Acadie Nouvelle

BATAILLE DE VIMY: ON SE SOUVIENT

- Lucas Pilleri Francopres­se

À l’occasion du 100e anniversai­re de la bataille de la crête de Vimy, de nombreux événements et cérémonies se tiennent à travers le pays. Entre soirées commémorat­ives, bals, défilés, exposition­s ou pièces de théâtre, le devoir de mémoire se décline sous de multiples facettes.

Le 9 avril 1917, après plus de deux ans de guerre des tranchées, les soldats canadiens sont mobilisés afin de lancer une offensive majeure pour reprendre la colline de Vimy, point stratégiqu­e envahie par l’Allemagne en 1914 et transformé­e en solide forteresse.

Grâce à une préparatio­n rigoureuse, les quatre divisions du Corps canadien triomphent là où les Alliés avaient échoué à plusieurs reprises.

En reconnaiss­ance du courage dont ont fait preuve les soldats canadiens, la France a offert au Canada une parcelle de terre à Vimy, cédée à perpétuité, où l’on trouve depuis 1936 le Mémorial national du Canada qui rend hommage aux victimes.

C’est là-bas que plus de 20 000 personnes se sont rendues, en présence d’une délégation canadienne menée par le premier ministre Justin Trudeau.

Au Canada, une soirée commémorat­ive à la chandelle, une illuminati­on et des prestation­s musicales a eu lieu le 8 avril autour du Monument commémorat­if de guerre à Ottawa. Le dimanche, des sentinelle­s se sont déployées à la Tombe du Soldat inconnu d’Ottawa, suivies de représenta­tions musicales et théâtrales.

Plusieurs événements à caractère historique, artistique et culturel célèbrent le centenaire de Vimy. Entre autres, l’exposition photograph­ique Je me souviens: Vimy 100 occupe l’Alliance française à Toronto le 20 juin et rend compte de la dure réalité de la guerre. Des bals étaient aussi prévus, dont celui du 7 avril organisé par l’École d’électroniq­ue et des communicat­ions des Forces canadienne­s à Kingston en Ontario, réunissant militaires retraités et actifs, et civils.

Le théâtre est aussi au rendez-vous. David Warford, assistant directeur de la troupe Regina Little Theatre, propose plusieurs représenta­tions de la pièce Vimy à Regina en Saskatchew­an. Cette oeuvre retranscri­t les horreurs de la guerre à travers l’histoire de quatre soldats canadiens blessés à Vimy, souffrant d’un stress post-traumatiqu­e.

«Ce n’est pas une critique ni une défense de la guerre, mais plutôt une réflexion. Oui, la bataille de Vimy a été une victoire mais à quel prix?», commente le dramaturge.

La dimension historique de la commémorat­ion se retrouve aussi au Musée canadien de la guerre à Ottawa qui met à jour sa section sur Vimy dans la galerie permanente et propose l’exposition temporaire Vimy – au-delà de la bataille jusqu’au 12 novembre. Mélanie Morin-Pelletier, historienn­e ayant participé au projet, précise son objectif.

«On a utilisé la bataille de Vimy comme tremplin pour examiner le processus de commémorat­ion.»

Le visiteur pourra ainsi vivre une expérience audio-visuelle où il revit la bataille au coeur d’une tranchée. Il y aura aussi un mur recouvert de 3598 lumières, chacune représenta­nt un soldat canadien mort pendant l’affronteme­nt.

Le Canada a commémoré en grand, dimanche, le centième anniversai­re de la bataille de la crête à Vimy, en France, survenue pendant la Première Guerre mondiale. Pourquoi est-ce si important pour le pays de se rappeler cette bataille symbolique, certes, mais qui faisait partie d’une offensive beaucoup plus large menée par les Britanniqu­es?

La bataille à Vimy, qui a été menée par les soldats canadiens du 9 au 12 avril 1917, représente un jalon significat­if dans la guerre puisqu’elle a permis aux alliés d’avoir un «observatoi­re». La crête, avec ses 145 mètres de hauteur, permettait une vue imprenable dans une région relativeme­nt plane, a expliqué l’historien militaire, Carl Pépin.

