation physique seront moins en forme!
Les conséquences sont graves: le taux d’obésité est en forte hausse - on dépense moins de calories alors qu’on en absorbe toujours autant, sinon davantage - et les maladies cardiovasculaires apparaissent de plus en plus tôt. Aujourd’hui, un infarctus dans la trentaine n’est plus une exception, ont remarqué les chercheurs. Pire encore: l’espérance de vie de nos adolescents est maintenant inférieure à leurs parents.
On approche de la catastrophe. Rien de moins.
***** Ces données sont les conséquences directes de quelques facteurs bien simples à expliquer. Nous avons déjà mentionné les effets du développement des appareils électroniques, certes merveilleux pour la stimulation du cerveau, mais pas mal moins efficace au point de vue musculaire et cardiaque.
Le deuxième vient de la bureaucratie, qui tente - et qui réussit parfois depuis des années à réduire, sinon éliminer les cours d’éducation physique dans nos écoles afin d’accorder ces précieuses minutes récupérées à exercer le corps - inutile selon bien des fonctionnaires - aux matières de base.
Pourtant, depuis quelques années, nos écoles ont le devoir d’offrir un certain nombre de minutes par semaine à l’activité physique, spécialement au primaire. Mais si plus de 30% des écoles au Québec ne respectent pas cette consigne de 120 minutes par semaine, il est possible de croire que nos établissements scolaires du NouveauBrunswick ne réussissent pas toujours à assurer la norme recommandée.
Le troisième est le coût de plus en plus exorbitant de l’équipement sportif. De nombreuses familles à faible revenu ne peuvent absolument pas se payer un bon soulier de marche ou encore un équipement adéquat pour leurs enfants. De plus, Ottawa vient d’enlever le crédit d’impôt lié aux activités sportives et culturelles. Pourquoi alors ne le remplacerait-il pas par un rabais direct aux activités sportives pour les familles moins aisées?
Oui, nous approchons de la catastrophe. Mais il y a de l’espoir.
***** Au Québec, on vient de mettre en place la toute première politique en matière de sport et d’activité physique. Le gouvernement y va d’un investissement de 64 millions $ sur trois ans pour inciter un plus grand nombre de Québécois à faire au moins 60 minutes d’activité physique par jour, comme le conseille l’Organisation mondiale de la santé. Ce montant s’ajoute aux 507 millions $ que le gouvernement Couillard a déjà prévu investir dans divers projets d’installations sportives et récréatives à travers la province.
Les parents, les enseignants et des personnalités publiques - tel Pierre Lavoie - sont sollicités afin de trouver des moyens de faire bouger leurs élèves et leurs enfants au moins 60 minutes par jour. La politique vise à faire passer le nombre d’enfants qui font 60 minutes d’activité physique par jour de 59 à 79% d’ici 2027, et le nombre d’adolescents, de 44 à 64%.
Le défi est important et ce projet n’est peut-être pas parfait, mais les récentes statistiques démontrent la nécessité de ce coup de barre.
Il serait temps pour le NouveauBrunswick d’adopter une politique semblable, à notre échelle. On pourrait également revoir l’ensemble de l’éducation physique offert dans nos écoles, avec des cours qui miseront sur la collaboration plutôt que la compétition, sur l’apprentissage plutôt que le résultat, sur la motivation plutôt que la discrimination, sur l’inclusion à la place de la hiérarchie, sur le plaisir à la place de la corvée.
Pourquoi notre ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance ne prend pas le taureau par les cornes? Pourquoi n’est-il pas proactif? Éduquer le corps est aussi important qu’éduquer l’esprit. Des milliers d’études le prouvent.
Le Nouveau-Brunswick doit prendre, plus tôt que tard, le même virage que nos voisins québécois. Une politique en matière de sport et d’activité physique chez nous est absolument nécessaire, avec des objectifs ciblés, des acteurs dédiés et crédibles ainsi que des incitatifs financiers qui permettraient aux familles d’avoir un meilleur accès aux équipements, aux installations et aux activités.
Certes, il n’est pas trop tard, mais le temps presse. Il en va de la santé et de l’avenir même de nos enfants.