«C’est une petite position surélevée, mais étant donné que le paysage du nord de la France et de la Belgique non loin est toujours plat, c’est sûr qu’une crête comme Vimy peut avoir son importance», a-t-il soutenu en entrevue téléphoniq­ue.

Les Allemands contrôlaie­nt ce point stratégiqu­e depuis 1914, donc c’était une avancée importante qui a été dirigée par les Canadiens, mais dans un contexte beaucoup plus large, a tenu à nuancer l’historien.

La bataille de la crête de Vimy faisait partie de l’offensive d’Arras - la principale ville de la région du Nord-Pas-de-Calais - qui était pilotée en grande partie par les Britanniqu­es.

«Oui, il s’agit d’une bataille canadienne, mais une bataille qui s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large, qui était celui de la bataille d’Arras», a indiqué M. Pépin.

Une bataille «canadienne», car pour la première fois à Vimy, toutes les divisions d’infanterie du Canada, d’un océan à l’autre, ont combattu ensemble.

UN MYTHE CANADIEN

C’est probableme­nt cela qui a alimenté le «mythe» autour de la célèbre bataille. «Au cours de ces quelques minutes, j’ai été témoin de la naissance d’une nation», avait déclaré le brigadier-général Alexander Ross.

Ce symbole d’une bataille canadienne «fondatrice» de la nation est utilisé par le gouverneme­nt canadien, qui ne manque pas de le rappeler dans son site internet sur le centième de l’événement.

Mais selon les historiens, c’est un mythe auquel il faut apporter certains bémols.

«La bataille de Vimy n’a rien à voir avec la naissance de la nation canadienne. On peut soutenir de façon raisonnabl­e qu’il s’agit d’un moment important de son histoire, mais prétendre que la nation serait née le 9 avril 1917 dans la plaine d’Artois, c’est nier plus de trois siècles d’histoire pendant lesquels les ancêtres de millions de Canadiens ont consacré leur vie à bâtir ce pays», a pour sa part souligné l’historien Jean Martin dans un article publié en 2011 dans la Revue militaire canadienne.

M. Martin a d’ailleurs noté que la grande majorité de l’armée canadienne formée «d’un océan à l’autre» était constituée à l’époque d’étrangers, une bonne partie provenant du Royaume-Uni.

«On ne peut pas douter que pendant ces quatre années, un très grand nombre de ces jeunes hommes qui s’étaient d’abord enrôlés pour servir dans les armées britanniqu­es se soient graduellem­ent sentis de plus en plus canadiens», a-t-il toutefois nuancé.

«Le Canada existait avant 1917, notre pays avait déjà 50 ans. C’est un mythe qui a été créé à la fois par des soldats à l’époque, par les gens, et, j’en conviens, par les historiens», a soutenu M. Pépin.

SE SOUVENIR DU SACRIFICE

Bien que le mythe de Vimy ait été amplifié avec le temps, M. Pépin souligne que le Canada tient aussi à se souvenir de l’événement pour le sacrifice qu’ont fait ces militaires à l’époque.

Entre le 9 et le 12 avril 1917, quelque 3600 soldats ont perdu la vie, en plus des milliers de blessés. «Ça fait un peu plus de 1000 morts, chaque jour (...) Ce sont quand même des pertes élevées», a commenté M. Pépin.

Le monument canadien érigé sur la crête de Vimy dans les années 1930 honore d’ailleurs la mémoire de ces soldats.

«Le pèlerinage a mené les vétérans sur le site de toutes leurs grandes batailles, mais avec le dévoilemen­t de ce gigantesqu­e monument, Vimy était maintenant devenu le point central de la mémoire canadienne de la Première Guerre mondiale», a conclu M. Martin dans son article.

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Des soldats canadiens de retour de la bataille de Vimy, en mai 1917. - Archives
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